Le diagnostic est sans appel : le continent noir est toujours à la traîne concernant le développement de la recherche. Malgré une ingéniosité à toute épreuve, les laboratoires souffrent du manque d’investissement financier et d’implication des gouvernements. L’Afrique ne consacre que 0,2 à 0,3% de sa richesse nationale à la recherche et au développement scientifique, soit dix fois moins que les pays développés, selon l’ONG Canadienne Mc Laughlin-Rotman Centre qui a fait le tour des laboratoires de santé du continent.
Le financement, un obstacle majeur
Vingt-cinq technologies seraient passées à la trappe sans avoir atteint le stade de fabrication et de l’industrialisation faute d’apport financier suffisant. Un exemple révélateur, l’incinérateur portable, une technologie bon marché mise au point par l’Université de Makerere en Ouganda et approuvée par l’Organisation mondiale pour la santé, est une invention qui peut s’avérer très utile en zone rurale, particulièrement lors des vaccinations de masse. Mais l’absence de contribution financière de la part de la classe politique constitue un obstacle majeur qui ne permet pas à ce type d’innovation d’être industrialisé et commercialisé. Même constat pour le kit mobile de diagnostic de la bilharziose, une maladie parasitaire tropicale affectant 200 millions de personnes dans le monde, mis au point par l’Institut de recherche médicale Noguchi, au Ghana.
Ces technologies « initiées le plus souvent par des entrepreneurs, sont innovantes et peu coûteuses pour améliorer la santé. Elles se développent à travers tout le continent », explique Ken Simiyu, le directeur de l’étude de Mc Laughlin-Rotman Centre. Mais selon lui, « Les fruits de ces efforts nécessitent d’être cultivés avec soin par des donateurs internationaux et les gouvernements ». Sinon ces technologies risquent d’être des innovations « dormantes ». Pour M. Simiyu, l’absence de commercialisation de ces produits « n’est pas qu’un problème financier. C’est un problème général lié à l’innovation, ce qui inclut des questions à la fois politiques et financières ».
Une recherche qui manque de réseaux et de compétence
Les gouvernements sont les premiers à blâmer. Mais la recherche souffre aussi de l’absence de réseaux et de soutien sur la plan international pour entamer les démarches concernant la fabrication et la commercialisation des découvertes.
L’ONG canadienne donne l’exemple de l’Institut de recherche médicale du Kenya qui, après avoir construit une unité de fabrication de kits de diagnostic du sida et de l’hépatite B, a appris que le gouvernement changeait ses critères d’achat rendant ainsi inapte le nouveau site de production. L’absence de commercialisation de ces produits « n’est pas qu’un problème financier. C’est un problème général lié à l’innovation, ce qui inclut des questions à la fois politiques et financières », explique M. Simiyu.
De même, au Nigeria, l’Institut national pour la recherche pharmaceutique et le développement a mis au point le Niprisan, un traitement sans toxicité contre l’anémie falciforme (drépanocytose), une maladie du sang héréditaire, répandue en Afrique et chez les Afro-américains. La commercialisation de ce traitement a échoué en raison de problèmes de production, de contrôle de qualité et de distribution, alors qu’il avait été préalablement homologué par les autorités américaines de la Food and Drug Administration.
La médecine traditionnelle représente actuellement une autre alternative. Seize des vingt-cinq innovations citées s’inspirent de traitements traditionnels à base de plantes. L’entreprise tanzanienne A to Z Textiles, premier fabricant africain de moustiquaires imprégnées, et l’Institut malgache de recherche appliqué (IMRA), qui s’est inspiré de la médecine traditionnelle pour produire un traitement contre le diabète, incarnent cette tendance. « La piste la plus prometteuse », estime M. Simiyu.
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