A l’évidence, quelque chose a changé. La vacillation ou l’effondrement l’une après l’autre des dictatures arabes change non seulement la donne géopolitique mais offre désormais aux peuples des autres pays empêtrés dans les mêmes galères et les mêmes souffrances, une formidable perspective. Du Maghreb au Machrek, des chefs d’Etats qui jusqu’ici muselaient leurs oppositions, privaient leur peuple de liberté et dirigeaient dans la terreur, tombent comme des châteaux de cartes. Même les si discrets peuples chinois et saoudiens semblent aujourd’hui tentés par ces mouvements.
Ces révolutions sont symptomatiques du chamboulement qui touche le monde depuis que les réseaux sociaux et les nouveaux medias se développent à une vitesse éclaire. Ils se nomment : Facebook, Twitter, Youtube, Google où encore Wikipedia… Et ils ont pour particularité d’être pour la plupart américain. D’où la question : ces mouvements ne symbolisent t-ils pas le triomphe de la technologie culturelle made in USA ? Répondre ‘’oui’’ est très tentant.
Comprenant mieux que quiconque le rôle que pouvait jouer la culture dans leur volonté de dominer le monde, l’Amérique a toujours misé sur elle. Si hier l’Amérique triomphait grâce à ses industries musicales et cinématographiques, aujourd’hui, elle est entrain de récolter les fruits d’une révolution qu’elle était presque seule à envisager et à préparer : internet et numérisation.
Au moment où le monde dissertait sur l’hégémonie culturelle étasunienne, Les ingénieurs de la Sillicon Valley préparaient selon l’expression de l’écrivain Olivier Poivre d’Arvor, l’américano-universelle du monde. Autrement dit le règne d’un monopole américain. Accroissement des capacités de stockages, progrès des débits des réseaux et de la compression, Paiement en ligne, développement des réseaux sociaux rien n’est laissé au hasard. Résultat : en 20 ans l’industrie du divertissement et de la culture est devenue un marché mondial dont le chiffre d’affaires, avoisinerait 800 milliards d’Euros.
Hollywood est certes toujours triomphant, mais Palo Alto a fourni à l’Amérique d’autres armes encore plus puissantes pour gagner ce qu’on appelle le soft Power.
Indéniablement, ces révolutions dans le monde arabe n’ont pu voir le jour que grâce à la révolution numérique. Entre, le rêve que vend Hollywood et l’évasion qu’offre la toile, la liberté, la démocratie, la justice, ces mots qui sonnaient comme un mirage dans les oreilles des égyptiens ou tunisiens sont devenus tout d’un coup envisageables.
De Tunis à Douala, les jeunes du tiers monde avec facebook par exemple vivent à quelques différences comme leurs copains de New-York ou de Londres et lorsque cette vie ne leur est pas accessible : ils en rêvent !
Dés lors, il n’était pas étonnant que les réseaux sociaux aient été la cocotte minute de la rue arabe. Le lieu où tout a été ficelé. Les dates de marches, les mots d’ordres, les itinéraires, tout a été minutieusement élaboré via internet. Les autorités, les observateurs, les analystes personne n’a rien vu venir.
C’est via internet aussi qu’au Sénégal, le collectif ‘’ Y’en A Marre’’ a lancé son mouvement. Une initiative à saluer, à encourager et à accompagner. Elle ne vise pas à stigmatiser mais plutôt à dire stop à un Etat en dérive. Un Etat incapable d’apporter des solutions aux problèmes de ses administrés. Ne parlons même pas du problème de l’énergie qui semble plus complexe qu’il n’y parait, mais parlons des désespérés qui s’immolent devant le palais présidentiel, parlons du train de vie dispendieux de l’Etat, parlons des accidents insupportables de la route, conséquence de la corruption généralisée. Empêtré dans des affaires jusqu’a en oublier le fameux contrat social qui le lie à ses administrés. Aussi, il s’agit d’interpeller tous les politiques et tous leaders sénégalais sur la marche plus que boiteuse du pays. Il est clair qu’il existe une relative stabilité (un bienfait que nous devons pour beaucoup à nos guides religieux et à notre armée nationale), néanmoins à force de dormir sur ses lauriers, le Sénégal se dirige jour après jour vers un gouffre d’où il sera difficile de revenir.
L’exemple de la Cote d’Ivoire est patent. Elle s’est installée dans ce gouffre depuis maintenant plus de 20 ans. L’instabilité politique suite à la disparation de Félix Houphouët Boigny a fait place dans les années 2000 à une rébellion chronique et le pays peine à retrouver le chemin de la paix. Le départ de Gbagbo annonce une étape de plus. Conduira t-elle à la paix définitive ? Il faut l’espérer mais rien n’est moins sur…
Nelson Samory