Le coronavirus doit être l’occasion de précipiter la naissance d’un nouveau monde qui remet l’humain au centre et au-dessus de toute considération. La crise sanitaire actuelle doit nous inviter à changer de direction. Elle sonne le glas d’un ancien monde fondé sur la pauvreté, la corruption, la prédation des ressources publiques, la destruction écologique et la culture de l’impunité.
Dans un tel contexte, les peuples humiliés et spoliés se réveillent et font irruption sur la scène de l’histoire. Il devient évident que la souffrance des victimes d’inégalité est le début de la création du neuf. En vérité, le rejet de l’ordre des inégalités actuelles constitue en même temps le coup d’envoi d’un ordre nouveau fondé sur l’égalité et la souveraineté populaire. En particulier, nos peuples d’Afrique sont comme George Floyd ; ils ne respirent plus. Pour cette raison, un gigantesque big-bang politique devient une nécessité à crever les yeux.
Le big-bang politique qui se profile à l’horizon constitue l’annonce d’un monde nouveau, fondé la justice et une culture démocratique de transparence. Il se veut un projet de transformation démocratique, écologique et égalitaire. Il a pour objet de reconstruire nos économies et mettre la vie humaine au cœur des priorités. Toutefois, nous ne devons pas perdre de vue que la richesse matérielle doit être subordonnée au bien-être des populations, à la sauvegarde du capital naturel et à l’accès aux libertés réelles.
La vie humaine doit être la finalité de l’économie et non l’accumulation croissante du profit. Il s’agit de reconstruire une économie « solidaire » et « durable » qui favorise les plus vulnérables et les plus défavorisés afin de renforcer leurs capacités humaines. Le progrès de notre société ne doit plus être mesuré matériellement et uniquement par un taux croissance économique déconnecté de la réalité, mais aussi par la satisfaction des capacités individuelles subjectives, dans des environnements sains. C’est la raison pour laquelle cette vision nouvelle sera exigeante en investissement dans des secteurs comme l’éducation, la formation et la santé. Nous devons aussi, réduire les inégalités entre nations, recouvrer notre souveraineté économique et monétaire pour une Seconde Émancipation qui sera la pleine liberté pour notre peuple.
De manière inexorable, nous devons introduire une conscience écologique au cœur de la nouvelle politique économique afin de protéger l’équilibre de notre écosystème. Pour cette raison, il nous faut nous inscrire résolument dans le développement durable qui est une conception du progrès qui permet de satisfaire les besoins du présent sans compromettre la vie et la capacité des générations futures. Ainsi, cette nouvelle vision de l’économie doit renforcer la vigilance du peuple afin de protéger nos ressources naturelles contre les multinationales extractives et financières qui risquent de laisser nos pays dans la misère et une profonde destruction écologique.
Sans aucun doute, l’acceptation de la destruction de notre environnement, surtout dans un contexte où le pétrole et le gaz naturel deviennent le nouveau leitmotiv de nos hommes politiques, accroîtra la pauvreté et les conflits sociaux dans le pays. Sur cette problématique de l’exploitation pétrolière, nous voyons clairement que les jeux sont joués d’avance et nous refuserons de nous résigner à une telle fatalité à la fois inéquitable et destructrice pour nos milieux physiques, notre économie locale et nos qualités de vie. Par conséquent, il est nécessaire de construire un nouvel État qui sort des carcans des politiques néolibérales destructrices. Les règles actuelles du marché ont montré leur incapacité à produire à la fois la justice, l’équité sociale et la protection de l’environnement.
Le nouvel ordre dont il est question doit rompre définitivement avec l’État néocolonial qui se réduit à un État prédateur des ressources publiques au service d’une caste prédatrice. Il doit être démocratique et social, régulateur et volontariste. Il s’agit d’une lutte féroce contre les inégalités sociales, économiques et écologiques. Ce nouvel État doit pouvoir satisfaire les besoins primaires du peuple, en l’occurrence se nourrir, s’éduquer, se soigner, se loger et protéger la nature. Dans ce sillage, une réforme de la fiscalité est nécessaire, notamment sur les plus hauts revenus et patrimoines pour soutenir les femmes, les jeunes qui sont les plus vulnérables de notre société. Nous devons soutenir une transcription constitutionnelle de la justice fiscale, car ceux qui gagnent plus doivent payer plus, et non se voir accorder indéfiniment des exonérations fiscales.
Ensuite, le big-bang annoncé se veut aussi une refondation de notre démocratie qui doit renouer avec l’égalité et la souveraineté populaire. Il nous faut construire de nouvelles institutions qui promeuvent la démocratie participative et équitable. Il s’agit aussi de mettre en place de nouvelles institutions qui permettent au peuple d’exercer un contrôle (un « parquet politique ») sur l’exercice du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire. Sans aucun doute, l’avenir de notre démocratie se trouve dans la radicalisation de la culture de la transparence. Ainsi, nous devons sortir du régime corrompu de partis politiques traditionnels qui se réduit à une démocratie prédatrice sous le contrôle de groupes d’intérêts oligarques.
Enfin, le big-bang politique sonne l’avènement d’un quatrième pouvoir démocratique qui doit être celui du contrôle du citoyen. Aujourd’hui plus que jamais, il s’agit de constitutionaliser ce Pouvoir citoyen. La société civile, les mouvements citoyens, les mouvements sociaux ont un rôle important à jouer dans la mise en place institutionnelle de ce Pouvoir citoyen. La nouvelle Constitution devra prévoir des mécanismes comme le Référendum d’initiative citoyenne qui permettra aux citoyens de révoquer le mandat en cours d’une autorité dont la crédibilité est sérieusement entamée par des scandales à couper le souffle.
Compte tenu de tout ce qui précède, le big-bang politique auquel j’aspire est une révolution démocratique, écologique et égalitaire. Il va clore définitivement le cycle d’un ordre politique fondé la corruption, l’inégalité et la prédation pour un nouvel ordre de transparence, de distribution équitable des ressources et de protection de l’environnement. Les classes pauvres et les exclus doivent engager la lutte pour la construction d’une nouvelle hégémonie populaire fondée sur la justice, l’égalité et la souveraineté.
Le coronavirus offre un grand boulevard à ce changement de cap. Il a sévi en sorte que les conditions sociales et historiques d’une transformation radicale de nos institutions sont aujourd’hui réunies.
Depuis des siècles, Cervantès rappelle à tous ceux qui luttent que « la fortune aime l’audace ». Le moment est venu pour notre peuple de s’engager dans une révolution démocratique salutaire.
Dr Babacar DIOP, Leader Fds