Le dialogue politique version Macky Sall, en somme celui qui devrait se dérouler à l’Assemblée nationale, risque en définitive de s’effectuer sans le Parti démocratique sénégalais, premier parti de l’opposition et de surcroit parti au pouvoir sortant. En passe de perdre le contrôle de son groupe parlementaire dont plusieurs membres sont annoncés sur le départ (par le biais de la démission), après l’invalidation de la liste déposée par Oumar Sarr pour la constitution du pôle des Libéraux et démocrates, voilà que le Pds est en train de s’engluer davantage dans la mare en essayant par tous les moyens à sa disposition de débouter Modou Diagne Fada de la tête de son groupe parlementaire. Convocation de la commission de discipline dirigée par le libéral Abdoulaye Faye pour sanctionner Fada et cie, lettre ouverte du secrétaire général national, Me Abdoulaye Wade, informant Moustapha Niasse de ne pas agréer Modou Diagne Fada qui n’avait pas « mandat du parti de créer un groupe parlementaire ». Comme si le mandat parlementaire était impératif ! Et enfin, saisine du Conseil constitutionnel.
Sans préjuger des développements futurs de ce bras de fer entre Me Wade et Fada, ou en d’autres termes entre loyalistes et réformateurs du Pds, la question qui préoccupe est de savoir comment la formation libérale qui capitalise plus d’un quart de siècle d’opposition et plus d’une décennie de gestion du pouvoir, a pu manœuvrer aussi maladroitement au point de voir son groupe parlementaire échapper presque à son contrôle. Par une série d’actes en total porte-à-faux avec la donne politique actuelle, le Pds s’est fourvoyé au point de se tirer une balle dans le pied, avec le renouvellement du bureau de l’Assemblée nationale pour l’année parlementaire 2015-2016.
Ayant complètement oublié que le Pds n’était plus au faîte de sa gloire, comme entre 2000 et 2012, où le parti pouvait se permettre se défénestrer n’importe lequel de ses leaders (Idrissa Seck en 2004, MackySall en 2008), qu’il n’était plus qu’un parti grabataire depuis la défaite de 2012 (présidentielle) et de 2014 (Locales), le comité directeur libéral s’est permis de donner mandat à son secrétaire général national de limoger comme bon lui semblait Modou Diagne Fada de son poste de président de son groupe parlementaire. Comme un fétu de paille devant être consumé par un brasier incandescent! Pis, Me Abdoulaye Wade lui-même incapable de faire le distinguo entre la guéguerre de positionnement de ses leaders de parti et les ressentiments tenaces des uns envers les autres, voire incapable de taire ses propres ressentiments envers Modou Diagne Fada et le courant réformateur au profit du pur jeu de calcul politique et non politicien, s’est laissé aller au règlement de comptes.
En décidant de destituer à la hussarde Fada de son poste de président du groupe parlementaire des Libéraux et démocrates au profit d’Aïda Mbodj, la présidente du Conseil départemental de Bambey et ancienne ministre libérale, le talentueux stratège politique que fut Me Wade (mais qu’il n’est certainement plus au regard de l’échec de ses diverses manœuvres depuis la perte du pouvoir, surtout dans l’affaire Karim Wade) a beaucoup perdu dans ce clash à l’Assemblée nationale. Aussi bien en termes de crédibilité, de crédit politique, de leadership que de justesse dans l’acte politique.
Or, des concertations ouvertes avec les députés libéraux Modou Diagne Fada, Awa Diop, Fatou Thiam, têtes de pont de la fronde, auraient peut-être permis de baliser le terrain de l’entente cordiale pour préserver la stabilité du groupe parlementaire du Pds. Au contraire, Modou Diagne Fada a été informé par téléphone et de manière cavalière par Me Wade de sa décision de le destituer, au nom de la parité. Ce qui fut suffisant par pousser le président du Conseil départemental de Kébémer, libéral de la première heure et inconditionnel du Pape du Sopi à se rebeller et à porter le combat au sein de l’hémicycle.
Au final et par un jeu mécanique de procédure, Me Wade a livré le Pds à la merci de ses adversaires politiques et de la majorité. Occasion ne pouvait être plus favorable, nonobstant la teneur des articles 20 et 22 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, pour balancer un uppercut au camp d’en face et installer davantage la zizanie dans les rangs des libéraux et de leurs alliés de l’opposition.
Des alliés dont certains députés ont choisi de ne pas suivre l’injonction de leurs leaders respectifs à la constitution d’une alliance parlementaire avec le Pds, en vue de la formation d’un grand groupe de l’opposition parlementaire. A l’instar de la député Ndèye Magatte Dièye du Fsd/Bj qui est allée à contrecourant des desiderata de son leader Cheikh Bamba Dièye!
Le vin étant tiré, il faut le boire. Dans cette affaire de groupe parlementaire de l’opposition, le Pds ne doit en réalité s’en vouloir qu’à lui-même. Pour s’être complètement fourvoyée de procédure, de poids politique réelle, ou tout au plus pour s’être inféodée sans rémission au leadership d’un homme politique (Me Wade) qui n’est plus loin d’avoir fait son temps, la formation libérale se doit de redresser la barre et de sauver les meubles. Tant que c’est encore possible ! Quitte à lâcher du lest et encore du lest pour rabibocher les positions ! Dans ce jeu, gageons que le parti qui recèle d’hommes de valeur, quoique aux tempéraments trempés, saura faire la part des choses, en se libérant de ses postures va-t-en guerre qui ne font, au fond, qu’envenimer une situation de parti déjà alambiquée.
Sud Quotidien