Cette fois-ci, cette fois encore et cette fois surtout, Monsieur Abdoul Mbaye, ancien Premier Ministre, nous sert, dans une émission télévisée, un discours très ahurissant sur le secteur agricole. Je me surprends, alors, en train de convoquer Leonardo da Vinci qui disait « il faut penser beaucoup pour ne pas se tromper souvent ».
Avant de répondre aux déclarations de Monsieur Abdoul Mbaye, je me dois de lui dire, avec force et conviction, que le Sénégal est loin d’être ce pays dont les performances agricoles font rire ses « amis » de l’UEMOA car il dispose d’une vision, celle de SE.M. Macky Sall, Président de la République, de cadres compétents et sérieux ainsi que des producteurs courageux et déterminés à aller de l’avant. Je passerai volontiers sous silence les multiples appréciations positives de la communauté internationale concernant les performances de l’agriculture sénégalaise.
Il s’agit juste, pour nous, dans ce qui suit, de faire une petite intervention chirurgicale pour montrer ce que nous considérons, sans démagogie aucune, comme une faiblesse d’analyse de Monsieur Mbaye et qui mérite d’être soulignée. A cet effet, je voudrais formuler à son intention huit (08) observations qui ne nous autorisent pas à partager ses analyses :
1ère observation : Monsieur Abdoul Mbaye nous apprend que ses anciens collègues de l’UEMOA « lui rient au nez lorsqu’on évoque les performances agricoles du Sénégal». Nous en doutons très sérieusement. Pour preuve, dans le communiqué de la 5ème réunion du Comité de Haut niveau sur la sécurité alimentaire en date du 8 juin 2017, on peut y lire ce qui suit : « les Ministres de l’Agriculture des Etats membres de l’UEMOA ont félicité la République du Sénégal pour ses performances et encouragent les Etats membres à capitaliser l’expérience tout en veillant à la soutenabilité de la croissance ».
Ce seul fait suffit pour ne pas entrer dans le fond mais nous allons quand même poursuivre. En effet, nous devons élever le niveau des débats en liaison étroite avec les réalités objectives de notre pays et accepter, tous, que le fer et le plomb pèsent lourds même le dimanche et les jours fériés.
2ème observation : Monsieur Abdoul Mbaye pense que le volume d’eau reçu est suffisant comme argument pour contester les performances de l’agriculture sénégalaise.
Je voudrais lui suggérer de bien vouloir retenir qu’il y a au moins onze facteurs explicatifs d’une performance agricole dans le contexte sahélien :
I) date de début de l’hivernage, II) répartition de la pluviométrie dans le temps, III) répartition de la pluviométrie dans l’espace, IV) cycle des variétés utilisées, V) performance agronomique des variétés, VI) date de mise en place des facteurs de production, VII) qualité des intrants, VIII) cumul du pluvial et volume d’eau reçu, IX) maîtrise de l’eau en agriculture irriguée, X) intensité culturale, XI) diffusion de bonnes pratiques culturales…
Fort de ces considérations, il n’est pas exagéré de dire que le discours de Monsieur Mbaye est réducteur parce que fondé et soutenu sur un seul paramètre au lieu d’au moins onze.
Il est donc normal que nous ayons des divergences profondes.
3ème observation : Monsieur Mbaye semble vouloir expliquer les supposées contreperformances de notre agriculture à partir du profil de l’hivernage. Cette façon de voir les choses relève d’une méconnaissance et d’un refus de reconnaissance du génie créateur de l’omme. Présentement partout, grâce à des connaissances accumulées par la recherche agricole, on tente de s’exclure de toute fatalité liée aux changements climatiques.
Dans notre pays, à chaque fois qu’un hivernage est annoncé déficitaire, nous mettons en œuvre un programme d’adaptation visant à minimiser les risques agricoles et axé sur : (I) le choix de diverses spéculations agricoles dont le cycle de culture peut être en harmonie avec le profil de l’hivernage, (II) la diffusion de bonnes pratiques culturales (semis tardifs, variétés à cycle court, respect de la carte variétale, gestion raisonnée des engrais, renforcement de la vigilance vis à vis des adventices).
Par conséquent, Monsieur Mbaye doit comprendre qu’il peut y avoir une croissance agricole même avec une pluviométrie déficitaire, ce qui est souvent le cas dans les pays sahéliens comme le Sénégal. Il suffit d’assurer une combinaison intelligente d’un programme d’atténuation considéré comme un amortisseur de choc climatique et d’un programme de dopage de la croissance lorsque l’hivernage est favorable. C’est précisément cette stratégie qui a été utilisée en 2015.
