21 jours après la journée historique du 23 juin beaucoup de nos compatriotes attendent avec amertume le discours du Président de la république prévu aujourd’hui 14 Juillet. Pourtant depuis les événements le Président Wade s’est à maintes reprises prononcé à ce propos et a posé des actes à cet effet. Le discours du 14 juillet sera juste l’occasion pour le Président de la République de confirmer les mesures déjà prises.
On peut se poser la question de savoir pourquoi nos compatriotes attendent du chef de l’Etat qu’il fasse un discours sachant que l’action est plus forte que la parole et que le Président a déjà agi. Dans la suite de ce texte, nous allons analyser les actes posés par le chef de l’Etat et tenter d’anticiper sur ce qu’il dira le 14 juillet.
Depuis le 23 juin, le Président Wade a préféré répondre au peuple à travers 2 réunions du comité directeur de son parti.
Au delà de la teneur de ces réunions, le premier enseignement qu’on peut en tirer, c’est que le Président de la République a répondu au peuple en chef de parti. En effet face à un événement aussi majeur, au lieu de réunir les forces vives de la nation et se comporter comme un chef d’Etat, le Président Wade a choisi d’agir comme secrétaire général du PDS. Ceci n’est pas un hasard, en effet, après 11 ans d’exercice du pouvoir, le Président Wade ne s’est jamais mis dans la peau d’un chef d’Etat, il a toujours agi comme le chef du PDS et a transformé le palais de la République en un siège de son parti. Il est entré au palais comme un chef de parti et il en sortira comme un chef de parti. Après 11 ans, le Président de la République s’est montré incapable de s‘élever au dessus de la mêlée pour prendre de la hauteur afin d’agir comme l’unificateur de la nation, le garant de la cohésion nationale. Avec lui il est un peu déplacé de parler de gardien de la constitution comme le disait Elhadji Mansour Mbaye du temps du Président Abdou Diouf, en ce sens que Wade s’est toujours comporté comme un violeur de la constitution et il l’a violé à 17 reprises environ. A ce propos, pour le dédouaner, on ne peut pas forcer une personne à offrir quelque chose qu’elle n’a pas, et le Président Wade n’a ni élégance ni classe, il est incapable de voir au delà des ses intérêts, de ceux de sa famille et de ceux de son parti.
Pour en venir à la teneur de ces deux rencontres, les mesures prises peuvent se résumer en des appels à la violence et en des tentatives de dé-crédibilisation du 23 juin. En effet, le premier comité directeur avait comme objet « l’analyse de la journée du 23 juin et les décisions à prendre à cet effet ». A l’issu de la réunion, le comité directeur a pris la décision d’installer des comités de défense des institutions dans tous les quartiers du Sénégal. Le soleil rapporte que Le Président a exhorté son parti à mieux s’organiser pour répondre de « manière énergique aux agressions répétées des forces politiques adverses, sans faille et avec détermination ». Babacar Gaye révèle que le Président Wade a salué « la capacité de résistance de son parti à travers les jeunes, même s’ils ont été pris de court par les évènements ».
L’analyse de ces décisions émanant d’un Président de la République fait froid dans le dos. Tout d’abord le 23 juin, les violences notées étaient soit le fait d’éléments du PDS comme en témoignait le journaliste Pape Allé Niang ou comme le témoigne l’agression d’Alioune Tine soit des échauffourées provoquées par les charges de la police sur les manifestants. Aujourd’hui le Président Wade devrait plutôt remercier les leaders de l’opposition, car s’ils n’avaient pas canalisés la fougue de la jeunesse, aujourd’hui Wade serait dans sa dernière demeure ou à bord de la pointe de la Sardaigne pour chercher difficilement un point de chute comme ce fut le cas de Ben Ali. « Installer des comités de défense des institutions » revient à former des groupes armés dans le pays à la solde du PDS car s’il s’agit de protéger les institutions de la République la police et la gendarmerie sont là pour ça. « Saluer la capacité de résistance des jeunes du parti et les exhorter à mieux s’organiser pour réponde de manière énergique aux agressions répétées de l’opposition » : c’est une forme d’incitation à la à la violence et à la confrontation. L’agression de Serigne Mansour Sy Jamil montre que cet appel à la violence a trouvé son écho et que leur plan d’installation de la violence dans le pays est maintenant opérationnel. Ce qui est encore plus grave c’est que ces décisions ont été prises dans l’enceinte du palais de la République. Si nos institutions fonctionnaient correctement, à la publication du compte rendu de ce comité directeur, tous les gens qui ont assisté à cette rencontre devraient être traduits en justice et inculpés pour « incitation à la haine et à la violence » et « atteinte à la sureté de l’Etat ». Cette attitude de Wade nous rappelle un certain Laurent Gbagbo avec ses jeunes patriotes. Son retranchement au plais nous rappelle aussi Gbagbo quand il s’était retranché dans son palais en attendant la délivrance divine. Gbagbo a été entrainé par sa femme et le boulet de Wade c’est son fils Karim. Souhaitons pour lui et pour l’image du Sénégal qu’il ne finira pas comme son ennemi juré.
