Qu’il fait beau à voir, l’union des cœurs ! Voir les Sénégalais célébrer à l’unisson la fête de Korité était devenu l’exception, y aller en rangs dispersés, la règle. Cette année, ce qui devait être la norme -la célébration de la Korité à la même date-, est apparu comme un miracle. Certains y sont allés de leurs commentaires, déclarant que le bon Dieu a finalement eu pitié des Sénégalais pour, en pleine saison des pluies, rendre visible le croissant lunaire. On avait l’impression que l’astre nocturne avait été savamment placé entre les nuages pour être vu de tout le monde. Visible, le croissant l’était. Et cela faisait longtemps que je n’avais pas vu de mes propres yeux, ce que l’on appelle vu, ce croissant qui était devenu synonyme de controverse au Sénégal. Cette année, nous n’avons pas entendu ces sempiternels débats sur les ondes, dans les colonnes des journaux, dénonçant cette impossibilité bien sénégalaise de s’entendre sur un jour. A chaque fois que ça allait à la fête en ordre dispersé, les spécialistes de l’astronomie y allaient de leur science pour démontrer par A ou par B ce que le commun des Sénégalais refusait d’admettre par calculs scientifiques. Mais bon, puisque nous l’avons réussi cette année, prions pour que le miracle se reproduise à la Tabaski. Cela a, au moins, le mérite de nous éviter les débats, les accusations réciproques, puisque chacun indexait l’autre comme étant responsable de la discorde. Personne ne voulant être à l’origine de plusieurs célébrations.
Ainsi va le Sénégal, un pays où chacun émet son opinion, librement. Un pays où l’on ne se désintéresse pas de ce qui se passe ailleurs. Surtout quand ça touche la religion. J’en ai eu la confirmation le lendemain même de la Korité, lorsque, après la prière de tisbar, le suppléant de l’imam de mon coin invite l’assemblée des fidèles à lui accorder quelques minutes d’attention. Mon imagination a erré quelques secondes pour essayer de deviner l’objet de la communication après prière. Et, à ma grande surprise, le notable, l’air très sérieux, nous invite à prier Dieu pour que le pasteur américain qui menaçait de brûler le Saint Coran, en commémoration des attentats du 11 septembre 2001, ne passe à l’acte. Personnellement, j’étais ému par cet appel à la prière. Belle leçon de retenue !
BAYIL SA YARAM
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