Il aurait pu donner un accord rapide pour une solution alternative ; mais Abdoul Mbaye a préféré prendre son temps avant de donner à la Senelec l’autorisation de passer un marché par entente directe avec Apr, et éviter la situation de vide qu’aurait entraîné le départ brutal de l’opérateur.
Les délestages dont le président de la République a demandé la fin rapide en Conseil des ministres du jeudi 31 janvier dernier auraient pu être évités, si tous les membres du gouvernement allaient dans le même sens, des intérêts de l’Etat. Mais cette affaire a montré que tout le monde au sein de ce gouvernement, n’a pas le même sens des intérêts de la Nation.
Ainsi, des cadres de la Senelec ont fait comprendre que contrairement à ce qu’avait relevé Le Quotidien, leur direction avait bien à l’avance anticipé la fin du contrat des Américains de Apr Energy. Et dès le mois d’août, la Senelec a entamé d’échanger des correspondances avec la Direction centrale des marchés publics (Dcmp), pour obtenir de cette dernière qu’elle lui accorde de lancer un appel d’offres international pour lui permettre d’acquérir un fournisseur d’énergie qui remplacerait Apr Energy.
Malheureusement, la Dcmp a refusé, en lui demandant de passer au préalable un appel d’offres local. Ce ne serait que dans l’hypothèse où l’appel d’offres local serait infructueux que la société devait passer un appel d’offres international. La Senelec a eu beau expliquer qu’il fallait, au regard de la règlementation, 6 mois avant de constater qu’un appel d’offres était infructueux, et pendant ce temps, la fourniture de courant aurait été perturbée. La Dcmp n’a rien voulu comprendre et la Senelec a dû recourir à un arbitrage de l’Agence de régulation des marchés publics (Armp).
Autorisation le 31 décembre
Le temps que cette dernière finisse par trancher, la Senelec a pris la précaution, le 18 décembre dernier, d’écrire au Premier ministre Abdoul Mbaye, pour lui demander l’autorisation de passer rapidement un marché de gré à gré avec Apr, dont le contrat devait arriver à expiration le 31 décembre 2012. La Senelec s’était rendu compte que le pays n’avait plus le temps matériel pour recourir à un autre prestataire et que, bien que pratiquant des tarifs prohibitifs, Apr offrait l’avantage d’avoir encore son matériel sur place, qui en plus, était déjà connecté au réseau.
Mais, bizarrement, ce n’est que le 31 décembre au soir que le Premier ministre a pris la peine de répondre, en donnant son accord pour la procédure. Le même jour où le contrat d’Apr Energy arrivait à expiration. Entretemps, les membres de la direction d’Apr étaient déjà partis célébrer la Saint Sylvestre et Senelec n’avait pas d’interlocuteur. Il a fallu attendre la fin des célébrations pour reprendre les négociations avec la société américaine. Dans ces conditions, les cadres de la Senelec avec lesquels Le Quotidien a échangé expliquent que la société a pris l’option de privilégier la ville de Touba, où le Magal annuel battait son plein au même moment.
L’un de ces cadres explique en frissonnant rétrospectivement : «Imaginez qu’il y ait eu un seul pépin lors de ce magal, dont on ne doit pas oublier qu’il était le premier à se tenir sous l’ère de Macky Sall ! On peut imaginer que le Dg de la Senelec aurait sauté et, pourquoi pas, avec lui, le ministre de l’Energie » ?
Il n’empêche, ces 150 Mw d’Apr, qui ne sont progressivement revenus dans le réseau que 4 jours après, ont coïncidé avec des perturbations sur les centrales à gaz, ainsi que sur le courant fourni par le barrage de Manantali. Le déficit de production a duré, selon les agents de Senelec, jusqu’au 14 janvier au matin. Ce qui a entraîné une situation assez pénible pour les usagers, ainsi que pour la Senelec, qui l’a géré à sa manière habituelle.
Demande d’explications
Cette situation aurait pu ne pas avoir trop de conséquences si tout le monde avait bien voulu jouer le jeu. Mais le Premier ministre Abdoul Mbaye ne l’entendait pas de cette oreille, lui s’est empressé, le lundi 21 janvier, d’envoyer à son ministre de l’Energie, une demande d’explications sur les raisons de ces perturbations. Ce dernier a répercuté la demande d’explications au Directeur général de la Senelec qui, à son tour, a montré preuves à l’appui, que c’est le laxisme du Premier ministre qui a été à la base de cette situation.
Aujourd’hui, tous ceux qui sont informés de cette affaire se demandent si, en faisant traîner les demandes de la Senelec, le Premier ministre n’a pas voulu créer une situation dont il espérait qu’elle allait emporter Pape Dieng. Certains en viennent par conséquent à se demander si Abdoul Mbaye n’a pas toujours à travers la gorge la sortie peu glorieuse de son frère Cheikh Tidiane, de la Senelec, suite à la nomination de Pape Dieng, et qu’il cherche à le venger, quitte à être déloyal envers les intérêts du pays.
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