On fatigue. Non pas à suivre et à comprendre les démarches présidentielles, à subir les foudres du chef de l’Etat qui, pour un oui, pour un non, pour un peut-être, laisse éclater sa colère, le plus souvent devant les caméras de la télévision qu’il convoque. Cette colère dont on ne sait jamais si elle est feinte, de circonstance ou réelle. Allez savoir ! A le voir se défausser de façon récurrente sur la presse, l’opposition, la société civile et sur les partenaires au développement, anciens pays amis devenus circonspects sur sa gouvernance. A observer ses retournements spectaculaires, à marcher au rythme de sa cadence pressée et de ses Très grandes idées (Tgi). Mais bien plus, à corriger et à mettre à l’endroit ce qui n’est en réalité qu’à l’envers avec lui. Depuis 2000, les Sénégalais s’évertuent à donner un contenu rationnel à des actes et actions présidentiels. On tente vaille que vaille à trouver une logique « intelligente » aux allures déroutantes du président de la République, à ses prospects biscornus, même si on admet, comme pour mieux corriger l’irrationalité de ses agissements qu’il est iconoclaste, un président à part…, un chef d’Etat hors norme.
Il est fort probable que de tels procédés ainsi que la profusion des idées, toutes les dix minutes, qui les suscitent, s’ils étaient le fait de n’importe qui d’entre-nous, conduiraient l’auteur devant un psychiatre si ses parents en avaient les moyens ou le marginaliseraient assurément. Mais il s’agit ici du premier d’entre nous par notre propre volonté exprimée le soir du 19 mars 2000. Alors, comme les peuples ne se trompent jamais, il leur revient de trouver entendement raisonnable à leur gouvernance même si celle-ci n’est point rationnelle ou ne renvoie pas à la rationalité.
Cependant, on se lasse vite à trouver logique ce qui ne l’est point. Il en est de ce énième remaniement du gouvernement dit de l’alternance opéré hier, jeudi 24 juin, alors qu’un réaménagement avait été déjà opéré il y a une semaine. Quelle est la logique qui prévaut à sa survenue ? On a beau chercher, se triturer les méninges, on peine à trouver. Pourquoi avoir remercié Me El Hadji Amadou Sall, l’éphémère ministre d’Etat, Garde des sceaux, ministre de la Justice une semaine avant cette nouvelle restructuration gouvernementale ? Quel était le signal qu’on voulait envoyer ? A qui ? Pourquoi ? Cherchait-on à prouver qu’on le limogeait que l’on ne s’y prendrait pas autrement ! Le hic c’est que l’opinion tarde elle, à connaître de la faute.
Quel est l’objectif en outre, de ce réaménagement gouvernemental ? S’agit-il d’un gouvernement de campagne électorale à moins de 18 mois d’une présidentielle…de trop ? Si oui, où sont les « porteurs » de voix, les ténors régionaux ou départementaux du Pds, même si les quelques responsables libéraux qui sont déjà dans l’attelage n’ont pas été remerciés ? Tous semblent avoir été « recadrés » ou ont vu leurs départements respectifs retaillés. Qu’en est-il du retour de Idrissa Seck à la maison du père ? Pourquoi n’a-t-on pas fait place à ses partisans dans ce gouvernement si tant est qu’il s’agit d’une équipe commando pour la présidentielle de 2012 ?
Gouvernement pléthorique au moment où le chef de l’Etat lui-même caressait l’idée d’un dégraissage de sa fonction publique. Où sont les femmes de Wade ? Pourquoi ne sont-elles qu’une douzaine de membres dans un gouvernement qui en compte 42 en comptabilisant le Premier ministre ? Qu’en est-il de la parité « wadienne » prétexte tout trouvé à ce remaniement ? On s’attendait en effet à l’arrivée des deux sociologues et théoriciennes du Genre, que sont Fatou Sarr et Mariama Touré épouse Thiam qui envers et contre toutes ont ferraillé pour la parité du chef au sein de l’opinion nationale.