D’ailleurs, l’expérience sénégalaise en matière de gestion des changements climatiques est citée en référence par la communauté internationale. Qu’il plaise à Monsieur Mbaye de se procurer les comptes rendus du PREGEC qui regroupe chaque année les quinze pays de la CEDEAO, la Mauritanie, le Tchad, l’UEMOA, tous les partenaires techniques et financiers (FAO, PAM…), divers ONG et les organisations régionales de producteurs.
4ème observation : Des chercheurs de renom ont démontré, depuis belle lurette, qu’il n’y a pas de corrélation directe entre pluviométrie et pauvreté rurale. Cela signifie que l’eau est, certes, un facteur de production important mais ce sont les politiques agricoles suivies qui sont déterminantes pour lutter contre la pauvreté.
A travers le monde, les zones les mieux arrosées sont-elles les plus riches en agriculture ? Nous répondons par la négative et il est aisé de le prouver.
5ème observation : Monsieur Mbaye semble ignorer que notre pays a des systèmes de production fondés sur le pluvial et l’irrigué et je dois lui suggérer fortement de considérer, dorénavant, l’agriculture irriguée dans ses « brillantes » interventions, par respect aux producteurs qui s’y adonnent et contribuent à l’obtention d’une offre agricole nationale.
6ème observation : Monsieur Mbaye nous dit que « rien ne justifie l’augmentation des superficies emblavées au Sénégal ». Je voudrais lui rappeler que notre pays a un programme de mécanisation s’articulant autour de deux composantes : le matériel de culture attelé et le matériel de culture motorisé, subventionnés respectivement à hauteur de 70% et 60%.
Il est donc évident que l’élévation de notre niveau de mécanisation, assortie d’une mise à disposition de facteurs de production de qualité, se traduit par une augmentation des surfaces emblavées. Je dois aussi dire à Monsieur Mbaye que les progrès techniques ont plus d’impact que l’augmentation des superficies emblavées. Ici, au Sénégal, nous avons une approche mixte pour accélérer le développement rural en jouant sur les deux éléments.
7ème observation : Monsieur Mbaye nous dit que les semences distribuées ne nous permettent pas d’obtenir une hausse des rendements. Là aussi, il ignore l’existence du programme de reconstitution de notre capital semencier. A titre illustratif, les semences certifiées d’arachide qui étaient de 6000 tonnes, en 2012, sont actuellement à 55 000 tonnes. Toute chose étant égale par ailleurs, on sait que l’utilisation de semences certifiées permet une hausse de 20 à 40% de la production.
8ème observation : Monsieur Mbaye parle de statistiques erronées, nous attendons impatiemment qu’il remette en cause la méthodologie que nous utilisons et qui est en vigueur dans les 15 pays de la CEDEAO, la Mauritanie et le Tchad, soit 17 pays.
Le brillant technocrate qu’est Abdoul Mbaye doit certainement savoir qu’on conteste des statistiques à partir de la méthodologie qui les a générées. Par conséquent, Monsieur Mbaye doit continuer son cheminement intellectuel pour nous convaincre. Faute de quoi, nous serons dans l’obligation de dire qu’il est dans des pronostics mais pas dans les champs de la statistique.
Bref, j’espère vivement que ces quelques observations vont permettre à Monsieur Mbaye de mieux défendre notre pays face à certaines moqueries imaginaires qu’il nous sert avec assurance. Je lui suggère aussi de demander à ses « amis » de disserter sur la formule du Directeur général de la FAO qui, en remettant à SE M. Macky SALL, Président de la République du Sénégal, le prix pour l’atteinte du premier Objectif du Millénaire pour le développement (OMD-1), avait déclaré : «Je salue la vision du Président Macky Sall en ce qui concerne la sécurité alimentaire. Son objectif de rendre son pays autosuffisant en riz et la mise en place des bourses de sécurité familiale sont un témoignage fort de l’importance accordée par le gouvernement sénégalais au besoin de la population de son pays. La FAO le soutient dans ses actions », a déclaré M. José Graziano da Silva.
Prions collectivement que notre pays compte de moins en moins de grands « spécialistes en généralités », du fait précisément que le capital de connaissances générées par l’homme est tel qu’il ne saurait tenir dans une seule tête. Il y a donc nécessité et urgence, pour tout homme, d’un apprentissage durable et continu et d’une humilité constamment revigorée pour éviter des discours gouvernés par des certitudes pas toujours évidentes.
Que Dieu nous gratifie d’un bon hivernage.
Dr Papa Abdoulaye Seck est le
ministre de l’Agriculture et de l’Équipement rural
Bravo Monsieur Le Ministre, mais reposez vous et laissez les producteurs lui répondre. Ces lascars de politiciens croient arriver au Palais par la diffamation, voilà pourquoi le peuple leur donne à chaque consultation une gifle plus retentissante