La modernisation de Touba qui devait s’achever dans 17 mois ne pourra l’être, car l’Etat a demandé à la principale entreprise Henan Chine, d’arrêter les travaux, faute d’argent. Alors que Touba est mis à l’arrêt, beaucoup s’interrogent sur la faisabilité de Tivaouane.
Par Boucar Aliou DIALLO
«L’Ageroute nous a demandé d’arrêter et nous nous sommes exécutés depuis lundi 7 juin, quand la notification nous est parvenue», précise un haut responsable de l’entreprise Henan Chine à Touba, qui parlait sous le sceau de l’anonymat. Ce responsable va même jusqu’à préciser?:?«Si l’Ageroute a pris une telle décision, c’est parce que l’Etat n’a pas inscrit dans le budget de cette année les 20 milliards de francs Cfa qu’il devait décaisser annuellement pour les travaux de modernisation de Touba, pour une durée de 5 ans.» Cette mise à l’écart des travaux de Touba dans le budget de cette année risque de porter un coup sérieux au chantier de Touba, ville du futur, lancé officiellement le mercredi 16 mai 2007 par Habib Sy alors ministre d’Etat en charge des Infrastructures.
Ce programme prioritaire étalé sur cinq ans prenait en charge les travaux d’alimentation en eau potable, de réhabilitation de la voierie, d’assainissement, de densification et d’extension du réseau électrique. Les premières difficultés sont apparues en novembre 2008. L’Etat, qui devait à Henan Chine 8 milliards de francs, n’avait consenti à débloquer que 3 milliards de francs le 23 octobre, et c’est parce que Wade devait séjourner à Touba. Ce reliquat concernait les travaux engagés dans le cadre de la voirie et de l’alimentation en eau potable de la cité religieuse. Les autres couacs sont apparus durant l’année 2009. D’ailleurs Ibrahima Ndiaye le directeur de l’Ageroute, s’en était ouvert au chef de l’Etat, pour marquer son étonnement que dans le budget rectificatif de cette année 2009, 10 milliards aient été ponctionnés du montant consacré aux travaux de modernisation de Touba.
Des observateurs n’ont pas manqué de relever que l’argent manque dans le Budget pour les travaux de modernisation de Touba, alors que d’autres secteurs, comme la présidence de la République, ont vu leurs fonds augmenter. Même si l’un n’explique pas l’autre, le rapprochement est troublant. D’autant que le chantier a connu tellement de retard.
Au point que, l’actuel khalife général des mourides, recevant Habib Sy, ministre des Infrastructures d’alors, le vendredi 16 janvier 2009, lui avait clairement dit «C’est vous-même qui étiez venu, le 16 mai 2007, procéder au lancement des travaux de modernisation de Touba, initiés par le chef de l’Etat. Depuis lors, je constate qu’ils avancent timidement. Il y a des lenteurs du côté des Chinois qui sont venus me faire part de leurs difficultés.» Le frère du marabout, Serigne Abdou Fatah, portait l’estocade au ministre : «Vous n’avez rien réalisé ici.» Et Habib Sy de reconnaître les lenteurs en soulignant : «Il faudrait qu’on accélère les travaux, comme le souhaite le Khalife général des mourides. Nous allons nous y atteler pour qu’il en soit ainsi. Et compte tenu de l’importance particulière que le président de la République accorde à Touba et à ces chantiers, il n’y a pas de doute que nous allons répondre aux vœux et souhaits du khalife général.» Néanmoins, d’interminables écueils ont continué de se dresser sur le chemin de l’entreprise chargée d’exécuter les travaux de Touba. Au point qu’elle a été obligée de mettre son personnel au chômage technique, et le chantier qui jadis employait 250 ouvriers n’en était qu’à 50 au second semestre de l’année 2009.
L’arrêt du chantier de Touba pousse également à s’interroger sur les financements annoncés pour la ville de Tivaouane. Quel crédit donner à des autorités qui, malgré leur religiosité et leur piété affichées, n’hésitent pas à revenir sur leurs engagements une fois la ferveur éteinte?? Pourront-elles faire dans une ville religieuse ce qu’elles n’ont pu réaliser pour l’autre??
Correspondant
lequotidien.sn