(New York) Il était une fois un maire qui donnait souvent l’impression d’auditionner pour un rôle de superhéros dans un film hollywoodien.
Son exploit le plus célèbre se produisit un soir de printemps, en l’an 2012. En rentrant chez lui, il aperçut des flammes à l’étage d’un duplex situé dans sa rue. Ayant entendu les cris d’une femme, il refusa d’attendre l’arrivée des pompiers et entra dans la maison, suivi d’un de ses gardes du corps, qui tentait en vain de le retenir par la ceinture. Il faillit y rester.
«Il n’y avait pas d’air», raconta le maire le lendemain aux journalistes rassemblés devant le duplex calciné. «Je ne pouvais pas respirer. C’est alors que je me suis dit: si je ne trouve pas cette femme dans quelques minutes, nous allons tous les deux mourir.»
Il trouva la jeune femme, paralysée par la peur, dans sa chambre. Grand et fort comme un ailier rapproché, sa position au temps où il portait les couleurs de l’équipe de football de la prestigieuse Université de Stanford -il est également diplômé de Yale et d’Oxford-, il la souleva, la chargea sur son épaule et traversa la cuisine en proie aux flammes, avant de sortir du duplex et de s’écrouler sur la pelouse.
«Je suis un voisin qui a fait ce que la plupart des voisins auraient fait, c’est-à-dire passer à l’action», dit-il encore aux journalistes après avoir été traité à l’hôpital pour inhalation de fumée et brûlures au deuxième degré.
Étoile montante démocrate
Précision: cela n’est pas un conte de fées destiné à divertir les lecteurs montréalais ou lavallois rêvant à un maire altruiste, courageux et honnête comme un scout. Cette histoire fait partie de la légende grandissante d’une étoile montante du Parti démocrate, en l’occurrence Cory Booker, maire de Newark, ville du New Jersey où la pauvreté continue d’être un problème sérieux malgré une certaine revitalisation au cours des dernières années.
Cette légende se nourrit de plusieurs autres exploits. En voici un autre: peu après l’heure du midi, le 13 juillet 2006, soit moins de deux semaines après le début de son premier mandat, Cory Booker sort de l’édifice de la mairie et tombe sur une confrontation entre un policier et un homme qui vient de voler un citoyen dans une banque. Armé d’une simple paire de ciseaux, le voleur décide de détaler à toutes jambes en voyant le policier faire un geste pour prendre son arme de service.
C’est alors que Cory Booker, alors âgé de 37 ans, enlève son veston et se lance à la poursuite du voleur, suivi de ses deux gardes du corps. Plus rapides, ceux-ci finissent par le doubler et par rattraper le voleur. Après avoir rejoint le groupe, le nouveau maire de Newark se met à crier, à l’intention du voleur: «Plus jamais dans notre ville! Ces jours sont terminés!»
Dans un autre tableau digne de Hollywood, un adolescent atteint d’une balle meurt dans les bras de Cory Booker. Dans une autre scène encore, un revendeur de drogue surnommé T-Bone menace de mort l’élu afro-américain. Plus tard, le même T-Bone fond en larmes et demande au maire de Newark de l’aider à retrouver le droit chemin.
Entraide sociale
Aujourd’hui âgé de 43 ans, Cory Booker joue aussi les superhéros sur Twitter, où plus de 1,2 million d’abonnés suivent ses tuyaux, commentaires et échanges incessants avec les citoyens de Newark et d’ailleurs aux États-Unis. Après la supertempête de neige du 26 décembre 2010, il s’est non seulement servi de sa pelle pour aider ses concitoyens, mais également du site de microblogage pour déployer les services municipaux aux bons endroits.
Et c’est sur Twitter que Cory Booker vient de nouveau d’attirer l’attention en engageant un pari inusité avec une internaute de la Caroline-du-Nord qui traitait de «parasites» les bénéficiaires de bons d’alimentation (food stamps). Les deux ont convenu de vivre pendant une semaine, du 4 au 11 décembre, comme les Américains pauvres qui reçoivent environ 4$ par jour pour se nourrir.
Les critiques de Cory Booker l’accusent d’opportunisme politique, rappelant notamment que le maire de Newark songe à briguer le poste de gouverneur du New Jersey en 2013 ou celui de sénateur en 2014. Mais il faut admettre que cet apôtre de l’entraide sociale met en pratique ce qu’il prêche. N’a-t-il pas ouvert sa maison à une douzaine de sinistrés de l’ouragan Sandy, leur cédant un étage complet?
afp