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Le Plan Senegal Emergent : Faute D’une Bonne Valorisation Du Capital Humain, Ce Plan Est Voue A L’echec Et Ne Permettra Pas L’atteinte De L’emergence Qui Devient Un Concept Creux Et Folklorique  –  Par Dr Alboury Ndiaye

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Dans le cadre du financement de son développement, le Sénégal avait sollicité l’appui du Groupe Consultatif de Paris, pour mobiliser les ressources financières nécessaires à la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent. D’emblée, je salue l’idée de baliser et de planifier les voies d’une émergence économique pour notre pays, mais surtout de condenser le tout dans un document stratégique ; même si je déplore toujours le fait que ce travail ait été confié à un cabinet étranger au grand mépris de l’expertise locale.

En effet,  le Sénégal à l’instar de plusieurs pays africains, a fait de l’émergence son cheval de Troie, sans prendre l’impérieuse précaution de déterminer, avec rigueur et précision, les politiques et instruments à mobiliser pour atteindre l’objectif d’un développement porteur de richesses et de valeur ajoutée. Le risque c’est de perdre encore du temps et de l’énergie ou d’attendre un changement de régime pour voir la matérialisation des promesses tenues par l’actuel Président de la République. Parmi ses nombreuses promesses il y avait la création de 500.000 emplois pour les jeunes, mais aucun plan sérieux n’a été mis en place pour doper la création de ces fameux 500.000 emplois ; 3 ans après on est à des années-lumière du compte en effet. En Côte-d’Ivoire, par exemple le Président Alassane Ouattara a planifié la création de 1 Million d’emplois en 5 ans soit 200.000 emplois par année ; il a mis en place des mécanismes efficients qui lui ont permis de tenir sa promesse électorale. Son pays est une puissance industrielle dans la sous-région et ses résultats économiques lui permettent de créer autant d’emplois au profit de la jeunesse et du monde rural. Au Sénégal on met toujours la charrue avant les bœufs et il n’y a jamais la bonne personne à la place qu’il faut.

 

La Stratégie de Croissance Accélérée était un cadre de référence unique pour l’émergence du Sénégal. Cette stratégie avait pris le soin d’identifier cinq grappes de convergence ainsi qu’un plan d’actions chiffré et daté suivant un rétro-planning. Mais faute de volonté politique, la Stratégie Nationale de Développement Economique et Social n’a pas été appliquée à la lettre. C’est toujours au nom d’un fétichisme politique, qu’on invente des slogans creux tous les 6 mois.

Au demeurant, l’objectif du PSE est de faire passer la croissance à 7% par an, contre 3,3% en moyenne depuis 2006. C’est une véritable hérésie de penser que la simple augmentation du taux de croissance du PIB à 7% par an suffira à rendre le Sénégal émergent (il nous faut en effet, une croissance à deux chiffres pour nous développer). Cependant, le problème avec les indicateurs économiques de mesure du développement, c’est que les économistes et les prévisionnistes en sont satisfaits mais la ménagère qui va au marché le matin ne voit aucun changement dans son pouvoir d’achat.

De plus, sur le plan strictement  macroéconomique, il est urgent d’améliorer fortement la compétitivité et la productivité de nos industries, et de transformer en profondeur la structure même de l’économie en produisant et en exportant des biens manufacturés et des services à forte valeur ajoutée. Tous ces facteurs d’émergence n’ont pas été quantifiés avec des indicateurs clairs de suivi-évaluation. En effet, les politiques publiques n’ont de sens et de pertinence que lorsqu’elles sont suivies et évaluées avec des critères d’efficience et de performance.

Comme  rappelé  dans  le  document  de  présentation  dudit  plan,  la stratégie de croissance accélérée s’inscrit dans la démarche de notre pays qui a adopté, après la  mise  en  œuvre  de  deux  générations  de Documents  de  Stratégie  de Réduction  de  la  Pauvreté  (DSRP)  de  2003  à  2010,  une  Stratégie Nationale  de  Développement  Economique  et  Social  pour  la  période 2013-2017  (SNDES),  qui  constitue  le  cadre  consensuel  de coordination des interventions publiques.

Adoptée  en  novembre  2012  par  le  Gouvernement  et l’ensemble  des partenaires techniques  et  financiers,  cette  stratégie repose  sur  la vision d’un Plan stratégique dénommé : Plan Sénégal Emergent (PSE). C’est une excellente chose que le gouvernement se dote d’un Plan stratégique de transformation sociale et de développement, mais c’est dans la mise en œuvre que le bât blesse. Derrière la volonté politique affichée, il faut des femmes et des hommes outillés pour concrétiser la vision des dirigeants. Depuis 1960, nous avons le même problème, des plans il y en a une pléthore mais les résultats se font encore attendre.

