Sur un tel sujet, on pouvait s’attendre au militantisme le plus explicite. Mais l’artiste néerlandaise, Adelheid Roosen (lire son portrait ici), s’en sort plutôt bien. S’inspirant de la célèbre pièce Les monologues du vagin, d’Eve Ensler, dans laquelle elle-même a joué il y a quelques années, la quinquagénaire met en scène douze histoires intimes de désirs, de plaisirs, de frustrations et de violences sexuels, tirées de ses conversations avec des femmes musulmanes de tous âges vivant aux Pays-Bas.
Dans Les monologues voilés, joués au petit théâtre de Paris jusqu’au 1er janvier, quatre actrices belges d’origine maghrébine ou turque prêtent leurs voix avec humour ou gravité à ces affaires de femmes qui, malgré le poids écrasant de la religion musulmane et/ou des traditions, révèlent une part d’universalisme.
Passant d’un univers à l’autre (Somalie, Maroc, Turquie…), la pièce dénonce de manière parfois crue des pratiques comme l’excision, l’obturation vaginale, le mariage forcé ou arrangé, le viol conjugal, souligne longuement l’obsession de la virginité féminine dans les familles de culture musulmane et aborde le tabou de l’homosexualité. »J’ai trois Corans à la maison, j’y ai jamais vu le mot homo », sourit l’une des jeunes femmes, qui incarne une Marocaine « garçon manqué ».
Entrecoupé de chants et de musique, le texte dévoile aussi les stratagèmes des femmes pour satisfaire leurs désirs ou simuler la virginité, insistant lourdement sur la reconstitution d’hymen, « cette membrane plus importante qu’un tympan, qui lui peut se déchirer ». Toutes générations confondues, les personnages évoquent avec colère ou fatalisme la trahison de parents complices de la perpétuation de ces pratiques liées à la culture ou à la religion. Sur un mode humoristique, elles se livrent aussi à une étude comparée des charmes de l’homme « arabe et hollandais ». Un parti pris qui sauve la pièce de ses écueils trop lourdement militants