Ndiaga Loum, professeur titulaire au Département des sciences sociales à l’UQO et responsable du programme de doctorat en sciences sociales appliquées, était avec l’ancien juge à la Cour Suprême du Canada, Clément Gascon, conférenciers invités par l’association pro Bono de la Faculté de droit de l’Université de Montréal le 9 septembre 2021.
La thématique générale portait sur l’accès à la justice en 2021, et c’est l’expertise et l’expérience des conférenciers qu’on leur demandait de partager sur cette question générale et actuelle.
Comme le précise la lettre d’invitation adressée au professeur Ndiaga Loum : « Compte tenu de la richesse de votre expérience professionnelle, ce serait un véritable honneur de vous compter parmi nos invités. Nous sommes convaincus que nos étudiants pourraient grandement bénéficier de votre expertise ».
Le professeur Loum s’intéresse entre autres au droit international et aux crises humanitaires. Il a collaboré en tant qu’expert avec plusieurs organisations internationales. En préambule à son intervention, il a précisé que si sa conférence devait avoir un titre particulier, ce serait « Itinéraire d’un théoricien du droit confronté à la réalité quotidienne des praticiens du droit ».
Cette précision est d’autant plus importante pour lui, qu’à chaque occasion, il a pu se rendre compte du décalage qu’il y avait entre les présupposés théoriques et la réalité sur le terrain.
Évoquant par exemple, son expérience de collaboration avec le tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie (TPIY), Ndiaga Loum a précisé qu’il s’y était rendu après avoir effectué un travail de recherche critique sur cette institution : « L’hypothèse que je cherchais à mettre le plus en évidence fut que moins pour sanctionner des auteurs de violations du droit humanitaire, il s’agissait plus de construire un symbole, en créant une institution, qui, par sa dimension internationale, voire universelle, traduirait l’idée de droit postulée à cor et à cri par les nouveaux tenants de l’ordre international issu de la période de l’après-guerre froide ».
Mais sur le terrain, dit-il, « j’ai pu voir des praticiens passionnés et compétents, sourds aux bruits critiques qui dénonçaient l’impartialité d’un tribunal sous ordre et seulement préoccupés par l’idée de rendre justice à des victimes de violations humanitaires, dans la stricte limite des compétences préalablement définies par des textes qui étaient leur seule boussole ».
Il en est ainsi de son expérience en tant qu’expert au sein de la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples. Dans ce dernier exemple, « j’ai pu voir comment l’ampleur de la tâche dévolue par la Charte des droits de l’Homme et des Peuples de l’Union africaine contrastait avec la modestie des moyens dont disposait cette institution pour rendre justice aux victimes de violations de droits humains en Afrique ».
Le professeur Loum dit être surpris de voir la légitimité d’une institution dévouée à la promotion et à la protection des droits des personnes, être contestée autant par les États qui étaient « ses géniteurs » que par des ONG de défense des victimes : « les premiers lui reprochaient d’être à la solde des ONG, surtout celles occidentales qui la finançaient; les seconds lui reprochaient d’avoir un pouvoir de sanction faible et hypothétique parce que dépendant finalement de la bonne volonté des chefs d’État ». « Je disais aux collègues juristes trouvés sur place qu’ils devaient garder bonne conscience, car les reproches contradictoires de 2 camps qui se regardaient en chiens de faïence étaient finalement la preuve de leur volonté de rester indépendants dans le cadre de travail ».
Bref, conclut le professeur Loum, et à la lumière de ses expériences, « il est clair, et c’est important à souligner de mon côté, que j’aborde toutes ces questions à la fois avec l’œil « idéal » du juriste, mais aussi et surtout avec les lunettes réalistes du politologue qui mesure la distance entre les principes énoncés et leur applicabilité plus que problématique sur le terrain ». Il a été ensuite été interpellé sur diverses questions telles que l’égal accès aux ressources pour les populations africaines face l’exploitation des multinationales et pays du Nord, l’encadrement légal des questions environnementales, la position du Canada dans les crises humanitaires et notamment sur la nouvelle situation en Afghanistan.
Sur la question de l’encadrement juridique des questions environnementales, le professeur Loum a répondu qu’on est dans un « chantier ouvert où tout est en gestation et il n’y a rien de juridiquement solide et fiable sur le long terme, parce que le temps du droit, le temps des militants environnementalistes et le temps des États, surtout les plus forts et les plus polluants, ne concordent pas ».
Il a cité l’exemple d’une recherche menée par une étudiante, Crystal Vincent-Boulay, en maitrise en études de développement de l’UQO, menée sous sa direction, sur la question du vide juridique qui affecte le statut des « réfugiés climatiques ».
Uqo.ca
Le professeur Loum participe à une conférence avec l’ancien juge à la Cour Suprême du Canada, Clément Gascon
Date: