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La suppression du Sénat, un acte fort qu’il faut saluer Par Mody Niang

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La décision ne devait certainement pas être facile, mais c’était la bonne, et il fallait la prendre. Cette suppression du Sénat était le souhait de l’écrasante majorité du peuple sénégalais. Un gouvernement responsable ne peut pas ignorer l’opinion publique. Le président Macky Sall aurait commis une erreur grave, peut-être la plus grave de sa gouvernance, s’il avait maintenu le sénat. Sans doute, nombre de compatriotes de son entourage, de son Parti et de sa Coalition l’y incitaient-t-ils, pour leurs propres intérêts. Lui-même aurait souhaité, à l’instar de ses deux prédécesseurs, le maintenir pour y caser – c’est désormais le mot consacré – quelques parents, militants et amis, cent en tout. Que valent cent privilégiés, pratiquement payés à ne rien faire, par rapport au souhait ardent des 65 % de Sénégalais qui l’ont porté à la magistrature suprême de fort belle manière, avec le ferme espoir que, pour cette fois, l’heureux élu respectera ses engagements et, en particulier, celui à mettre en œuvre une « gouvernance vertueuse, sobre, transparente et de rupture ». Si le président Sall arrive donc à faire voter cette mesure par le Parlement – rien ne serait encore définitivement acquis semble-t-il  –, il sera en phase avec l’écrasante majorité de la population sénégalaise.

Il est vrai qu’on entend, ça et là, quelques individus qui critiquent pour critiquer. C’est notamment le  cas de Modou Diagne Fada qui affirme, péremptoire, que le président Macky Sall a pris sa décision sous la pression des Assises Nationales. Je croyais que ce garçon se ferait plus discret, avec les nombreuses casseroles qu’il traînerait. Il est vrai que, quand on a la bouche ensanglantée, on est plus porté à dire des insanités. Ayant tout perdu ou presque, il veut  désormais jeter du sable dans tous les plats de couscous qui ne lui sont pas destinés. Nous nous attendions plutôt qu’il se prononçât sur ces fameux 500 millions dont on dit qu’ils seraient déjà inscrits plusieurs fois dans le budget du Ministère et de la Santé et de l’Action sociale, pour l’achat d’un appareil coronarographique au profit de la Faculté de médecine de l’Université Cheikh Anta Diop. Ces 500 millions se seraient volatilisés, comme le seraient, quelques années auparavant, les 400 autres destinés à réaliser le Centre d’enfouissement technique (Cet) de Dias, au moment où Diagne Fada était Ministre de l’Environnement. Peut-être que les audits en cours nous feront la lumière sur ces deux affaires, ou considérées comme telles.

Pour revenir à la décision du président Sall de supprimer le sénat, d’autres s’accrochent  encore désespérément à l’institution et s’emploient à nous convaincre de son utilité dans l’architecture institutionnelle du Sénégal. Le sénat existe dans toutes les grandes démocraties, notamment en France et aux États-Unis, les entend-on clamer partout. L’un d’eux précise, pour nous convaincre de l’importance du sénat, qu’aux États-Unis, personne ne peut être candidat à l’élection présidentielle s’il n’est pas sénateur. Il a parfaitement raison et ne se rend pas compte qu’il argumente contre lui-même. Ce n’est même pas décent d’évoquer les sénats américain et français pour justifier le maintien de celui du Sénégal. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la liste des sénateurs de Diouf et surtout de Wade ! On en trouve de toutes les couleurs, qui auraient de la peine à se souvenir de leur dîner de la veille.

Si nous étions en France, les personnalités-ci après désignées, pour ne citer qu’elles, pourraient bien être sénateurs : Abdoulaye Mahtar Diop, Cheikh Hamidou Kane, les Premiers ministres Habib Thiam, Mamadou Lamine Loum et Moustapha Niasse, Jean-Paul Dias, Ousmane Tanor Dieng, Me Ousmane Ngom, Djibo Ka (oui, eux !),  l’ancien Ministre de l’Économie et des Finances Ousmane Seck, l’ambassadeur Falilou Kane, Mouhamadou Mbodj, le Pr Ibrahima Fall, Jacques Diouf, Babacar Ba et le juge Kéba Mbaye s’ils étaient encore vivants, etc. Un sénateur, ce n’est pas n’importe qui, un quidam venu de nulle part : il doit avoir un bon profil, un certain background. Les personnalités dont je viens de citer les noms – et il y en a bien d’autres dans tous les secteurs de la vie nationale –, seraient parfaitement à l‘aise devant tous les textes qu’on leur présenterait. Ils ne voteraient pas n’importe quelle loi, les yeux fermés.

