spot_img

Les bouffonneries clandestines d’un père de famille

Date:

Il est majestueux, très sérieux. Il impose le respect au bureau, à la mosquée, jusque dans les cérémonies de mariage et de baptême. De ses enfants, l’ancien exige fortement le sens de la responsabilité et les signes de bonne tenue. Pourtant, l’ancien étouffe son pressant besoin d’escapade dans ce carcan suffoquant du paraître, malgré le fardeau social du digne père de famille. Il réalise qu’il s’agit d’un déroulement de personnage qui est sur le point de le travestir, de le supprimer impeccablement. En conséquence, il a trouvé des intermèdes de résistance, à l’abri du regard des morpions et de celui de la mère-gardienne des traditions. Il s’agit de la salle de bain, hébergeuse des crisettes.

Qu’est-ce qu’on peut être bouffon en aparté, dans le secret d’un coin du foyer, sous la douche ou devant le miroir. Rien de plus fou que de parler, tout nu, à la pompe de douche. Quand on ouvre le robinet, c’est toujours de l’eau froide qui sort en premier, pendant les 15 premières secondes. Étant parvenu à détourner in extremis la direction du jet d’eau glaciale de son corps, le gaillard au ventre bedonnant et à la mine menaçante, s’avoue victorieux et jubile : « Hahahaa, tu m’as pas eu, tu m’as pas eu ».

Autre pitrerie : l’ancien oublie de laisser la clé de l’appartement à l’endroit habituel, convenu d’avance. Sa femme revient du marché avec les enfants, avec les courses et avec sa lassitude. Oups! Aucune possibilité d’accès, aucun moyen d’avancer sur les tâches journalières. Elle attend devant la porte, ruminant sa colère et ses regrets pour s’être liguée avec ce goujat. Sifflant et caracolant, monsieur revient tout zen de ses déroutes. Aux invectives de madame, toute furieuse, monsieur s’engouffre immédiatement dans les toilettes. Il ferme la porte derrière lui et murmure tout doucement, mimant du visage les moues mignonnes de son épouse. « Gnagnagna gnignigni…Weu!  Go waay!»

Pas seulement quand ça va mal, on peut être tout aussi fou quand tout baigne dans l’huile. Tiens! Au réveil, dans la salle de bain, après une nuit de rêve, il peut arriver que l’ancien  parle à un membre important de son anatomie de mâle. Il lui dit : « tu n’es vraiment pas en reste, je suis fier de toi. T’es plus que vaillant, mon ami. T’es un vrai de vrai, champion… » Voilà un autre jour, encore au réveil, après une nuit torride, qu’il déroule sa chorégraphie devant le miroir. Il se régale, les mains posées sur les tempes en forme de corne, et à chuchoter, tout en se dandinant, des mélodies du genre : meu titi daas… teubeul teubeul… thieum domm!

« Le devoir seul nous cramponne sérieusement à la vie », disait l’autre. L’ancien est habituellement coincé entre la peur du ridicule et le surplus encombrant des malices mâtées. Entre le statut de père probe et la disposition à la délivrance, la réalité est difficilement abordable, presque inaccessible aux rigides. Telle une échappatoire, la salle de bain, conçue en toute modernité et faite de quatre modiques murs plafonnés, héberge, en toute discrétion, les clowneries d’un papa perdu.

PS : À celui qui, à mon nom (Waltako), répond au commentateur malveillant, je lui demande d’arrêter. Celui-là n’en vaut pas la peine.

Birame Waltako Ndiaye

[email protected]

1 COMMENTAIRE

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

spot_img

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE