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Le Gâchis

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Accusé de coup d’Etat contre le président Senghor, Mamadou Dia, président du Conseil du Sénégal, soutiendra pourtant qu’il s’agissait d’un coup monté puisque, faisait -il observer : « on fait un coup d’Etat pour prendre le pouvoir. Moi, j’avais tous les pouvoirs ».

Président du Conseil de Gouvernement et Vice-président de l’éphémère Fédération du Mali, c’est lui qui a signé l’acte d’indépendance de la République du Sénégal. Mais voilà, on était en période de guerre froide caractérisée par des luttes d’influence et des rivalités entre le bloc occidental et le bloc soviétique, au moment où, partisan d’un socialisme autogestionnaire, il ambitionnait de nouer des relations politiques et économiques avec l’Union Soviétique. Après s’y être rendu en visite d’Etat, il refusera sur le chemin du retour, de faire escale à Paris pour rendre compte au Président Charles de Gaulle des résultats de ses entretiens avec Khrouchtchev.

Président du Conseil du Gouvernement d’un pays souverain, il pensait n’avoir de compte à rendre à personne sinon à son pays. Mal lui en prit. De telles velléités avaient fini par dérouler le tapis de la chronique d’une rupture annoncée avec Senghor. Ainsi, racontera t-il dans ses Mémoires que, mis au courant du dépôt d’une motion de censure par quelques députés, il interrogera Senghor qui lui avouera tout en ignorer. Quelle ne fut donc sa surprise, lorsqu’il apprit, la tenue d’une réunion clandestine présidée par ce dernier et qui aura fixé le vote de la motion de censure. Il sera en tout état de cause accusé d’avoir fomenté un coup d’Etat et arrêté.

Chargé de juger Mamadou Dia et ses compagnons d’infortune, Ousmane Camara, jeune magistrat alors procureur de la Haute Cour de justice, dira au cours du procès qui s’est ouvert le 7 mai 1963 : « Au vu de toutes les fautes commises, innocenter Mamadou Dia, à mon avis est impossible. Intimement convaincu que Mamadou Dia n’a ni préparé ni perpétré un coup d’Etat, mais conscient qu’il a utilisé des moyens illégaux pour une cause juste à ses yeux, je requiers qu’il plaise à la Cour retenir les fautes commises par l’accusé, mais en lui faisant bénéficier des circonstances atténuantes les plus larges ». Mamadou Dia sera embastillé à Kédougou, à la suite d’un procès où, gagné par la lassitude et l’indifférence, son esprit était taraudé par la question de savoir comment était-ce « possible que ce soit Senghor » qui soit la source de son infortune.

Tout à cette cogitation intérieure, à Ousmane Camara qui lui dira : « Vous vous êtes placé sur le terrain de la morale et Senghor, votre adversaire, sur le terrain de l’efficacité politique », il répondra : « S’il y a un conflit entre la morale et la politique, je préfère être du côté de la morale ». Une posture qui l’aura accompagné toute sa vie durant, l’aidant ainsi à tenir bon dans l’enfer carcéral de Kédougou.

Vieux Savané

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