XALIMANEWS : Interpellé hier, lundi12juillet, dans la foulée de l’adoption par l’Assemblée nationale du projet de loi portant modification du Code électoral, le professeur de droit constitutionnel, Ngouda Mboup, semble conforter l’inquiétude de l’opposition et certains membres de la société civile. En effet, soulignant qu’en droit pénal, il n’y a pas d’inéligibilité sans texte ni inéligibilité au-delà des textes, il a indiqué que le maintien de ces articles dans le code électoral porte même atteinte à l’indépendance de la justice.
Concernant la question des articles L29 et 30 nouveau, j’ai même entendu certains dire que ces articles ont été inscrits dans le Code électoral depuis longtemps. Seulement, je rappelle que le Conseil constitutionnel n’a jamais fait référence à ces dispositions dans ses décisions. Une loi peut-être votée et entrée en vigueur et ne pas être conforme à la Constitution.
Tel est le cas concernant la Loi sur le terrorisme intégré dans le dispositif pénal depuis 2007 mais, depuis cette date, ce texte n’a jamais été connu au Conseil constitutionnel alors qu’il concerne pourtant des questions de sécurité, liberté et de droits fondamentaux. Maintenant, en droit pénal et en droit électoral, il y a un principe selon lequel, pas d’inéligibilité sans texte ni inéligibilité au-delà des textes.
Autrement dit, pour qu’il y’ait inéligibilité par rapport à une personne, il faut que cela soit d’abord d’ordre public ou bien qu’un juge le prononce. Cela dit, si nous prenons le cas de Karim Meissa Wade et Khalifa Ababacar Sall, ils ont été certes condamnés mais le juge n’a jamais prononcé la déchéance concernant leurs droits civils et politiques. Cela signifie en réalité qu’ils n’ont pas perdu leurs droits civils et politiques. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle nous avions toujours recommandé le toilettage du Code électoral qui fixe le régime électoral parce que dans le droit électoral, il y a certaines dispositions traditionnelles qui violent les droits fondamentaux.
Ces dispositions connues sous le nom de «traditionalisme du droit électoral français » que nous avions recopié de la France depuis 1979 alors qu’aujourd’hui, elles (dispositions) ont été totalement supprimées dans le Code électoral français parce qu’elles ont été sanctionnées par je juge constitutionnel français.
Donc, l’article L29 et L30 n’ont pas leur place dans le Code électoral parce que c’est le Code pénal qui fixe les incriminations et les peines applicables mais qui donne pouvoir au juge de prononcer ou pas la déchéance des droits civils et politiques. Et dans l’affaire Karim Wade, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) avait la possibilité de prononcer la déchéance mais le juge ne l’a pas fait. Idem dans l’affaire Khalifa Sall et Abdoul Mbaye. On ne peut être plus royaliste que le roi. Le maintien de ces articles dans le Code électoral porte même atteinte à l’indépendance de la justice.
En outre, le cabinet d’audit indépendant qui a évalué le processus électoral a dit à l’Etat du Sénégal que ces dispositions ne doivent pas figurer dans le Code électoral. Mais si le pouvoir s’entête à maintenir ces deux articles dans le Code électoral, c’est parce qu’il est conscient qu’un juge sérieux ne va jamais s’aventurer à leur donner un crédit constitutionnel.
D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle, en 2018, lorsqu’ils (tenants du pouvoir) modifiaient le Code électoral pour instituer le parrainage, ils en ont profité pour changer les conditions de candidature à l’élection présidentielle. Ce, en ajoutant une pièce supplémentaire à la liste de candidature qui est la carte d’électeur parce que sachant qu’en cas de condamnation, vous ne pouvez pas vous inscrire sur les listes électorales.
C’est ce qui justifie la déchéance automatique qui a frappé Karim Wade et Khalifa Sall. Et c’est ce que j’appelle, la fraude à la Constitution parce qu’avant cette réforme, j’avais toujours dit, que rien n’empêchait Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall d’être candidats en 2019 ».