Les pays les plus développés, dont la France, avaient accepté de renoncer à une partie de ce qu’ils avaient prêté, pour aider les pays les moins avancés. Dix ans plus tard, retour à la case départ.
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Que reste-t-il dix ans après? Rien ou presque. C’est en résumé ce qu’il y aurait à retenir du bilan des grandes annulations de dette octroyées aux pays africains au milieu de la dernière décennie, dette qu’ils ont pour certains entièrement reconstituée. Quand ils ne l’ont pas d’ailleurs, pour les plus mauvais élèves, allègrement dépassée.
La France passe l’éponge
Petit retour en arrière: en juin 2005, le G8, groupe des huit pays les plus industrialisés de la planète, décide lors du sommet de Gleneagles en Ecosse d’accorder à 18 pays du tiers monde, dont 14 pays africains, une annulation de leur dette pour leur permettre d’accélérer leur développement en apurant leurs comptes et libérant ainsi des capacités budgétaires pour des programmes d’infrastructures. Ce mouvement d’annulation de la dette, taxée notamment «d’illégitime», a été soutenu par des personnalités médiatiques, dont en première ligne Bono, le chanteur du groupe irlandais U2. Le montant de la dette ainsi annulée s’élevait à 40 milliards de dollars dans un premier temps, complété ensuite par des réductions, dans le cadre du même programme, sur des pays remplissant aussi les critères définis par le G8 . Un rapport de la Banque de France estimera l’ensemble de la remise de dette à ces pays (24 en 2008) à 61,6 milliards de dollars, soit une baisse moyenne de 80% des dettes pour les bénéficiaires (jusqu’à 100% pour les plus pauvres).
En tant que membre du G8, la France a donc dès cette époque accepté de renoncer à ces créances. Un rapport parlementaire a estimé l’effort français à 67 millions de dollars par an pour les trois premières années, et à 366 millions de dollars au total accumulés en 2015 (soit 346 millions d’euros, au taux de change actuel). Un effort modéré dans l’absolu, en comparaison des remises de dette que la France a décidé unilatéralement, en dehors de ce programme, comme l’annulation de la créance de la Côte d’Ivoire à l’arrivée d’Alassane Ouattara aux manettes, soit tout de même 3 milliards d’euros.
Pire qu’il y a dix ans
Effort modeste peut-être, mais effort aujourd’hui à peu près invisible dans les comptes des pays bénéficiaires en Afrique. Car selon des données du cabinet de données financières Dealogic, certains états ont voulu profiter de conditions de financement favorables pour s’endetter massivement. Parmi eux, le Ghana, qui grâce au programme de 2005 a vu son ratio dette/PIB revenir de 48,6% à 26,2%, un chiffre très favorable même à l’échelle mondiale. Depuis il est remonté à 72,8%. Le Cameroun avait vu ce même ratio revenir de 40,7% à 24%,. Depuis il est remonté à 36%. Et c’est l’ensemble des états africains qui se refinancent sur les marchés faisant décoller les dettes. Le continent africain a ainsi levé 36 milliards de dollars en dix ans.
Mais il y a pire: non seulement les états retrouvent des niveaux d’endettement qui justifiaient aux yeux de la communauté internationale une aide substantielle, mais les conditions de financement ont empiré. Face à de très faibles taux d’intérêt sur les émissions de longue durée dans la majorité des pays développés (la France est à 0,8% sur 10 ans, et même en négatif sur 5 ans…) les investisseurs se tournent vers l’Afrique, qu’ils perçoivent comme ayant un fort potentiel de croissance, en exigeant des rendements à deux chiffres. La dernière levée de fonds ghanéenne s’est ainsi négociée à un taux sur 15 ans de… 11%.Une situation potentiellement explosive, bien plus qu’il y a dix ans, si ces pays, qui encaissent en plus le choc de la baisse des matières premières, ne peuvent assurer leurs traites.
lefigaro.fr