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L’Afrique, Moïse et le monothéisme de S. Diarisso enquête sur la grandeur de l’Afrique (Par Alassane K. Kitane)

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Les 2 e et 3 e parties : pour une reconquête de la spiritualité africaine occultée 2e partie : PETITE ESCALE EN AFRIQUE
Cette partie s’ouvre sur une pétition que l’on pourrait qualifier de géostratégique adressée aux Africains « Le principal enseignement à tirer de ce voyage [voir première partie] est que l’Afrique doit rester en marge de la guerre dite de civilisation. Aussi, la renaissance spirituelle exige que nous retournions à ce que nous avions transmis au reste du monde. Il ne s’agit guère de revenir aux religions originelles, mais plutôt d’en tirer la quintessence » (p.99).
Les Hooligans de la foi qui sévissent au Nigéria, au Niger, au Mali et un peu partout en Afrique devraient décoder ce message de sagesse et d’espoir lancé par Sogué Diarisso : les religions révélées ne nous apprennent fondamentalement pas des choses que nous ne savions déjà de façon empirique ou théorique. Débarrassées du vernis culturel qui rappelle leur façonnage dans des civilisations étrangères, elles expriment des choses universelles dont la quintessence est quotidiennement vécue par les Africains. L’auteur rappelle le témoignage que l’explorateur Ibn Batouta (XIVe) fit de l’esprit de justice, d’ordre, de tolérance des Africains pour étayer sa thèse (p.100). Cette gangrène sinistre pompeusement et faussement appelée État islamique apparait, sous ce rapport, comme une véritable régression spirituelle et politique du Continent : nos mœurs étaient déjà pleines de valeurs islamiques avant même la naissance de cette religion sous sa forme révélée. De même, les idéaux de liberté, d’égalité et de justice proclamés par les « grandes » Démocraties ont toujours existé en Afrique et ce, depuis l’Egypte antique comme le confirme ce passage de Diodore de Sicile tiré de la Bibliothèque universelle parlant du pouvoir du roi et de ses limites : « Les rois ne menaient pas une vie aussi libre et indépendante que ceux des autres nations ; ils ne pouvaient point agir selon leur propre gré. Tout était dicté par des lois, non seulement leur vie publique, mais encore leur vie privé et journalière. Ils étaient servis non par des hommes vendus ou par des esclaves, mais par les fils des premiers prêtres, élevés avec le plus grand soin et ayant plus de vingt ans. De cette manière, le roi ayant jour et nuit autour de lui, pour servir sa personne, de véritables modèles de vertu, ne se
serait jamais permis aucune action blâmable. Car aucun souverain ne serait pas plus méchant qu’un autre homme, s’il n’avait pas autour de lui les gens qui flattent ses désirs… ». p.105

Voilà qui devrait inspirer nos chefs d’État actuels qui préfèrent voguer seul dans leur navire au milieu de l’océan de l’ignorance et de l’obscurantisme plutôt que de ramer à côté de savants et de sages dans la mer si agitée de compétition et de prédation qu’est la géopolitique mondiale. Ce que les Grecs ont « inventé » sous le vocable de démocratie est loin d’être une invention, ce n’est que l’aboutissement d’un processus qui a commencé en Afrique. Ce passage montre que la fameuse « Paideia » grecque (éducation, élevage d’enfant, culture, civilisation) trouve ici son expression : former des jeunes pour servir la cité et non les caprices du roi. Relisons bien le passage : « Ils étaient servis non par des hommes vendus ou par des esclaves, mais par les fils des premiers prêtres, élevés avec le plus grand soin et ayant plus de vingt ans. De cette manière, le roi ayant jour et nuit autour de lui, pour servir sa personne, de véritables modèles de vertu ». Il faut former nos enfants à la dignité de serviteurs de la communauté et non pour être des dames de compagnie ou les sbires d’un homme.
3e Partie DEPART VERS LA VOIE DU SALUT
L’Afrique doit retrouver ou reconstituer son âme unificatrice, sa force mentale, qui est sa seule voie de salut. Il nous faut réapprendre à réécouter cette voix céleste qui parle dans les profondeurs de notre âme.
C’est sous la forme d’une profession de foi destinée à devenir une confession collective que s’ouvre la 3e partie, un véritable hymne à la renaissance spirituelle de l’Afrique : « L’âme unificatrice du peuple, c’est ce qui est niché au plus profond de notre être, de notre inconscient collectif et qui nous unit. C’est ce ressort qui nous évite la désintégration et qui nous donne l’énergie de rebondir lorsque nous sommes au fond des abîmes. C’est la force qui nous permettra de transcender toutes nos différences qui deviendront plutôt des richesses.
Il est du peuple comme il en est de la matière. Ils ont tous les deux besoins d’une force suffisamment puissante qui réunit et maintient soudés les différents composants en perpétuel mouvement d’interactions : dans la matière, c’est la force forte, et son pendant dans un peuple c’est ce qu’on appelle l’âme unificatrice. » (p.109).
C’est sans doute le passage le plus touchant et le plus enthousiasmant du livre de Sogué Diarisso. Un message d’espoir et un appel à la rédemption spirituelle et politique de l’Afrique. La renaissance doit être précédée d’une réminiscence spirituelle. L’auteur trouve dans la voie de
Cheikh Ahmadou Bamba, l’exemple typique voire le modèle de message unificateur et porteur de progrès pour l’Afrique, par-delà des clivages

