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L’acte de contrition de DSK fait écho à celui de Bill Clinton

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Les deux affaires sont très différentes mais les actes de contrition télévisuelle se ressemblent étrangement. Dimanche 18 septembre au soir, à peine terminée l’intervention télévisée de Dominique Strauss-Kahn sur le plateau du 20 heures de TF1, beaucoup de commentateurs l’ont déjà relevé : un certain nombre d’éléments de langage employés par l’ancien patron du FMI semblaient faire écho à l’intervention de l’ancien président américain, Bill Clinton, le 17 août 1998.
Ce soir-là, l’ancien président démocrate était venu s’expliquer à la télévision, face caméra et devant des millions d’Américains, sur sa relation avec Monica Lewinsky. L' »affaire Lewinsky » – ou le « Monicagate » comme on l’appelait déjà à l’époque –, avait éclaté sept mois auparavant aux Etats-Unis. A cette époque, des rumeurs affirment que Bill Clinton aurait eu, entre 1995 et 1997, des rapports intimes avec une stagiaire de la Maison Blanche, Monica Lewinsky. Le 21 janvier 1998, devant un grand jury et alors qu’il était sous serment, M. Clinton nie les faits.

Mais, le 28 juillet 1998, le procureur en charge de l’enquête, Kenneth Starr, obtient les aveux de Monica Lewinsky en échange de son immunité. En l’espace de quelques jours, l’étau se resserre autour de Bill Clinton, qui se voit obligé de réviser sa stratégie de communication : le 17 août, il s’adresse directement à la Nation pour reconnaître des relations sexuelles avec Monica Lewinsky.

Il est important de noter que l' »affaire Lewinsky », à la différence de l' »affaire DSK » ne comporte aucun volet pénal et qu’il n’y a jamais été question de relation sexuelle contrainte. En ceci, les deux affaires diffèrent complètement ; mais dans les deux cas, les principaux intéressés ont été amenés à faire une acte de repentir public et télévisuel. Dimanche soir, Dominique Strauss-Kahn a ainsi utilisé certaines expressions relevant du champ lexical de la moralité qui rappellent le discours prononcé par Bill Clinton, 13 ans plus tôt.
LA « RELATION INAPPROPRIÉE »

Dès les premiers mots de son entretien avec Claire Chazal, l’ancien patron du FMI reconnaît plus qu’une « relation inappropriée », « une faute » :

DSK : « Ce qui s’est passé, c’est une relation non seulement inappropriée mais plus que ça. Une faute. »
Bill Clinton avait alors employé pratiquement les mêmes mots, avec la même syntaxe :

Clinton : « J’ai bien eu une relation avec Mlle Lewinsky, qui n’était pas convenable. En fait, c’était mal. » (« I did have a relation with Miss Lewinsky that was not appropriate. In fact, it was wrong »)
LES « REGRETS » ENVERS LES PROCHES

M. Strauss-Kahn mentionne ensuite rapidement sa famille et ses proches et dit à quel point il regrette de les avoir fait souffrir. Puis Claire Chazal lui demande si il a eu une « relation tarifée » avec Nafissatou Diallo : DSK répond laconiquement et s’empresse de sortir du volet judiciaire – la prostitution est interdite dans l’Etat de New York – pour revenir sur le volet moral de l’affaire.

DSK : « Une faute vis à vis de ma femme, mes enfants, mes amis. Mais aussi une faute vis à vis des Français qui avaient placé en moi leur espérance de changement. »
DSK : « Non, ce n’était pas un rapport tarifé. Est-ce que c’était une faiblesse ? Je crois que c’est plus grave qu’une faiblesse, je crois que c’est une faute morale et je n’en suis pas fier. Et je la regrette infiniment, je l’ai regrettée tous ces jours, au long de ces quatre mois et je crois que je n’ai pas fini de la regretter. »
Bill Clinton avait lui aussi insisté pour dire à quel point il regrettait d’avoir entraîné ses proches dans cette affaire. Mais le président faisait alors référence non pas à sa relation avec Mlle Lewinsky, mais au fait d’avoir menti devant un grand jury :

Clinton : « J’ai trompé le public, y compris ma femme. Je le regrette profondément. » (« I misled people, including even my wife. I deeply regret that. »)
Plus loin, Bill Clinton ne parle pas de fierté, mais de « honte » et dit avoir menti pour « [se] protéger de la honte de [sa] propre conduite » (« to protect myself from the embarrassment of my own conduct »)
LES « ATTAQUES TERRIBLES » ET LE TON SOLENNEL

Dominique Strauss-Kahn est également revenu sur son arrestation du 14 mai et sur toute la période d’instruction pendant laquelle presse, commentateurs et analystes politiques ont énormément parlé de l’affaire. Prenant un ton très solennel, il rappelle que lui aussi a « beaucoup perdu » dans l’affaire.

DSK : « Dans cette affaire, j’ai vécu des choses violentes, oui. Des attaques terribles. Et j’ai beaucoup perdu, même si d’autres, dans d’autres circonstances, ont pu parfois perdre plus que moi. »
DSK : « Je comprends que cela ait choqué, je l’ai payé lourdement, je le paye toujours. J’ai beaucoup perdu dans cette histoire. Depuis quatre mois, j’ai vu la douleur que j’ai créée autour de moi et j’ai réflechi. J’ai beaucoup réflechi. Et cette légéreté, je l’ai perdu, pour toujours. »
Bill Clinton s’en était lui pris à l’enquête menée par le procureur Kenneth Starr. Mais, de la même manière, il ne s’était nullement dédouané : il avait employé un ton solennel et en avait même référé à Dieu :

Clinton : « L’enquête indépendante s’est ensuite étendue à mes collaborateurs et amis, puis à ma vie privée. Et désormais l’enquête elle-même fait l’objet d’une enquête. Ceci a duré trop longtemps, coûté trop cher et blessé trop de personnes innocentes. » (« The independent counsel investigation moved on to my staff and friends, then into my private life. And now the investigation itself is under investigation. This has gone on too long, cost too much and hurt too many innocent people. »)
Clinton : « Maintenant, cette affaire est entre moi, les deux personnes que j’aime le plus – ma femme et notre fille – et Dieu. Je dois réparer cela et je suis prêt à faire tout ce qui sera nécessaire pour y parvenir. » (« Now, this matter is between me, the two people I love most – my wife and our daughter – and our God. I must put it right, and I am prepared to do whatever it takes to do so. »)
A la fin de l’entretien sur TF1, Dominique Strauss-Kahn a endossé ses habits d’ancien patron du FMI pour parler de la crise financière mondiale et aussi sans doute rappeler ainsi aux Français qu’il existe des problèmes bien plus sérieux dans le monde actuellement :

DSK : « Je crois que la situation est très sérieuse. Avec le défi écologique, le défi que nous rencontrons dans cette crise est sans doute le plus sérieux pour les générations qui sont présentes et si nous ne réagissons pas vite, dans 25 ans, l’Europe sera une terre de désolation. »
A la fin de son discours, Bill Clinton avait alors usé de la même rhétorique, mais avait dit de façon bien plus claire et directe ce qu’a sous-entendu hier M. Strauss Kahn :

Clinton : « Maintenant, il est plus que temps de tourner la page. Nous avons d’importantes questions à résoudre, de réelles opportunités à saisir, de réels problèmes de sécurité à affronter. » (« Now it is time – in fact, it is past time to move on. We have important work to do – real opportunities to seize, real problems to solve, real security matters to face »)
Hélène Bekmezian
avec le monde.fr

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