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La Violence au Sénégal( par Aminata Ndiaye sociologue)

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La violence est un baromètre des rapports entre les hommes. Elle se traduit de diverses façons.
Les différentes formes de violence
La violence verbale, morale ou psychologique qui se traduit par des injures, des invectives,  le silence, le refus de communiquer etc


Le viol, le harcèlement, la discrimination, l’inceste, qui se traduisent par l’imposition d’un rapport sexuel, attouchements, discours à caractère sexuel à une personne non consentante etc.
Vols, raquets, agressions usage d’armes blanches etc
Les espaces de manifestation de la violence
Les sphères de manifestation de la violence sont diverses, on peut les retrouver dans la famille (viols, pédophilie, inceste), violence physique exercée sur les femmes. Ainsi le dernier rapport de l’Union Européenne sur le profil genre du Sénégal révèle que 78% des femmes au Sénégal ont subi des violences domestiques dans leur vie mais également et 16,7% de violences sexuelles des femmes se produisent dans les lieux de travail et 92,5% des cas s’exercent pendant les heures ouvrables. Il s’y ajoute la violence économique se traduisant par le refus d’entretien ou l’investissement du conjoint vers des dépenses non « prioritaires » pour le couple. Il s’y ajoute la méconnaissance des femmes de leurs droits, la peur des représailles après un recours à la justice etc.
Dans la société et dans les rapports sociaux une manifestation de la violence à travers des séries d’agressions, de meurtres avec usage d’armes blanches, de viols et toutes autres formes d’agressivité.
Les causes : une analyse multidimensionnelle
La famille, le premier niveau du socle de la société est en crise. Une étude menée par l’ANSD a recensé 126 286 cas de divorces par an au Sénégal. Les divorces plus 96 049 contre 30 236 pour les hommes, soit 345 cas de divorce par an qui surviennent avant les 05 premières années de mariage.
Le taux de divorce élevé chez les femmes traduit le malaise qu’elles éprouvent dans leur union et les préjudices moraux, sociaux, économiques, sentimentaux subis qu’il soit exercé de façon volontaire ou non par le conjoint. Ceci ne traduit pas un renoncement à la vie conjugale puisque la majorité des femmes 5ans après leur divorce cherchent à contracter un nouveau mariage.  (Dr Fatou Binetou Dial, Mariage et Divorces à Dakar, Karthala, 2008).
 
Il s’y ajoute la crise économique du pays que fait que la plupart des parents sont pris par leur travail et préoccupés du « comment » payer les loyers, subvenir aux charges de la famille. L’éducation de base est en crise.
On constate un phénomène complexe de familles composées et recomposées que nous n’avons n’a pas suffisamment interrogé sans compter les risques de nouveaux divorces, le changement d’environnement pour les enfants, de parents qui déstabilisent l’intellect et la stabilité des enfants souvent âgés de moins de 5ans lors du divorce de leurs parents. La « démission des parents est un fait. »
La crise de l’école avec un système éducatif miné par des grèves, un espace de plus en plus exposé à la violence avec des enfants et adolescents issus de familles déstructurées, exprimant eux même leur désarroi par la violence, faisant de l’école un environnement de moins en moins sûr pour les enfants (filles comme garçons).
La crise de l’Emploi
Le Sénégal est caractérisé par la jeunesse de sa population. La valeur de l’âge médian indique que la moitié de la population du pays n’a pas 18 ans. Quant à la moyenne d’âge de la population, elle vaut 19 ans en 2019.
La structure de la population sénégalaise en 2019, montre une légère prédominance des femmes (50,2 %) par rapport aux hommes (49,8 %). Les personnes âgées de moins de 20 ans représentent 52,1 % de la population résidente du pays. 
Le chômage concerne davantage les femmes (9,8%) que les hommes (7,5%). Le niveau du chômage des personnes âgées de 15 ans ou plus est évalué à 16,7% au quatrième trimestre de 2020. Le chômage est légèrement plus noté en milieu rural où 17,1% de la population active est au chômage contre 16,3% en zone urbaine.
Le taux de chômage est estimé à 24,1% au quatrième trimestre de 2021, soit une hausse de 7,8 points de pourcentage par rapport au dernier trimestre de 2020. Le chômage est plus élevé en milieu rural où le taux est estimé à 29,8% contre 19,1% en zone urbaine.
Ce chômage des jeunes est rendu plus difficile par le shift vers une société de consommation et de paraître, les jeunes rêvent d’un lendemain meilleur sans pour autant savoir comment s’en sortir à l’heure du « Bling bling » et du paraître. Le phénomène du «  Mbeukk » « Barça ou Barsakh » mérite toute notre attention. Ce suicide collectif n’a pour principal motif que celui du « Tekki » devenir quelqu’un pour s’occuper de ses parents avec une grande symbolique autour de la mère « terral sa Yaye ».
A ce besoin de plus de 60% de la population sénégalaise, on constate que les différents fonds pour l’agriculture pour le financement  des jeunes et autres domaines connexes  ont donné peu ou prou de résultats. Au Sénégal, on constate que les Ministères de la jeunesse et du genre sont confinés dans des programmes très restrictifs ou à des manifestations comme « semaines de la Jeunesse » « quinzaine de la femme » et non comme des ministères sectoriels qui doivent travailler de façon concertée avec la Sécurité, le Ministère de l’Agriculture (matériel pour les femmes et jeunes, accès à la terre, accès aux instances de décisions pour les jeunes et les femmes etc, de la Santé( focus sur la santé de reproduction des jeunes, suivi de la mortalité maternelle, veille sur la disponibilité des sages-femmes dans les districts etc) pour l’Energie veiller sur la RSE et l’investissement des ristournes vers les besoins prioritaires des femmes,  et jeunes, personnes handicapées etc. Il est aussi nécessaite que ces ministères en concertation avec l’Action sociale veille à l’accès de la Carte d’Egalité de Chance (CEC) pour les personnes handicapées, femmes, jeunes.
 
