Le débat qui fait actuellement rage à l’approche des échéances sur le futur occupant du perchoir semble suranné. C’est vrai, faut-il s’entretuer pour un poste tout ce qu’il y a d’éphémère et honorifique ? Résumons : depuis 2008, l’honorable député en chef n’est là que pour un an, à la merci de son groupe parlementaire, lequel est actionné en douce par le président de la République. Une formule magique que le père Wade sort de sa manche pour virer Macky Sall. Un remake de la trouvaille du tandem Diouf-Collin pour se débarrasser d’Habib Thiam en 1984… Rien ne disparaît, tout se transforme ?
Revenons à Bokk Ben Yakaar et supposons toujours que Moustapha Niasse s’installe au perchoir après le 1er juillet, comme le nouveau maître du pays le lui a promis. Dans un an, un sourcil froncé de Macky Sall à la veille du renouvellement du mandat, mal interprété par le groupe parlementaire, et hop, Moustapha Niasse passe à la trappe.
Parce que les députés de la coalition Benno Bokk Yakaar, en majorité de l’Apr, avant même d’éternuer, tendront l’oreille du côté du Palais pour le cas où il y aurait des instructions qui en pleuvrait… Moralité : le président de l’Assemblée nationale, quelle que soit son indépendance d’esprit, s’il veut durer, a intérêt à marcher droit, comprenez dans la direction que la Présidence de la République indique. C’est sûr, Macky Sall, qui a des comptes à régler avec le règlement intérieur de l’Assemblée, ne se gênera pas pour ordonner à ses ouailles le rétablissement à cinq ans du mandat au Perchoir. Ce sera sans doute la première modification de la nouvelle législature. Ne serait-ce que pour dé-Wadiser.
Un gage supplémentaire de loyauté vis-à-vis de Moustapha Niasse en remerciements de services rendus quelques mois plus tôt, à la présidentielle. Un échange de bons procédés qui finit de donner à la classe politique cette allure générale de clan des combines permanentes.
C’est vrai, le spectacle auquel on assiste, perché par-dessus la forêt de tignasses et de foulards de l’Hémicycle, doit être impayable…
Mais est-ce bien raisonnable de retourner au mandat de cinq ans pour faire plaisir à Niasse et énerver encore plus le Père Wade ?
Un tout nouveau député français, alors qu’il fait son entrée au Palais Bourbon hier, balance une suggestion à ce propos, qui semble frappée au coin du bon sens : «il faudrait que l’on cesse de faire de cette fonction une sinécure et qu’elle soit tournante». Réflexe de colonisé ? Peut-être, mais j’ai tout de suite pensé que c’est aussi valable chez nous. Surtout que Macky Sall semble inscrire son mandat sous le signe de la sobriété et du désintéressement (ce n’est pas interdit de rêver, non ?), et confirme l’imminente réduction du mandat présidentiel à cinq ans, pour le plus grand bonheur d’Idrissa Seck, lequel piaffe d’impatience de repartir dans cinq ans à la conquête du seul fauteuil assez délicat pour son auguste postérieur. Dans la foulée, «Borom feeling paadj» pourrait expliquer à ce cher «président» Moustapha Niasse, que ce serait un message fort en direction des contribuables histoire de leur démontrer que la compagnie Benno Bokk Yakaar n’est pas là pour se partager le butin de rapines électorales.
Moi, dans ma p’tite tête (sama kham-kham bou gatt, on dit chez nous), je me dis que ce ne serait pas mal que la présidence de l’Assemblée nationale non seulement reste à un mandat d’un an, non renouvelable, mais en plus soit tournante. Une féministe déchaînée d’ajouter : «et que la parité lui soit appliquée».
C’est vrai, le président de l’Assemblée nationale n’est pas le dauphin constitutionnel. Pour l’heure, c’est Pape Diop, le successeur potentiel de Macky Sall en cas de pépin. Si les sacrifices que le père Wade lui prête font mouche (vous savez bien, l’affaire de l’albinos…), il s’installe peinard à l’avenue Senghor sans battre campagne. Donc, il n’y a aucun de risque de déstabiliser les institutions à changer l’occupant du Perchoir tous les ans, en bonne intelligence, puisque le patron du Sénat veille. Les citoyens peuvent dormir tranquilles, mais pas Goor’ou Marième Faye ?
La présidence tournante ? Le rêve : un coup, un homme y grimpe, et puis, l’année suivante, une femme (pourquoi ricaner bêtement en pensant à Ndèye Fatou Touré ?). Ne nous parlez surtout pas de galanterie, on est en pleine parité…