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Le « soukeurou koor », une tradition devenue une corvée pour les familles

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Le « sukeurou koor » (don de sucre durant le Ramadan) est une coutume bien de chez de nous. Cette pratique, au-delà de son importance dans la consolidation entre les couples et leurs belles-familles ou entre voisins, constitue une dépense supplémentaire pour les familles frappées par la cherté du panier de la ménagère.

Le ramadan n’est pas seulement ce mois béni où les fidèles rivalisent de piété et de changements de comportements. C’est aussi une grande occasion, pour certains couples, de gagner la faveur ou l’estime de leurs belles-familles. Certains ne lésinent pas sur les moyens pour donner du «sukeurou koor» à la famille de leur partenaire. Tous les moyens sont bons pour se racheter ou se faire accepter au détriment des ménages qui continuent de crouler sous le poids de la conjoncture. Cette pratique ou recommandation constitue un casse-tête sénégalais pour certains ménages, qui peuvent se fragiliser au point de voler en éclats. Mme Sène en est consciente.

Trouvée au marché de Castors, cette jeune mariée, au teint d’ébène et de forte corpulence, aux formes généreuses bien moulées dans son ensemble «wax» marron, ne cache pas son inquiétude : «C’est le mal de nos ménages. Je fête mes deux ans de mariage. Pour gagner la sympathie de ma belle-sœur, je suis obligée de m’acquitter de ce «devoir». Le sentiment de Mme Sène en dit long sur le calvaire des jeune dames, sujettes aux moqueries le plus souvent, pour n’avoir pas pu se conformer aux exigences des règles coutumières, de la part de leur belle-famille. «C’est comme une charge. On ne se sent pas à l’aise tant qu’on n’a pas donné le « sukeur koor ». Dans le cas contraire, on est victime de piques de toutes sortes», ajoute Mme Sène.

Une pratique qui gagne le milieu professionnel

Une pratique bien ancrée dans la coutume sénégalaise, le «sukeurou koor» est, de l’avis de certains, un facteur qui fragilise bon nombre de couples. C’est la conviction de Ndèye Fall, vendeuse de poissons au marché de Castors. «J’ai vu des couples voler en éclats à cause du « sukeurou koor ». J’ai une amie qui risque de perdre son mari à cause de cela. Du temps où elle en avait les moyens, elle donnait le « sukeurou koor » à sa belle-famille. Mais, il ya deux ans de cela, elle n’a pas pu le faire. Depuis lors, son ménage bat de l’aile. Sa belle-famille la taxe toujours de mesquine et cherche à la séparer de leur fils», s’indigne-t-elle, jetant de temps à autres des regards sur les passants. Et d’appeler à la compréhension des parents : «La vie est dure. Les charges sont énormes pour nos époux. On double nos dépenses en ce mois béni sans oublier la korité qui s’approche à grands pas». Le «sukarou koor» n’étend seulement pas ses tentacules de dénuement et de surcharge de la facture dans les ménages, mais aussi elle fait «escale» dans les services.

Cette pratique a fini de gagner le milieu professionnel. Dame Guèye, agent comptable, trouvé devant le siège de sa société, dit toute son indignation : «Les femmes envahissent notre entreprise. Elles nous harcèlent vraiment. Chaque jour, elles nous fatiguent avec ces histoires de « sukeurou koor ». Parfois, il m’arrive de fuir le lieu car on ne peut pas passer tout le temps à donner. On a des urgences». Son ami, Ass Ndiaye, renchérit : «C’est dur. Il faut que les gens sachent que le « sukeurou koor » n’est pas une obligation. Donc il ne faut pas trop en faire une fixation».

Bien que pratique en déphasage avec la modernité ou les priorités actuelles du marché pour certains, le «sukeurou koor» demeure tout de même un élément fédérateur des familles. C’est le sentiment de Bassine Diaw, vendeuse de friperie au marché de Castors. «Il participe au raffermissement des liens entre les jeunes couples et leur belle-famille. C’est juste une hospitalité. Cela signifie aussi qu’il ne faut pas aller au-delà de ses moyens», explique la vendeuse, tricotant sous son parasoleil. Elle ajoute que ce mois exige des sacrifices. «On doit profiter de ce mois. On multiplie nos bons actes par dix. Par le « sukeurou koor », l’individu cherche à payer sa dette morale à sa belle-famille car il lui a pris un de ses membres. Des propos corroborés par Ndèye Astou Thiam, habitante du quartier populeux de Grand-Dakar. «Personnellement, je n’y vois pas d’inconvénient. Cela fait partie de nos coutumes. On doit profiter pleinement de ce mois. C’est dur, mais c’est juste un mois sur 12», lance t-elle. Quant à Imam Ndiaye, il estime que «c’est juste une coutume entre frères musulmans. C’est une manière, une façon de rendre hommage à un parent, à un frère, à un voisin ou à sa belle-famille». Mais, ajouet-t-il, «ce n’est pas une sounna. Cela n’était pas pratiqué du temps du prophète. Peut-être que même nos voisins de la Muaritanie ne connaissent pas ce qu’est le « soukeur koor » qui se limite au Sénégal». Et il renchérit : «On n’oblige personne à faire ce qu’il ne peut pas. Même l’Islam ne l’impose à personne, à plus forte raison la coutume».

Idrissa SOW (stagiaire) lesoleil.sn

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