Voilà presque un an qu’Oumar Sarr est dépouillé de son immunité parlementaire sans être inquiété. «Trop aimé» dans son Dagana, le coordonnateur du Pds commence à devenir un cas.
Dans la bagarre que les libéraux du Parti démocratique sénégalais (Pds) opposent à Macky Sall, un des protagonistes commence à intriguer l’opinion, voire le président de la République lui-même. Oumar Sarr, aujourd’hui coordonnateur du Pds, coule quasiment des jours tranquilles, alors que les faits de l’accusation qui a emporté ses ‘’parents’’ Aïda Ndiongue et Abdou Aziz Diop ont sédimenté sous son magistère. Veinard Oumar Sarr ! Proie toute désignée de la traque des biens mal acquis, le maire de Dagana s’est vu déchu de son immunité parlementaire. Et c’était au plus fort des convocations à la Section Recherches de Colobane.
Avant d’être «dépouillé» de son titre de député, Oumar Sarr avait été convoqué par les gendarmes de Colobane. Le face-à-face n’aura duré que 15 petites minutes. Oumar Sarr était venu répondre aux enquêteurs en pleine session parlementaire, l’écharpe de parlementaire en diagonale. Non pour narguer les hommes en bleu, mais pour leur rappeler son statut de député. L’ex-ministre de l’Urbanisme s’en tire à bon compte en raison de la flagrante violation des articles 61 de la Constitution et 51 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Presqu’un mois plus tard, le Procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), Alioune Ndao, demande au Parlement la levée l’immunité parlementaire de trois ex-ministre de Wade devenus députés.
Dont celle de l’honorable Oumar Sarr. Au cours de cette session houleuse, l’honorable député Sokhna Dieng Mbacké qui a voté contre la levée de l’immunité de ses collègues, a tenté par la suite de justifier sa position. Elle s’est alors heurtée aux huées des parlementaires de la majorité présidentielle. Ulcérée, elle lâche : «Demain, il fera jour». Voulait-elle dire aux chahuteurs que leur vote sera classé sans suite ? En tout cas, cela fait bientôt un an et les députés Ousmane Ngom, Abdoulaye Baldé et Oumar Sarr, devenus justiciables comme tous les citoyens, «courent» toujours.
Tantôt, la presse annonce l’imminence de l’arrestation ou la convocation de l’un d’eux, puis plus rien. Mieux, entretemps, le coordonnateur du Pds, sûr de son étoile, a même bravé l’interdiction de sortie du territoire qui pend sur sa tête. En mai dernier, il profite d’un long week-end pour se rendre en Mauritanie et rentrer tranquillement par un vol de Sénégal Airlines. La violation de l’interdiction est sans équivoque, mais Sarr s’en sort sans difficultés. Par contre, des policiers sont tombés. Ils ont payé pour avoir manqué de vigilance. Et c’est d’ailleurs dans la même foulée que l’ex-directeur général de la sécurité publique, Abdoulaye Niang, est nommé… avant d’être lui aussi emporté par la mystérieuse affaire de drogue soulevée par l’ex-commissaire Cheikhna Cheikh Keïta.
Puis survient la famille dans le dossier. La presse prête à la fille d’Oumar Sarr (dont la mère n’est personne d’autre qu’Aminata Touré, alors ministre de la Justice) le funeste projet de se suicider si son père est emprisonné. Mimi Touré, devenue « Dame de fer » le temps de la traque des biens mal acquis, commence sûrement à évaluer le côté répugnant de la politique. Les lignes ont effectivement bougé, provoquant un mélange de genres inattendu.
Finalement, Mimi quitte la Justice, sûrement soulagée. Une formidable popularité, née de la traque des biens mal acquis, lui permet en effet d’hériter du fauteuil de l’ex-Premier ministre Abdoul Mbaye. Et d’esquiver l’incontournable anathème que lui vaudrait l’emprisonnement d’Oumar Sarr, victorieux d’une nouvelle bataille dans le feuilleton judiciaire engagé par le régime de Macky Sall. En vérité, Oumar Sarr est un cas.