Durant la deuxième réunion du comité directeur, le Président Wade a accusé l’opposition d’être en train d’installer l’instabilité et la terreur dans le pays et que son parti doit prendre ses responsabilités pour faire face aux velléités de déstabilisation de nos institutions venant de l’intérieur comme de l’extérieur de nos frontières. Lors de cette réunion ils ont entendu Karim Wade à propos des affirmations de Robert Bourgi et comme on pouvait s’y attendre, l’assistance a cru aux démentis de Karim Wade sur parole. Durant cette réunion ils ont aussi annoncé que désormais le comité directeur allait se réunir chaque semaine. Cette deuxième réunion du comité directeur montre que le PDS veut se substituer à l’Etat pour vouloir maintenir l’ordre et s’est substitué à la justice pour découvrir la vérité à propos des affirmations de Robert Bourgi. Les faits reprochés à Karim Wade sont très graves car elles portent atteinte à la souveraineté et à la stabilité de notre pays et cela mériterait au moins l’ouverture d’une enquête sérieuse surtout que la justice peut facilement accéder aux preuves au Sénégal comme en France. Dans cette affaire espérons que la vérité sera établie un jour. Leur décision de tenir le comité directeur toutes les semaines à la présidence de la République confirme que désormais c’est au comité directeur du PDS que l’avenir de notre pays se décide.
Dans leur stratégie de minimisation et dé-crédibilisation du 23 juin, il y a eu tout d’abord le mensonge selon lequel c’est à la demande des marabouts que le projet de loi a été retiré. Karim Wade a joué sa partition dans cette stratégie de dé-crédibilisation et de diversion. C’est lui qui osé accuser publiquement sans preuve l’opposition d’avoir armée des jeunes pour s’attaquer aux autorités. Dans la foulée il a aussi accusé les opposants d’être derrière les attaques d’églises. A travers ses agissements, on voit que son but tout comme celui de son père c’est de mettre le pays à feu et à sang alors que selon Monsieur Bourgi le père et le fils étaient en train de négocier une exfiltration par l’armée française. C’est dans cette même lancée que Karim Wade a écrit sa fameuse lettre ouverte aux sénégalais. L’affaire Hissène Habré rentre toujours dans le cadre de la diversion, avec cette affaire leur but était qu’on parle du Sénégal sur d’autres dossiers internationaux pour étouffer le 23 juin. Mais détrompez vous, le 23 juin est et restera une journée historique pour notre pays et restera gravée dans toutes les mémoires. Le 9 juillet, la dispersion de la réunion du mouvement du 23 juin rentre dans le cadre de l’intimidation.
Compte tenu de l’analyse qui a été faite des actes posés jusque là et compte tenu de la personnalité du Wade, il est aisé d’anticiper sur son discours. Sans nul doute, dans son discours il abordera notamment trois points : la glorification de son œuvre, l’annonce de « mesurettes » et la critique de la communauté internationale.
Mes compatriotes qui attendent des annonces importantes risquent d’être déçus. Connaissant Wade, il ne faut pas s’attendre de sa part à une annonce importante à la hauteur des événements du 23 juin. Il n’accédera à aucune demande de l’opposition, il leur réitérera juste un appel au dialogue. Mais le problème c’est que Wade a tellement trompé et trahi que personne ne peut plus lui donner du crédit même s’il est sérieux sur ce coup.
