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Le PPP, de la potion magique d’Abdoulaye WADE au miroir aux alouettes de Macky SALL?

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Abdoulaye Wade a pu compter sur le Partenariat Public Privé (PPP) pour lancer de grands travaux comme la construction de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio. Macky SALL doit se rendre compte que ce qui fut une potion magique pour le lancement des chantiers de Wade, finira en miroir aux alouettes pour lui, s’il ne s’entoure pas d’une Task-force capable de tenir tête aux acrobates juridico-financiers des géants du BTP. Si l’Etat ne s’arme pas, Le PPP deviendra une fertile poule aux œufs d’or pour les concessionnaires, et une bombe à retardement pour le contribuable et nos finances publiques.

Le PPP, outil d’efficacité ou privatisation déguisée ?

Avec le PPP, l’Etat et les collectivités locales  s’associent à une entreprise privée pour concevoir, réaliser ou exploiter un service public. Après les anglais, les grands groupes français du BTP, notamment Eiffage, Bouygues et Vinci, ont promu le PPP et signé des centaines de contrats de concession avec des Etats et des collectivités publiques.  Le Sénégal a adopté ce régime de concession  en 2004, en même temps que le France (Coïncidence de calendriers, effet lobbying ou mimétisme ?)
La formule est attirante dans sa présentation. Mais les conseillers des géants du BTP ont l’art d’y glisser des clauses dissimulées et des charges indétectables à l’œil nu, qui transforment le rêve étatique en cauchemar pour le contribuable. En effet, si la note est vierge au départ, elle se corse progressivement  et reste amère jusqu’à 20, 30, voir 40 ans. Qui plus est, le transfert des risques se fait des caisses de l’Etat aux poches du contribuable. Car le concessionnaire se fera toujours payer les risques qu’il a supportés, par une imputation aux charges de gestion ou une augmentation des tarifs.

L’Etat justifie le recours à ce système par une meilleure prédisposition des entreprises privées à piloter ses grandes réalisations, face à la lourdeur des rouages publics. Mais si la rigidité des règles  de gestion publique génère de l’inefficacité, la solution doit être recherchée dans la modernisation des procédures et non dans la démission de l’Etat au profit du privé. A force de recourir au PPP, l’Etat risque de privatiser la gestion des affaires publiques. Si cela s’avère nécessaire, il faudrait tout de même  veiller à préserver les intérêts de la nation.

Du crédit hypothécaire  au bail emphytéotique : Le PPP offre des subprimes sûres

Après la crise des marchés financiers provoquée par Lehman Brothers, et celle du marché immobilier hypothécaire, plusieurs grosses pointures de la finance et de l’investissement privé ont été  réprimandées par  la justice, les agences de régulation et de notation,  pour avoir joué un rôle dans le désastre des subprimes. Ces crises ont amené les grandes sociétés immobilières à se tourner vers des investissements rentables et sans risque ; à troquer l’hypothèque contre l’emphytéose. Ils se sont rués vers les grands ouvrages publics : autoroutes, Ponts, Ports, aéroports, hôpitaux, été…Le PPP devient l’alternative aux subprimes. Il permet aux concessionnaires de faire passer le poids de leurs créances du portefeuille des particuliers aux finances publiques ; de l’insolvabilité des emprunteurs individuels à la garantie des pouvoirs publics. Dans cette nouvelle orientation, l’Afrique est un eldorado pour des investissements à rendement certain. Mais en envahissant le marché africain par le procédé du PPP, ils éliminent de la concurrence les entreprises africaines. Avec leur puissance financière, leur lobbying diplomatique et professionnel, les appels d’offres publiques deviennent de simples formalités avant que les marchés ne leur soient attribués.

Pour l’Etat et ses administrés, le mal demeure. Il est juste étalé sur des décennies. Là où les crédits immobiliers pourris entraînent  la faillite directe des usagers de services bancaires, le PPP provoque la déconfiture progressive des usagers et l’endettement structurel de l’Etat. En effet, les loyers dus aux entreprises sont bien des dettes.  Les occulter dans le budget de l’Etat fausse la sincérité des nos finances publiques et peut avoir de graves conséquences sur notre stabilité socio-économique.

L’Etat doit mettre en place une Task-force pour tirer un bon tribut du PPP

Pour minimiser ses charges et maximiser ses profits, le concessionnaire insère dans le contrat de concession des clauses lui permettant de refuser de précéder aux réparations des dégradations de l’ouvrage ; de facturer très cher les réparations qu’il effectue ; et d’interdire à l’Etat ou la collectivité publique de faire jouer la concurrence pour réaliser de nouveaux aménagements. Ces clauses déséquilibrent le contrat en leur faveur.

La loi sénégalaise du 1er mars 2004, qui encadre le régime juridique du Partenariat Public Privé (PPP), doit être revisitée pour imposer un plancher de protection des intérêts publics dans la rédaction des contrats de concession.

Alors que le privé s’est bien armé pour tirer son épingle du jeu, les Etats peinent à mettre en place des équipes-projets expérimentés pour bien lire entre les lignes des clauses contractuelles.  En Angleterre où le PPP (Private Finance Initiative) a été initié, plus de la moitié des hôpitaux construits en PPP ont subi des déficits budgétaires. En France beaucoup de PPP ont été remis en cause. Eiffage a connu des différends dans le cadre d’un important PPP qu’il a signé pour le financement, la construction, la maintenance et l’exploitation  d’un hôpital en région parisienne. Malgré le montant faramineux du marché, la gestion et la la maintenance de l’hôpital ont fait l’objet de contestations quelques mois après son ouverture.

L’Etat sénégalais gagnerait à mettre en place une Task-force spécialement formée dans la négociation, le suivi et l’audit des contrats de PPP. C’est exactement ce que font les grandes sociétés européennes bénéficiaires de concession. Ils font appel à l’expertise d’agences spécialisées dans le lobbying et les groupes de pression, qui s’activent pour leur permettre d’obtenir des PPP et d’en tirer le maximum de profit. Pour que le PPP soit un procédé contractuel gagnant-gagnant pour la puissance publique, le privé et surtout l’usager, l’Etat doit emprunter les méthodes des grands groupes capitalistes. Quand on fait un duel contre un cow-boy, il faut un colt, pas des prêches.

Aliou TALL
Président du RADUCC (Réseau Africain de Défense des Usagers, des Consommateurs et du Citoyen)
Email : [email protected]

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