Le projet de loi portant modification de l’article 29 alinéa 1 de la loi 2004-09 du 6 février 20Le projet de loi portant modification de l’article 29 alinéa 1 de la loi 2004-09 du 6 février 2004 relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux, adopté « sans débat » au Conseil des ministres du 3 mars dernier est sur la table du Parlement appelé à le voter « souverainement ». Considéré par d’aucuns comme un moyen de blanchir des délinquants à col blanc qui pillent impunément les maigres ressources du pays, il soulève déjà auprès de larges couches informées de la société et auprès de la communauté des bailleurs de fonds, ainsi qu’au niveau communautaire, une vive contestation.04 relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux, adopté « sans débat » au Conseil des ministres du 3 mars dernier est sur la table du Parlement appelé à le voter « souverainement ». Considéré par d’aucuns comme un moyen de blanchir des délinquants à col blanc qui pillent impunément les maigres ressources du pays, il soulève déjà auprès de larges couches informées de la société et auprès de la communauté des bailleurs de fonds, ainsi qu’au niveau communautaire, une vive contestation.
Le projet de modification de l’article 29, alinéa 1 de la loi 2004-09 du 6 février 2004 contre le blanchiment des capitaux, adopté en Conseil des ministres du 3 mars dernier est déposé sur la table du Parlement invité à le voter comme loi de la République. Ne risque-t-il pas de tuer dans l’œuf, l’ambitieux programme du ministre d’Etat, Karim Wade d’un coût estimé de 1600 milliards de Fcfa à investir sur cinq ans (2011-2015) de doper la construction de routes de sorte à « faire du Sénégal un hub » commercial et du transport sous-régional? On craint en effet qu’il ne douche la participation à ce programme à hauteur de 70% des bailleurs ainsi refroidis à nouveau après les tentatives heureusement remisées de « domestication » du Code des marchés?
Ce projet de loi déposé sur la table du Parlement n’apporte-t-il pas aussi de l’eau au moulin de certains congressmen américains pourtant jadis alliés des Libéraux au pouvoir qui ferraillent dur pour que l’administration Obama reprenne son Mca ? Tant la corruption et la concussion, disent-ils, sont érigées en mode de gouvernance au Sénégal (voir Sud d’hier, vendredi 25 mars). Et même s’ils sont tempérés par les administrateurs du Mca qui se félicitent des avancées sénégalaises en matière de bonne gouvernance, leurs voix sont à considérer.
Les initiateurs du projet de loi portant modification de l’article 29, en convoquant la « souveraineté nationale’ , trouvent eux, tout à fait « légitime » sept ans après, l’adoption de la loi 2004-09 de procéder à son évaluation. Même s’ils reconnaissent que celle-ci est tirée de la loi uniforme relative au blanchiment des capitaux, adoptée par le Conseil des ministres de l’Union économique monétaire Ouest africaine (Uemoa) sur proposition de la Bceao. Leurs arguments consignés dans l’exposé des motifs du projet peinent cependant à prospérer. D’autant plus que l’initiative, pour plusieurs observateurs, viole les procédures de modification des textes communautaires. En l’espèce, une telle modification devrait être soumise au Conseil des ministres de l’Uemoa qui déciderait de son adoption après consultation de la Bceao. L’exception nationale ne saurait être convoquée en la matière.
On apprend par ailleurs, de sources généralement bien informées, qu’aussi bien l’Exécutif que le Parlement appelé à voter le projet de loi, font l’objet d’une série d’interpellations jusqu’ici courtoises, mais fermes de la part de la communauté des bailleurs de fonds et des partenaires au développement soucieux de transparence et de bonne gouvernance. Ces derniers inviteraient les autorités à s’expliquer sur leurs soucis de contourner des dispositions communautaires relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux, que semble traduire leur projet de loi. Pour ces partenaires au développement, il est impérieux que le Sénégal se conforme aux dispositions communautaires qu’il a lui-même adoptées et ratifiées. Cela d’autant plus que celles-ci vont dans le sens d’une lutte contre la délinquance économique et financière qui ruine nos pays.
