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La relation Mali/Sénégal vue sous l’angle de la Contagion géographique dans le Tourisme (Par Elhadji Aziz Gueye)

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Nous y sommes ! 2022. La pandémie Covid19 entame sa troisième année consécutive. Le tourisme qui en a été la plus grosse victime, a cependant survécu aux différents variants. Et voyager, de manière générale, quoique désormais difficile à cause de nombreuses incertitudes en amont(test Covid, passe sanitaire ou vaccinal…) et en aval (quarantaine, confinement…), est toujours possible. Et même davantage.

Le tourisme ne meurt donc pas du Covid, même s’il s’avère illusoire de lui faire retrouver son visage d’avant pandémie. Un secteur définitivement inscrit dans la globalisation financière, procurant 10% des emplois et concernant pas moins d’un milliard et demi d’individus et trois trillions de dollars US au bas mot, peut en effet avoir une forte capacité de résilience. Toutefois, Covid oblige, nous nous trouvons dans l’obligation de le repenser, de le transformer profondément pour l’adapter à la nouvelle réalité mondiale. Il va s’agir de travailler dans le sens de lui ôter son caractère « de masse » et de le concevoir désormais en tenant compte de nouveaux paramètres comme la perpétuation des gestes barrières et la distanciation sociale, mais aussi les impacts du Changement climatique.

À l’échelle continentale africaine, le tourisme survit certes, mais toujours sous la menace. Sous la menace du virus Omicron lequel, comme ses prédécesseurs, continue d’exacerber les perturbations dans les chaines d’approvisionnement, et de plomber toute perspective de reprise économique. Omicron de ce fait participe à redessiner de nouveaux contours aux échanges internationaux en général, et donc au tourisme international.

Repenser le tourisme pour les pays africains exposés au virus et moins servis en vaccins, (seulement 7% de la population africaine sont vaccinés) revient donc à d’abord trouver une stratégie globale de riposte au Covid-19. Il s’agira ensuite de réfléchir sérieusement à une réduction de la forte dépendance des centres émetteurs de tourisme du Nord.

Aux fins de mieux gérer les fermetures /réouvertures de frontières qui échappent à la volonté des acteurs touristiques africains et qui s’accompagnent de restrictions incompatibles avec l’exercice de l’activité touristique. D’autant que, à en croire l’Organisation Mondiale de la Santé, OMS, jusqu’ici l’efficacité de la fermeture des frontières pour contrer la circulation du virus n’est pas établie.

Pour les pays d’Afrique ouverts au tourisme international, l’enjeu est d’anticiper et de trouver des alternatives puisque « la pandémie du Covid-19 est loin d’être terminée » pour reprendre le Directeur Général de l’OMS en conférence ce 18 janvier 2022.

Dans cette perspective, le Sénégal se trouve être interpellé au même titre que les autres pays d’Afrique.

Il y a seulement que le Sénégal a la particularité de se situer à l’ouest du Continent, avec des voisins sahéliens parmi lesquels le Mali. Le Mali se trouve être l’épicentre de la violence au Sahel et toujours au cœur de ce qui fait l’actualité sur le continent, c’est-à-dire la crise née des

lourdes sanctions imposées par la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO.

Le Mali partage une frontière avec le Sénégal et est en même temps frontalier avec six autres pays.

Une situation particulière qui peut être perçue comme une faiblesse ou comme une force, en tous cas un sort géographique de nature à engendrer un complexe obsidional.

Toutefois, la relation entre le Mali et le Sénégal va au-delà d’un simple tracé de frontière, et interroge la géopolitique. D’où toute l’importance du prisme culturel qu’il nous faut absolûment considérer compte tenu d’un vécu commun pluri centenaire.

Au moment des Indépendances en effet, le Mali entra dans une fédération avec le Sénégal. La Fédération du Mali fut portée sur les fonts baptismaux, mais devait malheureusement connaitre une vie très brève.

Quelque chose de très important a cependant survécu à l’éclatement de la Fédération : c’est d’abord un héritage commun légué par la Charte de KURUKANFUGA qui vit le jour au 13ieme siècle sous Soundiata Keyta, et qui a donné naissance entre autres au cousinage à plaisanterie entre des noms de famille mais aussi entre des groupes ethno linguistiques composant les populations des deux pays. Ont survécu aussi surtout les liens familiaux établis à travers de nombreux mariages « mixtes ».

Au-delà de la parenté, c’est aussi une relation commerciale très forte : pas moins de 20% des exportations du Sénégal côtier s’effectuent avec le Mali en situation d’enclavement géographique.

Avec sept frontières physiques, le Mali se trouve entouré de sept (groupes de) territoires qu’en géographie touristique nous appelons des espaces touristifiés.

C’est dans ces espaces que se pratique le tourisme, d’où l’important rôle qu’ils jouent surtout quand il s’agit de nous situer sous l’angle géopolitique du tourisme qu’il nous faut bien prendre en compte dans les relations commerciales entre le Mali et le Sénégal.

C’est qu’au-delà du physique et du visible, la géopolitique touristique bilatérale joue en défaveur du Sénégal, par le biais de ce qui est connu comme étant la Contagion géographique.

De quoi s’agit-il ?

Beaucoup de catégories de clientèles touristiques surtout d’Outre -Atlantique, n’envisagent un déplacement en Afrique de l’Ouest qu’avec la possibilité de visiter au moins deux pays.

Parmi ces touristes potentiels, pour la plupart clientèle haute contribution, un grand nombre souhaitent faire un combiné Sénégal/Mali.

Ce que la situation actuelle de violence et d’insécurité au Mali, exacerbée par la tension récente née de la crise avec la CEDEAO, ne permet point.

D’où le lourd manque à gagner_ qui malheureusement s’accentue_ pour les différents segments de l’industrie touristique du Sénégal, mais aussi pour la compagnie aérienne Air Sénégal.

Le Sénégal n’engendre aucun gain touristique de la situation actuelle au Mali. Pis encore ! le manque à gagner ne ferait que s’alourdir si la tension née de l’embargo régional persiste.

Il y a fort à espérer que quand la violence sera éradiquée au Mali, ce fort potentiel se matérialisera au grand bonheur du tourisme sénégalais.

En attendant, le Sénégal doit faire en sorte de se sortir du niveau 3 ( le niveau 4 étant la ligne rouge) où le classe cette semaine le Ministère Américain des Affaires Étrangères, US State Department, dans la dernière mise à jour des Travel Advisories.

La contagion géographique ne va pas être éternelle, et la spécificité des liens de toutes sortes entre le Mali et le Sénégal commande que la relation normale soit restaurée et la bonne entente retrouvée. C’est presque un impératif de survie.

Elhadji Aziz Gueye

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