Cette année encore, pour perpétuer une tradition vieille de 1966 et consistant à célébrer l’excellence à l’école, la cérémonie du concours général a vécu et a vu cent vingt et un (121) prix décernés aux meilleurs élèves des classes de première et de terminal des lycées et collèges du Sénégal pour cette année 2019 contre cent quatorze (114) en 2018.
Loin de moi, ancien lauréat du concours général, toute idée de jeter l’anathème sur le concours général ou encore moins dénier aux lauréats leur mérite. Toutefois, il me semble judicieux de m’interroger sur un certain nombre d’aspects allant dans le sens de l’amélioration de l’organisation du concours général.
La politique élitiste du MEN qui semble rompre le droit de nos élèves à l’égalité des chances est-elle en adéquation avec l’organisation d’un concours général pour tous ?
Les évaluations données sont-elles suffisamment intégratrices pour mettre en scelle les « cracks » du système ?
Présidant la même cérémonie le 07 juillet 1975, le Président poète Léopold Sédar Senghor ne tirait -il pas déjà la sonnette d’alarme en affirmant:
« Il est bon que l’éclat de quelques-uns ne nous aveugle sur la médiocrité du grand nombre. »
Ces mots du Président prononcés il y a exactement quarante -quatre (44) années sont d’une actualité brûlante au regard du fossé qui se creuse de plus en plus entre les écoles dites d’excellence et celles de droit commun qui regroupent l’écrasante majorité de nos élèves.
En effet, c’est toujours sans surprise que l’on voit des écoles d’élite comme le Prytanée militaire de St Louis, la Maison d’éducation Mariama BA de Gorée et ces deux dernières années le lycée scientifique d’excellence de Diourbel être devant le peloton de tête des établissements ayant fait les meilleurs résultats au Concours.
Les tests très sélectifs pour y accéder, les conditions d’apprentissage (élèves bénéficiant du régime de l’internat, donc logés, blanchis et nourris, et parfois d’une allocation d’études), la qualité des enseignements-apprentissages dispensés par des enseignants chevronnés dans les meilleures conditions font qu’ils doivent exceller à tous points de vue.
À côté de ces établissements publics d’excellence, certains établissements privés confessionnels sortent aussi la tête de l’eau.
D’autres établissements publics se trouvant dans des conditions moins favorables comme le lycée Seydina Limamoulaye de Guédiawaye ou le lycée Seydou Nourou Tall ont eu des résultats satisfaisants ces dernières années.
Mais ceux-ci constituent un échantillon non représentatif de nos établissements scolaires dont la plupart n’ont jamais eu un lauréat au concours général depuis l’entame de son organisation.
Oui pour l’excellence dans nos établissements!
Mais gardons-nous de creuser davantage le fossé où risquent d’être ensevelies pour de Bon l’équité et l’égalité des chances entre nos élèves.
Faisons en sorte que la qualité soit améliorée dans nos différents établissements par une réduction sensible des disparités criantes entre des écoles d’élite disposant de tout et des écoles du peuple manquant de tout.
Le résultat c’est encore de taux de réussite très faible à nos différents examens scolaires particulièrement au Bac qui a du mal à franchir le cap des quarante pour cent.
Cela ne signifie nullement un nivellement par le bas mais par le haut par une amélioration sensible de la qualité dans nos différentes écoles. Ceci demandera certes des moyens financiers colossaux, me diriez-vous.
Mais une bonne éducation de nos enfants n’a pas de prix. Elle a seulement un coût !
Quid de l’évaluation au concours général ?
Les pratiques notées au cours de ces dernières années pour la préparation des candidats au concours général dans les établissements et les épreuves données doivent nous amener à réfléchir sur la pertinence des évaluations.
Cherchons-nous à primer des élèves à la tête bien faite ou bien des élèves à la tête pleine ?
Au regard des évaluations de ces dernières années, surtout dans les disciplines scientifiques, on semble, selon certains professeurs, plutôt favoriser le bachotage avec des élèves entraînés à résoudre des d’exercices typiques. Alors si l’élève bien entraîné a la chance de tomber sur des exercices faits avec son professeur, il peut se taper une note excellente sans être nécessairement excellent et primé à la place d’autres peut-être plus excellents et moins chanceux au concours.
L’exemple du concours général de cette année en mathématiques en est une parfaite illustration.
En effet, les évaluateurs ne sont pas allés chercher très loin et ont simplement téléchargé sur le site CAPES France 2012, un exercice dont le corrigé était également disponible sur le site.
L’autre exercice de probabilité était truffé d’erreurs qui le rendaient intraitable. Tout cela est difficilement acceptable, vu le sérieux qui doit entourer, d’amont en aval, l’organisation de ce concours.
In fine, il se pose la question du choix des épreuves au concours général qui ne doivent pas être, de l’avis des spécialistes de l’évaluation,des exercices classiques mais des épreuves suffisamment intégratrices et originales à même de déceler les « cracks » du système.
Au total, nous pensons que la cérémonie de remise des prix aux lauréats du concours général demeure en soi une excellente chose en ce sens qu’elle permet de susciter une saine émulation entre nos établissements.Elle ne doit toutefois pas cacher les vraies réalités d’une école sénégalaise qui a besoin, pour être plus performant, d’améliorer la qualité de ses services.
« Si vous croyez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance ! »
Fait à Dakar le 30 juillet 2019
El Hadji Abdou Wade dit Mara,
Professeur de Lettres, Spécialiste des questions d’éducation.