Bibo Bourgi et Diassé autorisés à aller se soigner et Pape Mamadou Pouye libéré. L’Etat desserre l’étau autour de Karim Wade.
«Le Procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) informe que Messieurs Ibrahima Abdoukhalil dit Bibo Bourgi et Alioune Samba Diassé ont bénéficié ce mardi 31 mai 2016 d’une autorisation de sortie du territoire pour des raisons humanitaires. Papa Mamadou Pouye a, pour sa part, bénéficié d’une libération conditionnelle.» C’est le communiqué que le ministère de la Justice a publié hier. Si le Parquet spécial justifie cette autorisation des deux co-accusés de Karim Wade par des «raisons humanitaires», il faut y voir un assouplissement de l’Etat qui s’était braqué lorsque la Commission d’arbitrage des Nations unies sur le droit commercial international (Cnudci) lui a ordonné, mi-avril dernier, de laisser M. Bourgi se rendre en France pour raisons de santé. Une santé précaire comme c’est le cas de Diassé, qui a valu à tous les deux de séjourner au pavillon spécial. Le garde des Sceaux avait en premier lieu déclaré : «Bibo Bourgi et Diassé vont être examinés et si leurs conditions sanitaires sont incompatibles avec une incarcération, l’Etat du Sénégal prendra la décision qui s’impose.» Et 24 heures après, il durcit le ton : «Cette décision (de la Cnudci) est scandaleuse. Elle est sans précédent dans l’histoire des sentences arbitrales. Le Sénégal est un Etat souverain. Il ne peut recevoir d’injonction de quelque nature que ce soit d’une instance arbitrale qui n’a aucune compétence pour se prononcer sur l’exécution d’une peine pénale définitivement prononcée par la Cour suprême du Sénégal le 20 août 2015 et réaffirmée le 8 mars 2016 par le rejet de la requête en rabat d’arrêt formé contre cette décision.»
La surprise Pouye
Il est reproché à Mamadou Pouye dit Pape «d’avoir, à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa Wade, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés». La Crei l’a condamné à 5 ans d’emprisonnement ferme et à une amende de 69 milliards 119 millions 543 mille 198 F Cfa. Mais alors qu’est-ce qui motive cette libération conditionnelle-surprise du seul codétenu de Karim Wade ? Il faut préciser que son élargissement est l’œuvre de la Chancellerie. Dans tous les cas, ce vent qui souffle sur ce dossier de la Crei intervient dans un contexte d’apaisement du climat politique avec le lancement du dialogue national par le chef de l’Etat. Il ne reste plus que le fils de l’ancien Président et les supputations vont bon train quant à son élargissement imminent.
Pouye mène-t-il à Karim ?
C’est que le vœu de Macky Sall à son prédécesseur pour ses 90 ans n’est pas banal puisqu’il intervient au lendemain de l’ouverture du dialogue national auquel le Parti démocratique sénégalais a participé. Il y avait bien une interrogation derrière ce brusque souvenir du chef de l’Etat à son «père» politique ? Pas seulement un simple coup de fil, mais bien un fil du dialogue renoué entre les deux personnalités. Il y avait déjà un air de dégel sur la ligne depuis que Macky Sall a déclaré, lors de la présentation de condoléances chez Oumou Salamata Tall, avoir été «ému» en passant devant le domicile de son prédécesseur. De toute façon, Wade ne peut avoir meilleur compliment qu’une grâce de son fils qui est condamné à 6 ans de prison ferme pour enrichissement illicite. Les interventions de certains orateurs samedi, au Palais, ont-elles touché Macky Sall ? A-t-il saisi cette occasion pour faire un pas vers l’ancien Président et bien sûr le fils ? «Un Président doit avoir le culte du pardon. Monsieur le Président, on vous assure que vous êtes le roi des arènes, vous êtes le plus puissant. Le procès de Karim est fini. Donc, je vous demande de le gracier. Ceux qui vous disent que quand il sortira, il va vous créer des problèmes se trompent. Karim est un Sénégalais comme les autres centaines de Sénégalais que vous avez graciés. Il (Karim) est un fils unique d’un couple de vieillards, sa femme est décédée et n’a que des gamins comme enfants. Je vous demande de le gracier», avait imploré Me El Hadj Diouf. «Mieux vaut tard que jamais ! Vous pouvez nous aider. Nous demandons la libération de notre candidat Karim Meïssa Wade et d’autres membres de notre parti. Dans une démocratie apaisée, il est important que nos détenus soient libérés», a ajouté le coordonnateur du Pds, Oumar Sarr, qui estime que c’est une condition pour une démocratie apaisée. Puisque pour les enquêteurs de la Crei, Pouye menait à Karim, sa libération peut aussi aboutir à celle de l’ancien ministre.