Le sénat que le président Macky Sall envisageait de maintenir serait sans commune mesure avec les sénats français ou américain. Il traînerait sûrement les mêmes tares que ceux de Diouf et de Wade : il nous coûterait les yeux de la tête pour rien. Sept milliards par an, avance le président de la République. Quatre, objecte poliment le président du sénat. C’est le lieu d’ailleurs de rendre hommage à sa sportivité, à son réalisme, à son pragmatisme et à son sens de l’intérêt général.

On en entend qui contestent l’opportunité de la suppression de l’institution pour seulement des raisons économiques. Sept milliards d’économie par an, à leurs yeux, ne peuvent pas résoudre le problème des inondations. Ils peuvent quand même notablement y contribuer. Si le gouvernement planifiait de déloger progressivement les populations qui vivent dans les zones inondées pour les reloger ailleurs, combien de logements sociaux pourrait-on construire, pendant cinq ans, avec 30 à 35 milliards ? Des milliers, s’ils ne sont pas construits à la manière du « Plan Jaxaay ».

Donc, que le président Sall ait pris la décision sous pression ou en toute indépendance, peu importe ! Quel que soit le cas de figure, l’acte est à saluer et à encourager. Nous vivons un contexte particulier, un contexte économique surtout très difficile, décrit clairement par le Ministre Amadou Kane, face à Mamoudou Ibra Kane, dont il était l’invité au « Grand Jury » du dimanche 19 août 2012. Les pluies diluviennes de ces derniers jours s’y ajoutant, la sagesse commandait au président Sall de renoncer au sénat, même si c’était avec déchirement, et ça l’a été sûrement.

Personnellement, je le félicite et l’encourage à aller plus loin, en prenant encore davantage d’actes dits de bonne gouvernance. Déjà, on annonce beaucoup de mesures en cours : transmission de tous les rapports d’audits qui dormaient dans les tiroirs de la présidence de la République, déclenchement des audits de la gestion des Libéraux, arrêts des contrats liés à la convention de villas ou d’immeubles pour loger (en principe) certains agents de l’État – que d’abus à ce niveau ? –, remise en cause de certains avantages facilement accordés par son prédécesseur, procédure d’expropriation portant sur 400 baux octroyés par le même, surtout pendant la dernière année de son magistère ;  abrogation du décret instituant  un fonds commun aux magistrats, renoncement à l’achat de véhicules neufs pour les députés, etc. Certaines de ces mesures ont déjà provoqué un véritable tollé, de la part surtout des magistrats et des inspecteurs des Impôts qui fourbissent leurs armes et sont prêts à en découdre avec lui, pour défendre crânement leurs avantages dits déjà acquis.

Le président Wade a usé et abusé des lotissements clandestins, du moins qu’on peut considérer comme tels, puisqu’ils se faisaient en sourdine, sous la table, en catimini. Seuls, des cercles restreints étaient au courant et des centaines de parcelles de terrains soustraits des réserves foncières qui appartenaient à toute la collectivité nationale étaient ainsi distribuées à des compatriotes triés sur le volet. Voici comment je stigmatisais ces lotissements scélérats dans mon dernier livre (« Le Clan des Wade …, chapitre VI, page 167») : « La politique de gestion foncière de notre Crésus national est mauvaise, très mauvaise. Elle n’est pas seulement mauvaise, elle est profondément injuste, elle est inique. Elle se fait exclusivement au profit d’une toute petite minorité de Sénégalaises, de Sénégalais déjà fort nantis et, partant, à l’abri de tous besoins matériels, de logements notamment. Elle fait peu cas des très nombreux autres, les Sénégalais d’en bas. C’est manifestement injuste de la part du président Wade, c’est même un crime que d’attribuer des hectares de terrains à un marabout qui a déjà une ou plusieurs maisons dans toutes les localités du pays, et qui s’empresse de les vendre à prix d’or. Pendant ce temps, nombre de jeunes Sénégalaises et de jeunes Sénégalais perdent tout espoir d’accéder à la propriété foncière privée à Dakar. »

Á quel titre des compatriotes qui ne devraient pas avoir plus de droits que nous, sinon qu’ils appartiennent à un certain corps, se tapaient des parcelles de 300, 500, 600 m2 et parfois plus, à l’occasion de chaque lotissement secret d’un pan de nos réserves foncières ? Les arguments qu’ils brandissent pour défendre leurs avantages « acquis » ne tiennent pas la route. Á la limite, c’est la collectivité nationale qui devait les poursuivre, eux, leurs chefs et celui qui commanditait les lotissements iniques. Aucun des chefs en particulier, ne devrait survivre à l’alternance du 25 mars 2012. Leurs responsabilités sont aussi engagées que celles du vieux président, dont la boulimie foncière était sans limite. Le président Sall devrait bien y réfléchir.

