XALIMANEWS: Alioune Tine sonne l’alerte suite au décès d’Idriss Deby Itno hier, mardi 20 avril. Dans une interview accordée à Sud Quotidien, le Fondateur D’Afrikajom Center appelle l’Union africaine et la Communauté internationale «à se mobiliser sur la situation au Tchad pour éviter le pire». Selon l’ancien Président de la Raddho, ancien Président du Comité Sénégalais des Droits de l’Homme et ancien Directeur Régional d’Amnesty international, les conséquences de la mort de Deby «pourraient être lourdes pour la paix, la sécurité et la stabilité du G5 Sahel et les pays de la région du Bassin du Lac Tchad».
Le Président Idriss Deby Itno qui arrivait au pouvoir en 1990 suite à un coup d’état est mort au front. Quelles peuvent être les Conséquences dans la sous-région dans la lutte contre les Djihadistes ?
Au Tchad, la succession au pouvoir se fait par la force des armes, et on garde le pouvoir aussi par la force. Les élections et le suffrage universel, un rituel et une formalité pour «habiller la légitimité du pouvoir». Idriss Deby avait pris le pouvoir à partir de la Lybie soutenu par la France. Aujourd’hui, il est mort au front un jour après son élection à la présidentielle avec près de 80% des voix. Les conséquences de sa mort pourraient être lourdes pour la paix, la sécurité et la stabilité du G5 Sahel et les pays de la région du Bassin du Lac Tchad qui regroupent, le Tchad, le Nigeria, le Cameroun, le Niger et le Bénin. C’est connu, les militaires tchadiens sont parmi les plus aguerris et les plus professionnels de la sous-région avec une connaissance du terrain et des méthodes de lutte contre-terroristes. Leur efficacité est légendaire. Le premier réflexe des membres du Comité Militaire de la transition est de conserver le pouvoir pour le camp par un coup d’Etat qui coupe l’herbe sous les pieds du Président de l’Assemblée Nationale désigné par la Constitution pour assurer l’intérim. Avec le Couvre-feu de 18h à 5h du matin et la fermeture des frontières aériennes et terrestres le souci des autorités militaires est d’abord la sécurité intérieure. Est-ce que ce souci pourrait avoir comme conséquences le retrait des troupes au Sahel et dans les pays de la région du Bassin du Lac Tchad, c’est la question que tout le monde se pose.
Après la disparition de Kadhafi, c’est Idriss Deby qui perd le pouvoir dans des conditions tragiques. Faut-il craindre le basculement vers le chaos ?
L’assassinat de Kadhafi et la déstabilisation de la Libye ont créé les chaos dans et la dégradation de la sécurité dans tout le Sahel et la menace djihadiste qui se répand comme un feu de brousse. Il faut absolument éviter le chaos au Tchad, c’est la recommandation que j’en fais au Continent africain et à la communauté internationale. Car, le chaos au Tchad créerait une dégradation généralisée de la sécurité sur tout le continent. Ce ne serait pas non plus la sécurité pour le reste du monde.
Qu’adviendra-t-il du G5 Sahel avec la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad?
Les militaires tchadiens sont un soutien indispensable au G5 Sahel, ils font un travail efficace avec Barkane dans la zone des trois frontières entre le Niger, les Mali et le Burkina Faso où les attaques djihadistes étaient fréquentes et particulièrement meurtrières.
Que pensez-vous de la mise en place du Conseil militaire de Transition (CMT) de 18 mois, présidé par le général de corps d’armée Mahamat Idriss Déby, 37 ans, fils du défunt. D’aucuns l’assimilent à un coup d’état ?
Ce qui s’est passé avec la prise du pouvoir par le Comité militaire de transition est un coup d’état en bonne et due forme, classique maintenant avec le Togo après Eyadema, la RDC après Kabila et aujourd’hui le Tchad. Le CMA, dirigé par le fils de Idriss Deby, le général Mahamat Idriss Deby a dissout le gouvernement et l’Assemblée nationale. Comme c’est Deby qui rendait un grand service, on n’ose pas condamner ce changement inconstitutionnel, ni exiger un retour à l’ordre Constitutionnel. Personne n’avait trouvé à redire sur les risques que constituait ce 6ème mandat de Deby dans un contexte de défis démocratiques, de contestations et de mécontentement généralisé au Tchad. En politique, en Afrique, la banalisation du mal risque de nous coûter cher. Ce qui s’est passé au Tchad c’est exactement cette qui s’est passé au Mali. Les conséquences des pathologies de la démocratie, des crises des élections et du suffrage universel qui créent des impasses politiques qu’on croit pouvoir «corriger» par des coups d’état militaire. Au Tchad, on est entré dans une nouvelle ère d’incertitude. L’Union Africaine soutenue par la communauté internationale doit se mobiliser dès maintenant sur la situation au Tchad pour éviter le pire.