En jetant, un regard rétrospectif et prospectif,  j’émets de sérieuses réserves sur la faisabilité  du  Plan  Sénégal Emergent, sur les ressources humaines en charge de sa mise en œuvre et sur sa véritable capacité à développer le Sénégal. En effet, que fait-on de :

  • L’horizon 2035 qui me semble bien trop loin
  • La Gestion axée sur les résultats comme le suggère la réforme des finances publiques sous la houlette de l’UEMOA, dans  une  double démarche  de  loi-programme pour  l’élaboration  et  le  vote  de  son budget et d’une déconcentration progressive de l’ordonnancement des dépenses publiques au profit des ministères techniques et des entités étatiques.
  • La  Bonne Gouvernance  des  ressources  publiques et la territorialisation des politiques : à ce titre  la mise en place de l’OFNAC est une chose à saluer mais les acteurs ne jouent pas le jeu, certains ministres ont traîné dans la déclaration de leur patrimoine ; sans qu’aucune sanction ne soit prise contre eux. Il y a en effet un problème de leadership et d’autorité.  Nonobstant, il faudrait peut-être réhabiliter le système national de planification et de contrôle en évitant le double-emploi avec la création frénétique des agences, des commissions en toutes sortes pour caser un personnel politique. La nomination de l’ancienne Ministre Mme Awa NDIAYE en est une parfaite illustration. Toutefois, il est urgent de clarifier et de préciser davantage les rôles et  responsabilités  de chacun des acteurs  dans  le  pilotage opérationnel de notre stratégie de développement.
  • Des freins socio-économiques et défis à lever pour une bonne mise en œuvre des politiques publiques.
  • Du FONGIP qui est encore une fois une excellente trouvaille, mais faute d’une trop grande politisation, ce fonds ne donne pas les résultats escomptés. Les financements se font en général sur des bases partisanes voire politiques. Nous avons vraiment du mal à mesurer la valeur ajoutée de cette agence et ses réalisations concrètes. Combien de financements ont été accordés pour combien de projets ? et quels sont les résultats obtenus ?
  • De l’ANPEJ qui était censée accompagner les jeunes  vers l’emploi durable mais en réalité il n’en est rien. Depuis sa création, le chômage connait une hausse frénétique, même si cette agence signe beaucoup de conventions de partenariat. Combien de jeunes ont été insérés réellement? L’ancienne ANEJ était bien plus efficace.
  • Du financement de l’entreprenariat des femmes entre folklore et gadgétisation. C’est bien d’accorder des millions de nos francs à tout va à une couche vulnérable comme les femmes en faisant venir des chanteuses et des laudateurs, mais c’est encore mieux de les accompagner dans l’ingénierie de projets viables et bancables avec des modèles économiques pérennes. Sans la mise en place d’une véritable structure dédiée à l’accompagnement de l’idée-projet au démarrage de l’entreprise, l’entreprenariat des femmes se résumera juste à un concept vide.

En définitive, l’émergence doit  tirer sa légitimité et sa substance  dans une approche holistique des choses c’est-à-dire une véritable totalisation des ressources, des compétences et des énergies pour servir la cause commune d’un développement inclusif. C’est d’ailleurs la mauvaise valorisation du capital humain, qui constitue l’un des principaux goulots d’étranglement du Plan Sénégal Emergent. Notre pays est surnommé la terre fertile des intelligences individuelles et collectives. Ces talents notamment ceux issus de la Diaspora ont des compétences variées dans le domaine de l’énergie, du management, de l’emploi des jeunes, de l’entrepreneuriat des femmes entre autres. Ces potentialités profitent aux pays occidentaux ou aux pays de la sous-région mais jamais au Sénégal.

Ce qui freine l’émergence du Sénégal c’est la logique politicienne dans la gestion des affaires publiques, on s’attache trop à l’écume et non au creux de la vague dans ce qu’elle a de plus dynamique. Nos institutions, nos ministères sont désincarnés et inefficaces, car à côté de la minorité qui travaille et qui apporte de la valeur ajoutée, se dresse une majorité de médiocres. C’est une petite caste politique d’«illuminés » dont la production journalière en quantité de travail est inférieure ou égale à zéro.

De plus,  notre mode de  reproduction  sociale  ne  participe pas à une vraie mobilité sociale et une évolution des carrières.

Le Plan Sénégal Emergent présente beaucoup de faiblesses qui, corrigées à temps peuvent mettre le pays sur les rampes de l’émergence. Le  PSE en l’état des choses ne développera pas le Sénégal.  Notre pays doit relever le défi du capital humain en rapport avec les prévisions de la Banque mondiale. Il faut créer selon la Banque mondiale 150 mille emplois chaque année au Sénégal pour pouvoir accompagner l’arrivée sur le marché du travail de jeunes sénégalais et sénégalaises.

Elu pour conduire le Sénégal vers le chemin du véritable développement économique et social  théorisé dans le «Yoonu Yokkuté», le Président Macky SALL peine véritablement à traduire ses engagements électoraux en actes concrets. L’ordre des priorités n’est pas le bon et il y a d’énormes problèmes et blocages dans la mise en œuvre. ERREUR DE CASTING OU DE MANAGEMENT?

 

Dr Alboury NDIAYE

Lauréat National du Concours Talents des Cités en France

Spécialiste en intelligence économique et sociale

[email protected]

 

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