La Cour pénale internationale (Cpi) a pour mandat de juger les actes de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime de l’agression conformément à l’article 5 du Statut de Rome. Dans l’article 25 dudit Statut, il est stipulé que «quiconque commet un de ces crimes est individuellement responsable et peut être puni conformément au Statut». L’article 27 précise que «la qualité officielle de chef d’Etat ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un Etat, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du Statut de Rome». Mais la nature des arrêts rendus par la Cpi semble présager que c’est une cour mise sur pied pour les Africains et non pour les autres.
Quand le Statut de Rome est entré en vigueur le 1er juillet 2002, une Cour pénale internationale (Cpi) permanente est créée avec pour siège La Haye (Pays Bas) où elle a commencé à travailler depuis 2003. Ce sont au total 122 pays qui ont reconnu ses compétences. En effet, le monde avait besoin de cette cour à la suite des difficultés rencontrées par les Tribunaux militaires internationaux (Tmi) de Nuremberg et Tokyo qui étaient mis sur pied après la seconde guerre mondiale. Les génocides commis en ex-Yougoslavie (Tribunal pénal pour la Yougoslavie) et au Rwanda (Tribunal pénal pour le Rwanda) ont obligé le Conseil de sécurité des Nations Unies à créer un tribunal ad hoc pour traduire les auteurs des crimes les plus graves du droit pénal international devant un tribunal international.
UNE JUSTICE POUR L’AFRIQUE?
Pour mettre un terme à l’impunité des crimes contre l’humanité commis, la communauté internationale, par le biais de la Cpi, semble jeter son dévolu que sur l’Afrique.
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO (RDC)
Le 14 mars 2012, Thomas Lubanga Dyilo est déclaré coupable de crimes de guerre pour avoir procédé à l’enrôlement et la conscription d’enfants de moins de 15 ans et à les avoir fait participer activement à des hostilités. Il est condamné, le 10 juillet 2012, à une peine totale de 14 ans par la Cpi. Germain Katanga, présumé commandant de la Force de résistance patriotique en Ituri (Frpi), est déclaré coupable, le 7 mars 2014, par la Cpi pour le chef de crimes contre l’humanité (meurtres) et de quatre chefs de crimes de guerre (meurtres, attaques contre une population civile, destruction de biens et pillage) commis le 24 février 2003, lors de l’attaque lancée contre le village de Bogoro, situé dans le district de l’Ituri en Rdc. Il est condamné, le 23 mai 2014, à une peine totale de 12 ans d’emprisonnement. Bosco Ntaganda, Callixte Mbarushimana, Sylvestre Mudacumura, Mathieu Ngudjolo Chui sont les autres «candidats» poursuivis par la CPI pour le cas de la République Démocratique du Congo (Rdc).
CENTRAFRIQUE ET OUGANDA
Jean-Pierre Bemba Gombo, Aimé Kilolo Musamba, Jean-Jacques Mangenda Kabongo, Fidèle Babala Wandu et Narcisse Arido sont les supposés «criminels» de Centrafrique. En Ouganda, c’est Joseph Kony, présumé président et commandant en chef de l’Armée de résistance du seigneur (Ars), qui serait pénalement responsable de 33 chefs de crimes dont 12 chefs de crimes contre l’humanité. Depuis le mandat d’arrêt lancé contre lui, le 6 mai 2005, il est toujours déclaré en fuite. Ses collaborateurs Vincent Otti, Okot Odhiambo sont toujours en ligne de mire et déclarés en fuite par la Cpi.
DARFOUR ET SOUDAN
Omar Al Bachir, devenu président de la République du Soudan, le 16 octobre 1993, serait pénalement responsable, «en tant que coauteur ou auteur direct, au sens de l’article 25-3-a du Statut de Rome, pour cinq chefs de crimes contre l’humanité», selon la Cpi qui a lancé deux mandats d’arrêts internationaux contre lui le 4 mars 2009 et le 12 juillet 2010. Il est, pour autant, déclaré en fuite depuis lors dans les registres de la Cpi. Ses compatriotes Ahmad Harun, Ali Kushayb, Bahar Idriss Garda, Abdallah Nourain, Abdel Hussein sont aussi poursuivis.
COTE D’IVOIRE
L’ouverture du procès Laurent Gbagbo est prévue le 10 novembre prochain. L’ancien président ivoirien a été remis à la Cour pénale internationale le 30 novembre 2011. Il est poursuivi pour son implication dans la guerre civile ivoirienne qui a occasionné plusieurs centaines de morts.
C’est aussi le cas de Simone Gbagbo, épouse de Laurent Gbagbo, dont la responsabilité individuelle serait engagée dans des meurtres, des viols et d’autres violences sexuelles, des actes de persécution qui auraient été perpétrés en Côte d’Ivoire dans le contexte des violences postélectorales survenues en terre ivoirienne entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011.
Le leader des jeunes patriotes, Charles Blé Goudé, est également dans le collimateur de la Cpi. D’ailleurs, il sera lui aussi jugé le 10 novembre prochain.
LIBYE
A la suite de la mort de Muammar Kadhafi les poursuites ont été clôturées à son encontre. C’est finalement son fils Saïf Al-Islam Kadhafi qui est poursuivi pour deux chefs de crimes contre l’humanité, à savoir le meurtre et la persécution.