« Des arguties… »
En outre pour des hommes de l’art interrogés, les trois causes invoquées dans l’exposé des motifs du projet de loi sont « inopérationnelles ». Elles ne seraient pour eux, que simples arguties qui ne sauraient prospérer, notent-ils. Si en effet, pour la chancellerie, la décision de poursuivre dans le cadre de la loi anti-blanchiment est transférée à la Cellule nationale de traitement de l’information financière (Centif) conformément à l’article 29. Ce qui est « préjudiciable à une bonne conduite des affaires déférées » à la connaissance des parquets, souligne-t-il, il n’en est rien pour ces juristes consultés. Ils trouvent plutôt que le législateur « a souverainement dévolu le rôle de poursuivant au juge d’instruction qui ordonne, sous son contrôle, une enquête effectuée par les agents de l’Etat chargés de la détection et de la répression des infractions liées au blanchiment, en l’occurrence, les officiers de police judiciaire » (article 34 de la loi 2004-09 du 6 février 2004).
En ce qui concerne la compétence liée des parquets dont se désole la chancellerie, celle-ci est liée, soulignent nos consultants, à « la volonté souveraine du législateur qui en a ainsi décidé compte tenu de la spécificité de la matière qui relève du domaine économique et financier… » Secteur dont les représentants du peuple ont à cœur de défendre en raison de son caractère indispensable, voir vital pour nos pays. Il faut voir dans ce souci de protection, font observer nos experts, le fait « qu’en matière de délits douaniers, les articles 261 et suivants du Code des douanes (qui date de 1987 Ndrl), limitent le pouvoir d’appréciation du procureur de la République et même du juge d’instruction en leur faisant injonction de délivrer obligatoirement mandat d’arrêt ou un mandat de dépôt selon le cas aux personnes simplement passibles d’une peine d’emprisonnement, sans qu’il soit besoin de procéder à une
enquête pour asseoir leur culpabilité… »
Avouons que de telles dispositions sont autrement plus « liantes » que l’article 29 de la loi 2004-09 que l’on veut modifier coûte que coûte, qui laisse lui, le loisir au juge d’instruction de mener comme il l’entend ses investigations. Que dire maintenant des conditions contenues dans le Code douanier qui restreignent grandement la marge de manœuvre des magistrats en matière de main levée et de liberté provisoire ? En vérité, il apparaît pour nos juristes, « que la volonté de donner au procureur, le pouvoir exclusif d’apprécier la suite à donner aux rapports de la Centif est manifeste ».
« Présomption d’innocence… »
On peut lire dans l’exposé des motifs du projet que « l’obligation de poursuite instituée ne permet pas de recouvrir à des mesures d’instructions complémentaires, menaces aux libertés individuelles et incompatibilité avec la présomption d’innocence. Le risque de mise en détention provisoire dans sa formulation actuelle a privilégié la répression au détriment des droits garantis reconnus aux individus traduits devant les instances judiciaires… » Pour nos consultants, cette kyrielle de griefs faits à l’article 29 que l’on veut modifier, notamment en son alinéa 1, « ignore royalement et certainement à dessein, le fait que les pouvoirs d’investigation sont conférés au juge d’instruction qui instruit à charge et à décharge. C’est dire que les libertés individuelles, la présomption d’innocence, comme tous les droits et garanties reconnus aux personnes traduites devant les instances judiciaires sont sauvegardés par les mêmes dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale. Faut-il rappeler que la loi 2004-09 ne limite nullement les pouvoirs du juge d’instruction contrairement aux Codes des douanes ? »
Que dire de l’argument qui veut que « la limitation du droit de respect de la présomption d’innocence devrait résulter de la certitude et non du simple soupçon » ? Simplement, disent nos experts, « qu’une telle appréciation fait fi de la force probante attribuée par le législateur à l’alinéa 2 in fine de l’article 29 qui dispose que le rapport de la Centif fait foi jusqu’à preuve du contraire ». A noter que le document transmis au procureur de la République par la Centif est un rapport complet issu de l’exploitation par celle-ci d’une déclaration de soupçon émise par un assujetti.. Cette déclaration de soupçon n’est jamais transmise.
Par conséquent le rapport de la Centif porte sur des opérations qui mettent en évidence des faits susceptibles de constituer l’infraction de blanchiment et non sur les soupçons dont ni le procureur, ni le juge d’instruction n’ont connaissance. Il s’y ajoute contrairement à la raison invoquée dans l’exposé des motifs, la loi n’impose pas une obligation de poursuite, mais, affirment nos experts, « l’ouverture d’une information judiciaire sous la conduite du juge d’instruction… » En fait le Parlement est invité à absoudre de leurs crimes économiques et financiers, tous les délinquants à col blanc que compte la République.
sudonline.sn