Les femmes vêtues du voile islamique intégral dans l’espace public en France sont désormais passibles d’une amende, en vertu de la loi interdisant la dissimulation du visage entrée en vigueur lundi, même si les policiers estiment qu’elle sera très difficile à appliquer.
Avec l’entrée en vigueur de cette loi, adoptée le 11 octobre 2010 après un débat houleux, la France est le premier pays européen à procéder à cette interdiction généralisée.
La loi interdit de se dissimuler le visage -avec un voile, un casque ou une cagoule- dans l’espace public, c’est-à-dire la rue, les jardins publics, les gares ou les commerces.
Si les forces de l’ordre n’auront pas le pouvoir de faire ôter leur voile aux personnes récalcitrantes, ces dernières encourent une peine maximale de 150 euros d’amende et/ou un stage de citoyenneté.
Cela n’a pas dissuadé Kenza Drider, 32 ans, une femme portant le niqab, qui a pris le train devant les journalistes lundi matin pour Paris en gare d’Avignon.
La jeune femme, qui s’est défendue de toute «provocation», a affirmé ne faire que défendre sa «liberté d’aller et venir» et sa «liberté religieuse» et s’est dite prête à déposer «un recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme» si elle était verbalisée.
Cette loi concerne moins de 2 000 femmes en France, un pays qui compte selon les estimations entre quatre et six millions de personnes de «tradition musulmane», soit la plus importante communauté d’Europe.
De nombreux musulmans sont opposés à cette loi, qui a été accusée de stigmatiser toute une communauté. Toutefois le Conseil français du culte musulman, organe représentatif de l’islam en France, estime que le voile intégral «correspond à une lecture extrémiste, littéraliste du Coran, pas à une obligation religieuse».
Lundi matin, deux femmes en niqab et plusieurs sympathisants ont été interpellés à Paris, pour participation à une manifestation non autorisée.
«Aujourd’hui il ne s’agissait pas d’interpeller ces gens sur la base du port du voile. C’est le bien non respect de la déclaration de manifestation», qui est la raison de l’interpellation, a expliqué à l’AFP Alexis Marsan, commissaire responsable de l’ordre public.
Pour le secrétaire général adjoint du Syndicat des commissaires de police, Manuel Roux, la loi sera de fait «infiniment difficile à appliquer et infiniment peu appliquée».
Face à une femme voilée, les policiers vont «faire de la pédagogie», «essayer de la convaincre», mais si elle refuse d’enlever son voile «c’est là que les choses vont vraiment se compliquer». «On n’a pas de pouvoir de contrainte, la circulaire (du ministre de l’Intérieur Claude) Guéant nous dit même qu’il ne faut surtout pas utiliser de la force», a-t-il dit.
Selon la loi, les hommes qui obligent une femme à se voiler risquent un an de prison et 30 000 euros d’amende. La peine est doublée si la personne contrainte est mineure.
Cette législation entre en vigueur au moment où la place de l’islam et la laïcité sont devenus des thèmes majeurs du débat politique en France, à un an de la présidentielle de 2012, et sur fond de montée du Front national (extrême-droite) de Marine Le Pen.
Elle avait été initiée par un parlementaire communiste et ensuite reprise par la droite, Nicolas Sarkozy déclarant en juin 2009 que la burqa n’est «pas la bienvenue sur le territoire de la République».
S’il y a eu unanimité politique pour réprouver le port du voile intégral, une majorité des membres de l’opposition de gauche avaient refusé de voter la loi en pointant des risques «d’inconstitutionnalité».
En octobre 2010, la loi avait été évoquée par le chef d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, comme l’un des motifs pour menacer la France d’attentats.
cyberpresse