religieux. Le poème (qasida) « Fuzti » dédié à la Vierge Marie (reproduit en français par l’auteur) et celui énigmatique intitulé « Khatimatou Mounajat » « le couronnement de la prière fervente » sont la preuve de la transcendance des clivages religieux dans le mouridisme. Ce «couronnement de la prière fervente » qui exalte la foi (confiance et conviction) de la spiritualité mouride est, selon l’auteur, la preuve que
Serigne Touba est sans équivoque « le dépositaire de la lumière de Jésus et du prophète de l’Islam. En d’autres termes, Jésus, le prophète de l’Islam et Cheikh Ahmadou Bamba sont d’une même lumière, d’une même essence. » (pp.114-115)
L’importance du grand Magal de Touba et le type d’eucharistie spirituelle quasi mondiale qu’il occasionne chaque année devraient nous inciter à
méditer davantage le message et le projet de société que le fondateur du mouridisme nous propose. Ceux qui parlent d’études « décoloniales » et
de décolonisation des esprits sont, sous rapport, très en retard sur le Cheikh : il l’a fait comme on prouve la marche en marchant. Le ton
incantatoire de l’auteur qui clôt le 1e chapitre de cette dernière partie du livre est révélateur de sa saine passion pour l’Afrique :
« Il faut briser les chaînes, lever le voile qui nous empêche de voir. Partout en Afrique, les hommes et les femmes sont entourés de richesses, mais croupissent dans le dénuement le plus total. Ils n’en sortent le plus souvent que par des initiatives extérieures. L’homme noir est inhibé depuis la naissance par la perception
commune d’une sorte de damnation qui relèverait même selon certains écrits d’un châtiment divin. Non, il faut arrêter cela. Cheikh Ahmadou Bamba a définitivement tué ces perceptions anesthésiantes ancrées dans notre inconscient collectif depuis la nuit des temps. » (p.121)
Un nationalisme pragmatique : telle est la voie du mouridisme qui fait de l’essence du culte une culture, des mœurs quotidiennes. Une voie où la
conscience de la transcendance accompagne et dope le fidèle dans ses moindres actions. L’homme est âme et corps ; transcendance et immanence : ce dualisme de la nature humaine a comme facteur de concentration le Travail. Être un aspirant, c’est s’efforcer à mettre son corps au service ou sous le commandement de son âme. Prier, c’est prier (et c’est un culte essentiel), mais travailler c’est prier deux fois ! Le travail purifie et permet d’être au service de la communauté : c’est le
message du mouridisme. Il n’y a, sous ce rapport, rien que L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme de Max Weber ait développé sur les vertus spirituelles et économiques du travail qui n’existe comme vécu dans la voie mouride.

