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La peine parfaite Par Juan Branco

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L’existence d’un complot visant à empêcher Ousmane Sonko de se présenter aux prochaines élections ne fait aucun doute. La question qui se pose est la suivante: pourquoi le pouvoir fait-il tant d’efforts afin de l’empêcher ?
Est-ce Dakar, ou l’Elysée, qui, avec une telle insistance, se battent pour s’assurer que la volonté du peuple sénégalais ne soit pas respectée, violant une démocratie qui avait jusqu’alors été respectée et admirée ?
En faisant condamner in extremis, ce jeudi 4 janvier 2024, M. Ousmane SONKO à la « peine parfaite » pour une diffamation qu’il n’a pas commise, au cours d’une procédure où l’un de ses avocats n’aura pu déposer ses conclusions de nullité ni plaider, se voyant expulser du territoire avant le procès, la Cour suprême a utilement servi ses maîtres avec l’appui d’un ministre du gouvernement sortant, utilement plaignant, Mame Mbaye Niang.
On n’avait pas réussi à le faire condamner pour viol, on n’avait pas réussi à le radier légitimement des listes électorales. La Cour suprême se montrait en effet craintive d’un revirement de jurisprudence trop grossier auquel elle se serait vue forcée. Donc, après consultations avec la Présidence, la Cour a accepté de faire audiencer, de façon précipitée, une affaire absurde et tombée dans les limbes afin d’obtenir la peine parfaite.
Cette même affaire de « diffamation » qui avait été audiencée à une vitesse historique par la cour d’appel de Dakar après que la décision du Tribunal n’ait convenu au pouvoir, puisqu’elle ne permettait pas, comme prévu, d’éliminer Ousmane Sonko.
Cette affaire par laquelle un ministre accusait M. Sonko d’avoir dit la vérité à son sujet, et le voulait pour cela condamné.
Six mois de prison avec sursis, donc, pour une affaire de diffamation, confirmés par la Cour suprême, soit la peine parfaite, permettant de justesse de rentrer dans les critères prévus par l’article L31 du Code électoral (à lire en lien avec les articles L29 et L30) rendant inéligible un candidat.
Signe que la peine, délicatement façonnée, a été décidée en opportunité de façon à s’assurer qu’elle produise les effets recherchés.
C’est un étrange pays qu’est devenu le Sénégal, où des magistrats véreux et corrompus, asservis, cherchent par tous moyens à préserver les formes et donner l’impression que l’Etat de droit restera.
Un pays où l’on élimine des candidats qui ont eu le courage de la vérité, parce qu’ils ont osé la dire. Parce qu’ils ont osé parler. Parce qu’ils ont osé s’exprimer.
Peut-être ces magistrats nourrissent-ils le secret espoir qu’après les convulsions politiques actuelles, et sur le dos de soixante cadavres et de mille corps et esprits emprisonnés, il se rétablira comme par magie, une fois la parenthèse Macky Sall contournée.
Peut-être simplement ont-ils compris, ces magistrats qui pour se rapprocher du sommet auront bien plus que brillé décidé le plus souvent de s’agenouiller, que leur seule fonction était d’habiller la violence du pouvoir, de la civiliser, comme en tout pays où le peuple est opprimé.
Leurs belles robes maquillées de sang éteignant la liberté et la souveraineté, la beauté d’un peuple aspirant à une dignité à laquelle ils ont, par fonction, renoncé.
A quoi sert un avocat en ces circonstances là ? A mieux jouer que l’adversaire, lui rappelant les règles jusqu’à le forcer à les appliquer, ou, les violant, le dénuder et montrer que depuis le début, les dés étaiet chiqués.
L’article 34 du Code pénal n’ayant pas été invoqué par la Cour d’appel, Ousmane Sonko reste en droit (ré)inscrit sur les listes électorales depuis l’ordonnance du Tribunal de Dakar, en application de l’article L47 du Code électoral.
Et donc éligible à l’élection présidentielle du 25 février 2024.
Il faudrait que la décision de la Cour suprême soit notifiée à l’administration, puis qu’il soit procédé à sa radiation, puis qu’il soit procédé à la notification de cette radiation – suite à quoi M. Sonko aurait, en application de l’article L40 alinéas 7 et 8 du code électoral, un délais pour déposer un recours auprès du Président du Tribunal d’instance, dont la décision serait encore susceptible de pourvoi devant la Cour suprême.
Cela a une implication immédiate: la décision qui a été rendue ne sera pas invocable demain par le Conseil constitutionnel, qui, s’il veut éliminer Ousmane Sonko comme le pouvoir le lui a demandé, et comme en a décidé son Président suite à une réunion informelle déjà rappelée, devra invoquer le prétexte bureaucratique qui était initialement prévu. A savoir que le dossier d’Ousmane Sonko ne serait pas complet, que sa clef USB ne fonctionnerait pas ou d’autres encore billevesées.
S’il veut respecter le droit, il lui faudra admettre que la candidature d’Ousmane Sonko, qui dispose de tous les parrainages de députés exigés et a procédé à toutes les démarches exigibles, est recevable malgré les milles entraves qui lui ont été faites par l’administration.
Le Conseil constitutionnel ne va pas respecter le droit, et les règles que le pouvoir a lui-même édictées.
Parce qu’un potentat, sur une corniche esseulée, a décidé que son honneur avait été souillé, non parce qu’il a massacré soixante des siens, mais parce que ce sang versé l’a empêché de se représenter.
Alors, aigre et mauvais, pitoyable comme le sont tous les tyrans, il a décidé de bassement se venger.
Avec l’appui frontal et assumé de ses anciens négriers, représentants d’une ancienne puissance coloniale trop inquiète de perdre ses bases et ce qui lui appairait encore comme l’un des piliers d’une influence effondrée.
Le gouvernement français tient absolument à entrainer le Sénégal dans sa chute, et ne se formalisera pas de quelques centaines de cadavres supplémentaires et quelques centaines de milliers d’exilés. C’est pourquoi d’ailleurs il n’hésite pas à abandonner dans les geôles de Dakar Coline Fay, l’une de nos ressortissantes, coupable d’avoir, à 26 ans et par amour, revendiqué en une manifestation pacifique que le droit des peuples soient respectés.
Coupable d’avoir défendu les idéaux qui nous ont fondés, et que depuis des siècles, nos dirigeants n’auront eu de cesse de piétiner et de souiller.
Nos dirigeants peuvent trembler. Le temps du droit, des avocats et des magistrats – de cette pantomime tendant parfois au sublime, lorsque les règles sont respectées – arrive à sa fin.
Il n’y aura bientôt plus de robes pour tout cela déguiser.
Et alors le peuple oui. Dans toute sa rudesse, son indigence, sa brutalité.
Dans toute sa splendeur. Celle d’êtres qui, aspirant à la dignité, refusant de la voir piétinée, n’auront pas peur d’engager leurs corps pour faire face aux balles et aux crachats de ceux qui se seront pris de les diriger.
Au temps le temps. Il n’y aura pas d’impunité.

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