La crise économique et la montée de l’individualisme, « « chacun pour soi Dieu pour tous » !
Le Sénégal comme tous les pays a vécu les contres coups de la Covid 19, le rapport profil Genre de l’UE montre que cette crise a montré la fragilité des femmes surtout, plusieurs activités du secteur informel n’ont pas survécu à la crise avec une hausse du chômage. Dans le monde rural une baisse de production et un taux d’abandon des filles de l’école. La hausse des denrées de première nécessité, le loyer encore cher et les revenus qui n’ont pas crûs proportionnellement à la hausse du coût de la vie a fini de plonger les ménages sénégalais dans une précarité croissante. Les ménages qui arrivent à assurer les repas quotidiens sont rares « on mange dans la rue » il s’y ajoute une « symbolique « autour du bol familial, espace d’échanges de conseils des parents aux enfants, il y a de moins en moins de communication entre les membres de la famille. Le PIB de 5,2 en 2020 cache mal les conditions de vie précaires des ménages urbains et rutaux.
Internet, la mondialisation : le monde est un village planétaire !
L’éducation des enfants au Sénégal et en Afrique a « shifté » de façon rapide et silencieuse pour ne pas dire insidieuse par ce quatrième pouvoir. Les enfants, jeunes ont accès à une technologie que peu de parents maitrisent et à une masse critique d’informations. Ils ont accès à des sites où il n’a y a pas de contrôle parental et sans que ne s’en rende compte tout ce qui ne sera pas dit en famille sera dit par Internet. Les questions sur quelle éducation pour les enfants, quels modèles, quelles valeurs sont confiées à Internet. Il s’y ajoute « la fracture numérique et générationnelle » qui fait que les jeunes maitrisent plus que leurs parents les TIC, ils se sont crées un monde à l’insu de leurs parents responsables de leur éducation. Il s’y a ajoute que les femmes à qui sont dévolues le rôle de surveillance des enfants à plus de 50% sont analphabètes et celles qui sont avisées sont débordées par le travail hors de la maison. Il y a aussi le risque de la Cyber criminalité avec des bandits virtuels qui vendent du rêve aux enfants tout en les exposant à la vue d’images pornographiques et toutes formes d’autres violence.
La crise des valeurs : A la recherche de  nouveaux modèles politiques, religieux et sociaux ?
La sphère politique est perçue comme un espace détenu par une race d’homme « différente » et où la culture des valeurs est inexistante, le « wakh wakhett » est accepté et la « transhumance politique » une pratique courante. Les hommes politiques sénégalais souffrent de cette image se traduisant chez les populations par des formes de rejet de ces anti modèles pouvant encourager la violence.
 Dans cette recherche de nouvelles valeurs, la recherche de nouveaux modèles pour les jeunes est visible. Lorsque l’on interroge les évènements de Mars 2021, on constate une montée de violence à la suite de l’arrestation d’un jeune leader qui incarne pour certains jeunes un renouveau politique, cette recherche d’un « nouveau modèle de valeurs » mérite une attention particulière.
On constate avec Internet de plus en plus de chefs religieux qui sont traités de façon irrespectueuse. L’analyse du fait religieux montre que les jeunes d’aujourd’hui actualisent leur vision de la spiritualité.
Ils attendent par exemple un comportement exemplaire du guide religieux même s’il est jeune et aussi des autorités religieuses qui incarnent un engagement auprès des disciples par rapport aux crises scolaires, les problèmes quotidiens des sénégalais tout simplement. Ces shifts méritent une attention particulière. La crise des valeurs morales nécessite un discours religieux en mesure d’apaiser les jeunes disciplines qui fassent à leur désarroi cherchent un réconfort spirituel, une sorte de réconfort moral face à leur désarroi dont les raisons objectives ont été développées plus haut.
La recherche des valeurs se traduit aussi par l’engouement autour des icônes du football comme Sadio Mané qui incarne à lui seul un modèle de droiture (pas de filles, pas de restaurants, pas de boites de nuits, voitures de luxe etc) un engagement citoyen dans sa communauté (construction dispensaires, écoles etc) au-delà de son talent de footballeur, il est aimé pour cette image sérieuse et « ancrée au terroir » qu’il incarne et qui reflète cette recherche d’un nouveau « citoyen ».
La question de la violence au Sénégal mérite un analyse globale et multidimensionnelle : sociologique, anthropologique, religieuse, politique, économique, juridique etc. L’expression de la violence traduit un malaise généralisée de la société sénégalaise qui doit être questionnée dans un contexte de baisse de filets sociaux, de réduction de la solidarité et une augmentation de l’individualisme, la dislocation des cellules familiales en témoigne le chiffre affolant des taux de divorces, un monde menacé de crises sanitaires et économiques, une moralité en crise encouragée par la perte des valeurs et des modèles. Un retour des valeurs familiales, un gouvernement qui assure une bonne redistribution des richesses, l’émergence d’hommes politiques exprimant de hautes valeurs morales, un durcissement des sanctions juridiques pour les agresseurs  sont autant des pistes de solutions.
Aminata NDIAYE
Sociologue
[email protected]
 
 
 
 

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