L’économie mouride a pour moteur et boussole une valeur qu’on pourrait qualifier de capital-humanisme. La Xidma dans son essence est à la fois adoration de Dieu, donc transcendance, et quête de l’épanouissement terrestre, donc immanence matérielle. Âme et corps : deux choses liées, exprimant la nature dualiste de l’homme avec chacune ses exigences à satisfaire. Il s’agit de concilier la double nature de l’homme dans une compréhension synthétique de sa mission sur terre : adorer Dieu et être son vicaire sur terre ne sont pas deux choses différentes. Car si le meilleur d’entre nous est celui qui est plus utile à la communauté, le
service rendu à l’humanité est forcément un culte rendu à Dieu.
Travailler pour épanouir l’homme et rendre la Terre comme l’antichambre du paradis dont nous venons : telle est l’essence de la Xidma. L’ascèse ne se fait pas seulement par la prière, du moins la prière, ce n’est pas seulement le rituel standard exécuté à des moments précis : toute l’existence humaine est faite pour exécuter cette ascèse.
Sogué Diarisso n’a donc pas tort de proposer à l’Afrique le mouridisme comme voie de renaissance (ou plus exactement de réminiscence) à la fois spirituelle et économique. « La religion est ce qui donne à l’homme l’espoir d’une vie meilleure dans ce monde et dans l’au-delà. C’est une source d’énergie
extraordinaire dans laquelle on peut puiser pour faire des choses extraordinaires, comme du temps du rayonnement de l’Afrique [Mâat égyptien].
Notre référence à nous Nègres, si l’on veut une plateforme unitaire entre croyants africains, c’est sans conteste Cheikh Ahmadou Bamba et la voie qui s’impose à nous est celle de Cheikh Ibra Fall, pour sortir le Continent de l’abîme. Nous ne tomberons jamais par contre avec de telles références dans les travers du capitalisme
sauvage et cruel, mais plutôt dans une vision du monde où on nous rappelle sans cesse que nous devons dompter ce monde pour en
jouir, sans en être prisonniers » (p.130
La religion est faite, dans son essence du moins, pour sauver l’homme d’abord de l’enfer terrestre avant de le sauver de l’enfer de l’au-delà. Feu
Thione Seck l’avait tellement bien compris qu’il disait de la vie terrestre qu’elle est le passeport ou plutôt le visa de la vie future.
Le chapitre 3 (dernier chapitre du livre) est une invite adressée aux intellectuels africains pour une valorisation du trésor spirituel et culturel de l’Afrique. L’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba (exemple voire modèle proposé par l’auteur comme voie de rédemption de l’Afrique) doit être étudiée par les intellectuels africains. La philosophie de la non- violence, le culte du travail, l’économie solidaire, etc. sont charriés par la voie du mouridisme. Le défi que l’œuvre de Cheikh A. Bamba lance aux intellectuels africains (philosophes, sociologues, économistes, mathématiciens, etc.) est d’abord de comprendre et de vulgariser la civilisation mouride. L’économie mouride peut être mathématiquement modélisée, axiomatisée et enseignée dans les universités parce qu’elle est rationnelle.
Le principal enseignement que l’on tire de ce livre est l’énorme gâchis que constitue la spirale du silence qui frappe le potentiel spirituel et intellectuel de l’Afrique. Ce livre nous invite à redonner une dimension universelle à nos productions culturelles, à prendre conscience que l’Alpha et l’Oméga des religions monothéistes sont la justice, l’ordre humain (pendant de l’ordre cosmique), l’effort pour rendre l’homme et le monde meilleurs. Or la connaissance de l’Afrique révèle que seules les formes imposées par les cultures qui nous ont ramené ces religions varient. L’essence de la religion monothéiste est présente dans toute la spiritualité des Africains. Cette œuvre de Sogué Diarisso propose une reconquête de la souveraineté spirituelle perdue à cause d’une politique négationniste qui a fini par convaincre l’Africain que ses croyances l’écartent de Dieu, ce qui est une énorme supercherie. La voie mouride est, selon l’auteur, la voie la plus achevée et la plus adaptée aux réalités africaines car elle est la quintessence de toutes les religions révélées, donc l’Islam authentique.
Alassane K. KITANE

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