J’ai été interpellé par des amis qui ont voulu savoir ce qui s’est réellement passé lors de la visite du président Wade dans l’Etat du Vermont, aux Etats-Unis. Dans un premier temps, j’avais adopté une posture de retrait face à aux différentes interprétations sur sa venue. Cependant, vu l’ampleur des interpellations, et confronté à une exigence d’honnêteté intellectuelle, je me suis senti obligé de sortir de ma réserve pour apporter ces éléments de clarifications.
Tout d’abord, il convient de préciser que c’est en tant qu’invité du Général Michael Dubie et des autorités de l’Etat du Vermont (et non comme invité de l’Etat sénégalais) que j’ai eu à rencontrer, pour la première fois, le président Wade qui y effectuait sa première visite.
Le président du Sénégal était invité par le Département militaire de l’Etat du Vermont qui, faut-il le rappeler, entretient depuis deux ans et demi des relations de coopération militaire avec le Sénégal. C’est le Général de l’armée, Michael Dubie, qui, avec l’Etat du Vermont, ont invité le président Wade pour célébrer les liens historiques que le Sénégal et le Vermont ont entretenus pendant des années, et explorer ensemble des perspectives de développement mutuel et d’un partenariat durable susceptible d’élargir et de renforcer la coopération entre le Sénégal et les Etats-Unis d’Amérique. Et c’est pour consolider cette coopération que l’Ambassadrice des Etats-Unis au Sénégal, son Excellence Marcia Bernicat, a exceptionnellement effectué le déplacement à Burlington pour magnifier ce
protocole d’accord.
Le président sénégalais, qui avait dans sa délégation le chef d’état-major de l’armée sénégalaise, le Général Abdoulaye Fall, et son staff militaire, a été chaleureusement accueilli par les autorités de l’Etat du Vermont et les nombreux invités représentant des secteurs aussi diversifiés dans le domaine de l’économie durable, l’entrepreneuriat financier, l’énergie solaire, l’enseignement scientifique et technique, la conservation de l’environnement, le milieu universitaire, le secteur
de la santé et le renouvellement des énergies durables. Lors de ces entretiens, le président Wade a mis l’accent sur la promotion de la solidité des fondamentaux macro et micro-économiques du marché sénégalais porteur de projets de développement durable et vecteur d’une dynamique de modernisation dans le contexte de la mondialisation.
Le président sénégalais a aussi eu un entretien avec le président de l’université du Vermont, Dan Fogel, qui lui a suggéré la possibilité de l’inviter comme illustre hôte universitaire susceptible de partager son expertise académique avec la communauté scientifique de l’université du Vermont, particulièrement dans la réflexion sur l’élaboration et la conceptualisation des stratégies économiques de sortie de crise. La discussion à ce niveau a porté sur le retour de la théorie keynésienne, avec le rôle prépondérant et entrepreunarial de l’Etat qui, de plus en plus, se voit obligé d’intervenir dans l’économie pour combler les défaillances publiques et, en même temps, relancer le secteur privé. Ce qui a emmené le président sénégalais à s’appuyer sur la démarche managériale de l’Etat pour impulser une politique de relance fondée sur les dépenses publiques et la construction des infrastructures. Sous son impulsion, l’Etat est ainsi parvenu à réaliser les conditions d’une régulation financière et d’un équilibre structurant entre le secteur privé et la sphère publique au Sénégal. Le président sénégalais a, dans cette perspective, esquissé les contours d’une problématique de la réforme et d’une entreprise de modernisation de l’économie sénégalaise face aux défis de la mondialisation. Sur un autre registre, Il a aussi partagé avec les citoyens américains l’expérience de l’adoption de la loi sur la parité au Sénégal et les perspectives qu’elle ouvre pour l’égalité des genres.
Véritablement, un échange fructueux s’est développé lors de cet entretien qui a posé les jalons d’une collaboration académique et scientifique à même de répondre aux attentes des deux parties. Faut-il le rappeler, ce souhait de collaborer avec le Sénégal s’inscrit dans la continuité d’une longue tradition d’échange qui a commencé avec la visite du président Senghor à l’université du Vermont, en 1972, à l’issue de laquelle le solfège de la négritude s’est vu décerner le titre de docteur Honoris Causa par cette même université. Le président sénégalais a aussi eu des échanges avec différents secteurs de l’environnement économique de l’Etat du Vermont portant sur le rayonnement de sa politique diplomatique et ses efforts pour contribuer à la stabilité d’un environnement géopolitique fortement enraciné dans un idéal panafricaniste, et a insisté sur son rôle prépondérant dans la gestion et la résolution des conflits.
Indéniablement, la visite du président sénégalais a été un franc succès au regard de l’accueil chaleureux et amical qu’il a reçu à Burlington. Le Sénégal va sans nul doute bénéficier, à court et moyen termes, des avantages de cette coopération bilatérale.
Il convient de préciser ici et maintenant que l’article publié par John Briggs dans le Burlington Free Press, suite à la publication du rapport d’Amnesty international sur la torture subie par les prisonniers du Mfdc en Casamance, en partie, reflète l’engagement droit-de-l’hommiste de ce dernier, connu pour ses commentaires tendancieux dans le landerneau médiatique local.
L’article a été publié dans un contexte d’une campagne électorale tendue entre le candidat républicain, Brian Dubie, (frère du Général Michael Dubie) et le candidat démocrate, Peter Shamlin pour l’élection du prochain Gouverneur de l’Etat du Vermont, en novembre 2010.
Beaucoup d’observateurs de la vie politique locale ont considéré que l’article, en fait, était une petite échelle tendue au candidat démocrate pour le mettre en pôle position sur la défense des droits de l’homme face au frère du Général Michael Dubie.
D’ailleurs, à la suite de cette sortie solitaire de John Briggs, aucune voix crédible et autorisée dans la presse de la région du New England n’a pris le relais de ces accusations.
Il est aussi inexact de titrer, comme l’a fait le correspondant permanent à New York du journal Sud Quotidien : « Abdoulaye Wade traité d’autocrate aux Usa ». Un exemple révélateur de l’absence de crédibilité de ce genre d’article est l’affirmation qui insinue que « des mauvais esprits ont vite fait le lien de l’accueil glacial réservé au premier magistrat du Sénégal et le fait que son ancien ministre des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, et l’ami de ce dernier, Amadou Lamine Bâ, récemment ambassadeur du Sénégal à Washington, DC, ont tous les deux été des professeurs à l’Université du Vermont »
En réalité, Monsieur Gadio et Monsieur Bâ n’ont jamais été des Professeurs à l’Université du Vermont.
La leçon qu’il faut tirer de ces interprétations tendancieuses est d’abord et avant tout, comme dirait l’autre, « sans enquête pas droit a la parole ». Une des règles de déontologie élémentaire dans cette profession est la vérification et le recoupement des sources. A défaut de sources primaires collectées par l’enquêteur lui-même, la référence à une source secondaire exige un examen rigoureux et pointilleux de la validité de l’information recueillie. Cette démarche répond à une rigueur épistémologique liée au caractère scientifique de la connaissance et dans ce cas précis de la fiabilité de l’information collectée.
Dr Moustapha DIOUF
Professor of Sociology
and International Studies
The University of Vermont,
Burlington, Vermont 0540