Pour son bilan il va se glorifier des ces 7 merveilles sans dire en quoi elles sont merveilleuses pour le sénégalais moyen qui manque de tout et qui a d’autres priorités que de les contempler. Il nous parlera des routes sans nous préciser que ce sont des routes payées à prix d’or par le contribuable sénégalais qui on dirait ne mérite pas de rouler sur des routes normales payées à leur juste prix à l’instar des autres peuples. Le Président nous parlera du budget de l’éducation qui selon lui occupe 40% du budget national et de la construction d’infrastructures scolaires et universitaires on oubliant de dire que les problèmes de l’éducation sont encore plus aigus aujourd’hui plus qu’avant. Dans ce domaine, avec leur stratégie de la quantité, le Ministère de l’Education Nationale s’est transformé en un Ministère de l’alphabétisation nationale avec un niveau qui baisse d’année en année, des effectifs pléthoriques et des problèmes d’orientation des bacheliers. Dans son bilan il omettra de parler de la cherté de la vie et du désespoir des sénégalais avec l’immigration clandestine des jeunes au prix de leur vie et les immolations qui sont maintenant banalisées. Dans son bilan il oubliera de parler de ses 11 ans de corruption et de mal-gouvernance qui ont aujourd’hui plongé le pays dans une crise généralisée : gouvernement pléthorique, instabilité gouvernementale, création du Sénat et du Conseil Economique et Social, création d’agence tous azimuts, les fonds politiques sources d’enrichissement pour Wade et son fils putatif Idrissa Seck, la liquidation des ICS, la gestion de la SENELEC, l’affaire de la LONASE, le naufrage du Jola par négligence, l’affaire Mbakiyou Faye, l’affaire SUDATEL, l’affaire des 7 milliards de Taiwan, l’affaire Global Voice, l’affaire SEGURA, le scandale de l’ANOCI, le FESAMAN, le monument de la renaissance, l’accaparement des terres par le Président Wade et les proches du régime. Dans son bilan il oubliera de dire que ses 11 ans de règne, ce sont 11 ans d’impunité et d’injustice : affaire des chantiers de Thiès notamment avec l’emprisonnement injustifié de Bara Tall, agressions de Talla Sylla et d’Alioune Tine, agressions répétées de journalistes, près de 14 meurtres qui sont restés impunis à ce jour, Malick Bâ en est la dernière victime. Il oubliera de dire que ses 11 ans, ce sont aussi 11 ans de viol et de tripatouillage de la constitution à des fins familiales ou partisanes comme l’éjection de Macky Sall de la Présidence de l’Assemblée Nationale. Ce n’est que durant sa dernière et ultime tentative de viol de la constitution qu’il a été pris en flagrant délit par un peuple vigilant et déterminé.
Ensuite le Président Wade, comme à son habitude devrait annoncer des promesses qu’il ne tiendra pas. IL parlera notamment du plan takkal, de ses magasins témoins et éventuellement de vivres de soudures pour le monde rural. Déjà au lendemain de la journée du 23 juin il avait affirmé qu’il ne démissionnera pas et que le gouvernement restera en place; sur ce point il ne faudra pas s’attendre à grand chose. Il profitera peut être de cette occasion pour virer ceux qui, dans son camp étaient hostiles à son projet. Comme à son habitude il fera les éloges de son fils
Le choix du 14 Juillet, fête nationale française n’est pas anodin, en effet puisque ses anciens amis lui ont tourné le dos pour se mettre du coté du peuple, il va s’attaquer à eux après avoir critiqué l’opposition. Il se présentera alors comme l’Africain qui se bat contre le néocolonialisme et contre l’ingérence occidentale comme si ce n’était pas lui qui avait trahi ses pères africains pour être la marionnette des occidentaux en Lybie avec son voyage à Benghazi. A chacune de ces attaques il sera acclamé par une salle totalement acquise à la cause du maitre, au finish il n’y aura que du déjà vu.
Tout cela pour dire que le Président de la République parlera pour ne rien dire. Il parlera sans répondre à la colère du peuple qui demande tout simplement un respect de la constitution. Cela montre que le Président Wade n’a pas encore compris le message du peuple ou qu’il fait du « maa tay ».
Dr. Serigne DIA, Grenoble Email : [email protected]