« La situation que vit actuellement le Fouta reflète au moins deux paradoxes ». (Par Sadibou Sow et Yero Guisse)

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« Ndoungou ouri » (On sent la douceur de l’hivernage) est une chanson des Toure Kunda qui a bercé le Sahel et la savane dans les années 90. Ce morceau phare de l’album « Salaam rappelle toute la magie d’un moment de l’année, qui, pour les populations rurales de cette région de l’Afrique, est synonyme de joie et d’espoir.

Avec les premières pluies de l’hivernage, les puits et marigots se remplissent d’eau. La brousse se pare de son tapis herbacé. Les cultivateurs s’activant dans les champs rêvent déjà de bonnes récoltes. Les pasteurs, que la saison sèche avait poussés sur les chemins de la transhumance, retournent au bercail poussant devant eux des troupeaux repus qui offrent généreusement leur lait même aux étrangers. Bref, l’hivernage, dans l’imaginaire sudano-sahelien, c’est le retour de l’abondance, de l’espoir, de la dignité et de la gaieté.

Malheureusement depuis quelques années, l’hivernage est aussi devenu synonyme de cauchemar pour une bonne partie des populations de la vallée du fleuve Sénégal. En effet, les premières pluies qui sont tombées cette semaine ont encore mis en relief la situation plus que calamiteuse des routes, notamment sur l’axe Bokidiawe-Ourossogui. Des bus embourbés, des ponts submergés, des routes coupées par des flaques d’eau, des voyageurs aux yeux  hagards bloqués au milieu de nulle part: tel est le spectacle infernal que l’on voit dans plusieurs vidéos partagées sur les réseaux sociaux par des voyageurs qui ont eu le malheur de s’aventurer dans le département de Matam en ce début d’hivernage. Rappelons que cette année, la pandémie du Covid 19 a chamboulé l’année scolaire que le gouvernement a décidé de prolonger de quelques mois. Cela veut dire que, jusqu’en septembre (?) les élèves et le personnel enseignant devront continuer à emprunter ces mêmes routes infernales qui hantent le sommeil des transporteurs les plus téméraires.

La situation que vit actuellement le Fouta reflète au moins deux paradoxes. D’abord, les régimes libéraux qui dirigent le pays depuis 2000 ne ratent jamais l’occasion de se vanter de leur performance en matière d’infrastructures: l’autoroute à péage, Dakar Arena, l’Arène nationale, le Train express régional, le nouveau stade olympique ou encore Bus Express Transit (BRT)…

Pendant ce temps, la vallée du fleuve Sénégal, première zone productrice de riz du pays, doit prendre son mal en patience. Depuis 2015, l’Etat avait lancé les travaux de route nationale N°2 qui devait contribuer largement à une meilleure circulation des biens et des personnes, notamment les produits agricoles et les phosphates biologiques de Matam. Seulement dans la chorégraphie des priorités de l’Etat, désenclaver la vallée du fleuve Sénégal ne semble pas avoir une place enviable.

D’aucuns pourraient penser que, si cette zone est privée d’infrastructures routières adéquates, c’est parce que ses filles et fils ne sont pas bien présents  dans les hautes sphères étatiques; que nenni! Dans le discours de certains cadres politiques, si le Fouta est si mal servi en infrastructures, il faut blâmer, non pas le Président de la République, mais plutôt ces hauts responsables  administratifs originaires du Fouta, que le Président a nommés, mais ne font pas correctement leur travail pour sortir le terroir de l’ornière. Le moins qu’on puisse dire est qu’en cherchant à défendre le Chef de l’Etat, ces politiciens proches du Président font des aveux de taille: le régime de Macky Sall a beau compter, en son sein, un grand nombre de ressortissants du Fouta, la région elle-même demeure gravement dépourvue d’infrastructures vitales.

Ces paradoxes mentionnés ci- haut illustrent la déconnexion qui existe les élites politiques et le terroir. Si ces élites et leurs familles y passaient leurs vacances régulièrement, elles s’arrangeraient pour que les infrastructures soient dans de meilleures conditions. Hélas, moment où les populations du Fouta souffrent, les autorités politiques naviguent entre  Dakar et l’étranger, attendant les périodes électorales pour débarquer avec leurs manettes de billets de banque et tenir des discours surréalistes.

En attendant,  cette région que  le Président Abdou Diouf considérait  à juste titre comme une potentielle « Californie de l’Afrique » devra se contenter, pour le moment, d’abriter ce que le Président Macky Sall appelait fièrement son « titre foncier » électoral.

Les populations doivent enfin se  réveiller et mettre en avant leurs doléances et leurs intérêts collectifs  pour le développement socio-économique du Fouta.
Les leçons de la pandémie du coronavirus doivent interpeller davantage les uns et les autres pour une prise en charge en temps de nos doléances. A défaut de cette prise de conscience collective, le Fouta ou « Binguel Morowo » (fille de la coiffeuse) comme l’a surnommé le Président Macky Sall,  risque de rater le train de l’émergence.

2 Commentaires

  1. Je me demande pourquoi les originaires du Fouta aiment partout sauf le Fouta. Gondiel Ka l’exilé au Canada doit nous éclairer sur cette question, en lieu de nous imposer la langue Poular.

  2. le neddo ko baddum farfelu de nos parents haal pulaar est passé par la mon cher …je préfère un HONNÊTE ATHÉE à un Malhonnête soi disant musulman… on ne vote pas qq qui est prédestiné à gérer notre quotidien pour ses beaux yeux ou par son appartenance religieuse confrerique ou ethnique …. ça leur servira de leçons j espère ….

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