Wade qui l’a bombardé coordonnateur du parti moins d’un mois après sa défaite de 2012, ne savait pas que son ex-ministre de l’Urbanisme allait être une tour imprenable. Depuis déjà une semaine, les arrestations se font dans son immédiate proximité (Aziz Diop et Aïda Ndiongue), sans qu’il soit inquiété. Au contraire ! C’est lui-même, l’ex-ministre Oumar Sarr, qui met trois villas dans la caution exigée par le juge pour faire libérer Aziz Diop, Ibrahima Diallo et Serigne Ly.
Gouvernement d’union nationale
Et puis, tenant visiblement un pan de l’initiative politique, le coordonnateur crée carrément le buzz avec cette affaire de gouvernement d’union nationale. Dans une émission de la télévision privée «2 STV», Sarr, prétextant, selon ses propres mots d’une fin de régime et d’une majorité présidentielle essoufflée, déchirée, déchiquetée, prédit une situation grave pour notre pays. Alors, à la question de savoir si le Pds était prêt à participer à un gouvernement d’union nationale, il avance, assortissant sa réponse d’une kyrielle de conditions, que le Pds ne peut être hostile, par principe, à tout gouvernement d’union nationale.
La déclaration sème la confusion chez les libéraux. Des critiques contre le coordonnateur du Pds fusent de partout. La rumeur publique, experte dans l’embellissement des faits, va jusqu’à dire, à tort ou à raison, que Macky Sall négocie en douce avec le maire de Dagana. Une perspective bien plausible, même si elle passe pour être trop compromettante pour le camp présidentiel. Le patron de l’Alliance pour la République ne cracherait probablement jamais devant une telle transhumance.
Force politique
Oumar Sarr est en vérité un grand Monsieur dans sa localité. Le joker du président Macky Sall à Dagana, le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, Mankeur Ndiaye, est loin du compte. Même associé à l’ex-Dg de la Douane devenu ministre délégué chargé du Budget, Mouhamadou Makhtar Cissé, le patron de la diplomatie sénégalaise est largement en-deçà de la force de frappe politique d’Oumar Sarr. Jugez-en plutôt !
En 2007, alors tête de liste des Législatives boycottées par l’opposition (Ps, Pit, Ld, Afp, etc.), Macky Sall arrive en campagne électorale dans un Dagana noir de monde. L’homme est ému et admiratif devant une telle mobilisation. Il déclare sans ambages que c’est la plus spectaculaire mobilisation qu’il ait jamais vue. Né à Dagana, dont il est le maire depuis 1996, Oumar Sarr est un ancien qui milite au Pds depuis les années 90.
On retient de lui sa victoire à Dagana contre le Ps, avant l’alternance. Au cours de ces Législatives, le Pds a gagné avec plus de 81% dans le département de Dagana et le taux de participation de 45%. Tel M. Madeleine, ce personnage de Hugo devenu maire par la force de sa proximité avec les populations et sa générosité à leur endroit, Oumar Sarr est un homme politique accompli. Impossible de le supplanter à Dagana, le fief qu’il a mis des années à bâtir brique après brique au prix d’une simplicité jamais prise en défaut et d’une grande capacité d’écoute attentive.
«Il partage son argent, rend visite aux malades ou leur apporte soutien moral et financier», explique Abdou Sarr, un jeune ressortissant de Dagana, précisant que l’ex-ministre de l’Urbanisme ne tolérait jamais qu’un ressortissant de sa ville, venu lui rendre visite à son ministère soit bloqué à l’entrée. Au dernier Gamou de Dagana, le ministre Bamba Dièye venu représenter le gouvernement a quasiment essuyé un revers. À force de distribuer des billets pour la Mecque et d’appuyer les imams, le maire de la ville, Oumar Sarr, a fini par imposer son leadership dans le champ religieux. «Oumar Sarr est trop aimé !», s’enflamme ce journaliste qui a requis l’anonymat.
UN VOLEUR EST UN VOLEUR,PAS DE DEMI-MESURE AVEC CES PILLEURS.
-TOUS EN PRISON!