En revanche, Abdullah Al-Senussi, colonel des Forces armées libyennes et chef des Services secrets militaires de Kadhafi, n’est plus inquiété. Le mandat d’arrêt délivré contre lui le 27 juin 2011 est nul et non avenu. Les charges retenues contre lui ont «pris fin le 24 juillet 2014, lorsque la Chambre d’appel a confirmé la décision de la Chambre préliminaire I déclarant l’affaire irrecevable devant la Cpi», peut-on lire sur le site de la Cpi.
«UNE INDIGNATION SELECTIVE?»
L’analyste Fadel Dia, dans les colonnes de Sud Quotidien (édition n°6663 du mercredi 22 juillet), s’est demandé pourquoi «les Zorros de la bonne gouvernance ont-ils une indignation sélective». Il s’est également posé la question pourquoi «sur leur lancée, ils ne plaident pas pour l’extradition de deux autres prédateurs, les anciens présidents Taya (Mauritanie) et Ben Ali (Tunisie), qui se prélassent dans les paradis du Golfe ?» Et de poursuivre son questionnement: «Pourquoi se sont-ils désintéressés du sort de celui qu’ils appelaient le «Négus rouge», Mengistu Haïle Mariam, pourtant condamné à mort par la justice de son pays et qui depuis près d’un quart de siècle, coule des jours tranquilles au Zimbabwe ?» Selon l’analyste, il est permis de croire que «le sort de Habré eût changé s’il avait choisi l’intraitable Mugabe comme parrain !» Le cas du président Idriss Déby Itno est soulevé par les observateurs du procès de Habré.
L’analyse de tous ces cas, qui ne sont pas tout de mêmes exhaustifs, porte à croire que la justice internationale est une justice pour les Africains. Même si, à quelques exceptions près, des dirigeants occidentaux sont rattrapés par leur passé. C’est le cas de Slobodan Milosevic, ancien président Yougoslave, inculpé en 2001 pour son rôle joué lors du conflit au Kosovo, en 1999, et l’autre dans le conflit en Croatie, en 1991 et 1992. Il est malheureusement décédé en prison le 11 mars 2006 à Scheveningen (La Haye, Pays Bas).
Il y a également Radovan Karadzic, ancien chef politique des Serbes de Bosnie, arrêté en juillet 2008 à Belgrade après 13 années de cavale, suite à des poursuites par le Tribunal pénal international pour la Yougoslavie (Tpiy) pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis entre 1992 et 1995 en Bosnie-Herzégovine où il y a eu près de 100.000 morts. Ces deux condamnations, parmi d’autres, ne sont que les parties immergées de l’iceberg.
POURQUOI LES AUTRES SONT-ILS EPARGNES ?
Ceux qui ont fait tuer Kadhafi ne sont pas aujourd’hui inquiétés. Nicolas Sarkozy, l’ancien président français qui a organisé le lynchage politique, médiatique et militaire contre l’ancien président libyen court toujours. Ses actions ne représentent pas un crime aux yeux du monde et de la justice. L’intervention de la France et de l’Otan en Libye, au nom de la démocratie, a créé plus de maux qu’elle n’en a résolus.
L’opération «Tempête du désert» en 1991 en Irak a certes contribué à faire libérer le Koweit, pays souverain, mais surtout à éliminer Saddam Hussein et à installer le chaos en Irak, occasionnant la mort, la maladie, la pauvreté, entre autres fléaux. Le président américain Georges Bush, au nom de la démocratie, a fait aussi lancer l’opération «Restaure hope» (rendre l’espoir) en 1990 sans pour autant réellement régler le problème en Somalie. Jusqu’à ce jour, il n’a jamais été cité pour les exactions qui auront été commises au cours de ces différentes opérations dont il a l’entière responsabilité. Y-a-t-il deux poids deux mesures dans l’administration de la justice internationale ? Existe-t-il une justice strictement réservée à l’Afrique et à ses fils, et une autre pour les Occidents et leurs alliés ? Allez savoir !
SUD QUOTIDIEN
Et il en sera toujours ainsi tant que l’Occident réussira à débaucher au milieu de l’Afrique des fils prêts à être traîtres contre leur maman Afrique pour des honneurs qui ne dureront même pas toute leur vie (ex Compaoré). Et à chaque fois l’Occident adapte sa stratégie à la réalité de l’époque. Quand il devint difficile de faire tuer des présidents africains par leurs propres concitoyens ( tinyurl.com/p6hpo2u ) ils essayèrent des tribunaux de compétence universelle.
Quand des africains se sont montrés réticents à envoyer leurs anciens présidents se faire juger en Europe, ils manœuvrèrent pour que des nègres de service se chargent de juger des ex présidents et présidents (Kenyatta) africains. Quand la fronde contre la CPI a commencé à faire du bruit, ils essayèrent la nouvelle formule des CAE, tribunaux à usage unique et emballage perdu, pour juger les ex présidents africains là où ils sont allés de réfugier.
Et toutes ces stratégies ont un seul point commun, elles réussissent seulement parce que des africains ont accepté de servir l’Occident contre d’autres africains.