Quant aux magistrats, qui ne sont pas des fonctionnaires ordinaires, ils ne sont jamais satisfaits de leurs sorts et en redemandent toujours plus. Ils ont tellement reçu du vieux politicien qu’ils croient finalement que rien ne devrait désormais leur être refusé. Eux aussi, ont été pratiquement tous attributaires de parcelles de terrains, parfois de deux ou plus. Parlez-leur de leur indemnité de judicature, ils vous rétorquent que c’est presque rien, parce frappée d’impôts ! C’est pourquoi d’ailleurs, ils demandent avec insistance que cette indemnité soit exonérée d’impôts, comme le seraient les salaires et indemnités des ministres et députés. Si cette information est avérée et tout indique qu’elle l’est, le président Sall doit immédiatement prendre une mesure pour astreindre ces privilégiés de la République à l’impôt qui est un effort national collectif. Sans impôt, avec quoi leurs salaires et indemnités substantielles seraient-ils payés ? Quand même !

Le président Sall a été aussi bien inspiré d’envisager d’abroger le décret qui institue un fonds commun pour les magistrats. Même celui en faveur des agents du Ministère de l’Économie et des Finances est discutable. L’enseignant travaille sur l’enfant, sur l’adolescent. Il forme les esprits et les caractères et livre la matière grise, sans laquelle il n’y a ni magistrats, ni inspecteurs des impôts, ni aucun autre agent de l’État. N’a-t-il pas droit, lui aussi, à un avantage substantiel en lieu et place du fonds commun ?

Par sa générosité sélective, l’ancien vieux président a crée beaucoup d’injustice, de frustrations. Il a tout déréglé et il appartient au président Sall de remettre les choses à l’endroit. Ce ne sera certainement pas facile, mais toute mesure de redressement sera supportée par le peuple. L’essentiel du budget ne peut pas être partagé entre 120 à 150000 fonctionnaires, sur douze millions de Sénégalais. Nous avons surtout tellement besoin d’argent pour satisfaire nos très nombreux besoins, sociaux en particulier ! Quand, dans un pays, un ménage sur deux est pauvre, un salaire d’un a deux millions suffit largement pour les plus hauts fonctionnaires, surtout qu’il est accompagné d’autres avantages matériels.

Le président devrait donc continuer à prendre ses mesures de redressements, de rupture. Dans ce dernier cadre d’ailleurs, il a encore de sérieux efforts à faire : il y a encore beaucoup de directions et d’agences inutiles. Or, il avait fermement promis de les réduire de façon drastique. C’est encore loin d’être le cas. Certaines de ses nominations posent aussi souvent problème. Personne ne peut l’empêcher de nommer des parents, des amis, des camarades, pourvu qu’ils aient le profil professionnel et moral ! Il mettrait aussi tout le monde à l’aise, surtout dans l’audit de la gestion foncière de son prédécesseur, en renonçant à son terrain de 1200 m2 sis aux Almadies, et qui lui « serait donné sur instruction du président Wade ». Sinon, tous les bénéficiaires de parcelles s’abriteraient derrière le même argument facile. Je lui aurais également conseillé, si j’en étais de taille, à diminuer ses fonds spécifiques qu’il situe aux environs de huit milliards, au contraire de son ministre conseiller spécial, mon jeune frère El Hadj Kassé, qui en estime le montant « entre 640-650 à un milliard » (Remue-ménage du dimanche 26 août 2012). Huit milliards, c’est quand même beaucoup d’argent, c’est 8000 millions de francs Cfa, environ 666 millions par mois. La fonction présidentielle est certainement importante, mais 666 millions par mois, c’est quand même beaucoup dans un pays pauvre très endetté. Il en est de même de la dotation mensuelle en carburant accordée aux membres du Bureau de l’Assemblée nationale : 1000 litres, soit plus de trente litres par jour. Pendant ce temps, à l’intérieur du pays, les services régionaux et départementaux fonctionnent difficilement, faite de carburant.

Enfin, si j’en étais encore de taille, je donnerais un dernier conseil au président Sall : ce serait d’écouter bien plus la patrie que son Parti et son entourage immédiat et de respecter, pour l’essentiel, les engagements qu’il a publiquement pris. S’il le faisait, il pourrait bien être réélu en 2017 et sortir par la très grande porte en 2022, après avoir organisé une élection libre et transparente. Il ne serait alors âgé que de 62 ans, et les institutions internationales publiques comme privées se le disputeraient pour l’enrôler. C’est, du moins, ce que je crois.

Dakar, le 3 septembre 2012

Mody Niang, e-mail :[email protected]

 

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