Leur cooptation au gouvernement aurait mis en relief la préoccupation « paritaire » du chef de l’Etat et son combat pour l’émancipation féminine. A leur place d’illustres inconnues qui devront tout certainement à celui par qui tout commence et tout finit.
Quelle valeur ajoutée celles qui ont été cooptées ou (re)ramenées au gouvernement apportent-elles ? Celles qui sont connues du grand public comme Awa Ndiaye, Innocence Ntap gardant leur grade de ministre d’Etat glané depuis longtemps, peinent à se faire nom et une autorité dans leur propre formation politique, le Parti démocratique sénégalais (Pds) et à marquer leur territoire aussi bien dans le pays que dans les sphères de l’Etat. Elles ne sont même pas considérées comme des égéries de la Génération du concret, même si elles doivent leur ascension à la proximité avec le fils Wade, avance-t-on dans les milieux avisés. On s’attendait dans ce souci affiché du président de la République de faire la promotion de la femme au retour au moins de Aïda Mbodj, la mairesse de Bambey et vice-présidente à l’Assemblée nationale. Celle-là, on peut tout lui reprocher, mais on ne peut lui dénier le droit d’avoir marqué son territoire aussi bien dans son département d’alors, le ministère de la Femme, éclaté désormais en quatre pour faire de la place qu’au niveau du Pds qu’elle a rejoint même si c’est à la vingt cinquième heure. Elle aura remis fermement à leur place quand elle était aux affaires dans le gouvernement ceux et celles tapis jusqu’au palais qui ont tenté de la domestiquer, de la mettre au pas. Son retour aurait été un signal fort encourageant pour les femmes.
Qu’est-ce qu’un ministère chargé de relations avec les associations féminines africaines et étrangères ? Une nouvelle loufoquerie libérale sûrement ! Que dire d’un ministère du Travail sans l’emploi et la fonction publique ? Sinon que le saucissonnage du département de Diakaria Diaw pour faire place à Innocence Ntap risque de dérouter un peu plus et énerver davantage, le monde du travail où la révolte couve. En ramenant au gouvernement celle qui a été épinglée par les audits de l’Armp, Me Wade monte-t-il d’un cran dans sa défiance contre les donneurs de leçons de bailleurs de fonds et de la société civile sur la bonne gouvernance ? Quatorze ministres d’Etat, soit le quart des membres du gouvernement et autant à la présidence de la République, Pape Samba Mboup devrait pousser une gueulante plus forte pour se faire entendre du maître des céans qui trouve lui, que Samuel Sarr a sorti le pays de l’ornière des coupures électriques et des ruptures énergétiques. L’homme arbore désormais fièrement en tout cas son grade de ministre d’Etat.
Quid des directeurs ou responsables libéraux de sociétés publiques ou parapubliques logés à la même enseigne comme Babacar Ndao, l’ancien patron de l’Office national de l’assainissement (Onas), nommé ministre des Ecovillages,-c’est quoi même !Me Wade dans sa grande vision et dans son immense esprit d’anticipation semble ainsi devancer et de loin, les collègues académiciens de Rufin qui n’ont pas encore répertorié le mot et ne l’ont pas fait inscrire par conséquent dans le dictionnaire,- ; Mamadou Kane Diallo le limogé du Cosec qui trouve refuge au palais, véritable repaire d’anciens ministres et anciens directeurs ? Quel est le signal que le chef de l’Etat a voulu envoyer en les nommant ? Est-ce à dire que désormais pour être ministre de la République, il faut soit brûler le drapeau national, soit brûler les pneus, immobiliser la circulation, indisposer ses concitoyens et s’exprimer devant des micros tendus avec complaisance ? N’est-ce pas Babacar Ndao qui a refusé de passer service à son remplaçant et dont des individus se réclamant de son camp ont brûlé des pneus à Grand Yoff et bataillé avec les forces de l’ordre des heures durant ? A Ndioum où l’on a compris et adoubé le procédé : on a aussitôt soufflé le chaud et menacé ouvertement de représailles le pouvoir au départ du Cosec de Kane Diallo, résultat : il est désormais ministre conseiller auprès du président de la République. On en est point à une incohérence et à une reddition près !
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