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Les clefs du Royaume Wade Vice-Versa (2*) Par Babacar TOURE

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Modus operandi d’une dévolution dynastique du pouvoir passant par l’instauration d’un ticket présidentiel, la suppression de fait du second tour avec la possibilité d’être élu avec 25 % des suffrages exprimés, le legs du pouvoir à un vice-président nommé après la démission en cascade du président de la République et de son vice-président.
Babacar Touré président du groupe Sud communication éclaire, dans son éditorial titré «Les clefs du royaume Wade Vice-versa» et publié dans «Sud quotidien» daté du 22 juin 2011, un an jour pour jour, sur les soubassements de cette manœuvre. Une alerte, la veille du jour historique du 23 juin 2011 qui a vu le peuple faire le siège de l’Assemblée nationale et contraindre le chef de l’Etat à retirer son projet de loi.

Le Président de la République vient d’assener un véritable coup de Jarnac avec sa trouvaille, réchauffée et remise au goût du jour de candidat à l’élection présidentielle avec un co-listier à élire sur un « ticket », pour reprendre un vulgarisme médiatico-populaire. L’Histoire rapporte que le Gentilhomme français Guy de Chabot, baron de Jarnac, au cours d’un duel resté célèbre (1547), alors qu’il allait être vaincu, frappa son adversaire au jarret, d’un coup inattendu mais loyal. D’où l’expression : un coup de Jarnac. Quel rapport avec notre Maître et nous? Les estimations de vote, régulièrement rendues publiques, crédibles pour certains, fantaisistes pour d’autres, mais toujours ayant un certain impact sur l’opinion, confinent l’actuel candidat à sa propre succession dans une fourchette comprise entre 25 et 30% des suffrages favorables de ses concitoyens pour la présidentielle de 2012.

Un second tour pour départager les deux candidats arrivés en tête du premier tour de scrutin s’avérant aléatoire pour le candidat Wade, tant la tendance « tout sauf Wade » au second tour semble prégnante au sein de la classe politique, autour de Bennoo de larges secteurs de la Société civile et de responsables libéraux en rupture de ban, sans compter les inévitables défections d’entre deux-tours qui ne manqueront pas de plomber les suffrages du candidat du Sopi. D’où cette disposition qui annule de facto le deuxième tour. Abdou Diouf s’est fait déloger de la présidence de la République à l’issue d’un deuxième tour fatal, après avoir engrangé un confortable score d’environ 42% au premier tour de l’élection présidentielle en l’an de (dis)grâce 2000. Si la loyauté du procédé et le déroulement peuvent être discutables, la légalité formelle dont on cherche à revêtir le projet, risque d’être chahutée en cas de vote favorable par le Parlement, à la suite d’un acte de conformation des deux chambres réunies en congrès.
Le tour fatal à Abdou Diouf

Les initiateurs du projet sur le ticket présidentiel pour faire court- semblent avoir en ligne de mire des préoccupations d’une impérieuse immédiateté.L’âge du capitaine, en l’occurrence le président Wade, candidat déclaré du Pds, le souci de mobilité et d’animation pour une précampagne et une campagne exigeantes, en termes d’énergie et de souffle, l’éventualité d’une invalidation de la candidature de leur champion hors catégories (peu probable, mais sait-on jamais !), un empêchement de dernière minute ou en cours de compétition, sont autant de raisons pour Maître et ses stratèges, d’impulser le mouvement, afin de rester au sommet, dès le lendemain du 26 février 2012.

Le camp libéral et ses alliés et décriée par l’opposition traditionnelle, les néo-opposants et des franges de la société civile, contrairement à l’idée accréditée par certains, ne fait pas barrage à ce qu’il est convenu de qualifier de dessein de succession dynastique. Cette formule peut être mise en pratique de plusieurs manières. Deux retiennent l’attention. La passation du pouvoir de Senghor à Abdou Diouf, par le biais de l’article 35 de la Constitution de l’époque, sans consultation populaire (référendum) et par le vote d’une majorité mécanique d’une Assemblée nationale quasi monocolore peut être analysée comme un acte politique majeur relevant d’une dévolution d’essence monarchique, dans la mesure où c’est le président sortant qui a imposé aux Sénégalais, son successeur. D’abord pour terminer son mandat après l’avoir adoubé et coaché pendant dix ans comme Premier ministre. Ensuite, en lui permettant du même coup, de se servir de tremplin de l’administration, de l’Etat, des appuis, clientèles et ressources auxquelles cette posture permet d’accéder. Dans ce schéma, seul fait défaut, l’élément de consanguinité.

Or, tous les historiens et les analystes en sciences politiques, vous le diront, la monarchie, comme le sultanat ou la chefferie et leur mode de dévolution ne convoquent pas nécessairement le lien biologique comme condition sine qua non. Les exemples foisonnent dans des univers aussi différents que la Mésopotamie, l’Afrique, la Grèce ou la Rome antique. Dans le cas de la Rome antique, le monarque, quand il portait le titre de dictateur, loin d’être péjoratif dans ce contexte, était choisi parmi les praticiens de bonne moralité, jugés aptes à défendre l’empire contre les envahisseurs barbares et à restaurer la gloire de Rome. Le Sénat lui confiait les pleins pouvoirs pour mener à bien sa mission pour un temps limité. Certains oubliaient, une fois le danger conjuré et l’ordre rétabli, de rendre le pouvoir et de retourner à leurs activités civiles antérieures.
Monarchie sans lien biologique

Pour se maintenir, ils usèrent de mesures d’exception ou de répression brutale et de pratiques despotiques qui ont eu pour conséquence de changer la nature du pouvoir, la portée de la fonction, et le sens du mot dictateur.
Le ticket présidentiel, tel qu’argumenté dans l’exposé des motifs du projet de loi adopté en Conseil des ministres, comporte les ingrédients de telles dérives. Comment ?

Si c’est Wade qui rempile, une dyarchie peut s’installer au sommet de l’Etat, au cas où le colistier est une forte personnalité et chercherait à exister face à un président dont l’emprise et la présence iront s’amenuisant, sans parler des intrigues de palais et des complots de cour des « entourages » et aussi de tous les laissés pour compte et frustrés dans le choix du président bis.

La possibilité est tentante pour le Vice-président, de remplacer, à tout moment un président nonagénaire et fragilisé, quitte à s’appuyer sur une clientèle inféodée et/ou opportuniste, voire des forces armées et de sécurité, traditionnellement à l’écart du jeu politique, mais aujourd’hui impliquées dans le système électoral, donc partisanes. A l’inverse, si le Vice-président présente un profil sécurisant pour le président Wade, si c’est lui qui est réélu, parce qu’ayant l’échine souple, sans consistance et sensible aux manipulations, c’est la République et le pays qui seront alors en danger.

Un Président et un Président bis Dans ce cas de figure, le Vice président fantoche peut, après avoir succédé au président démissionnaire ou empêché, rendre le tablier à son tour pour permettre à son Vice Président descendant biologique du mentor, d’accéder à la magistrature suprême.

Comme ce scénario peut intervenir à la faveur de l’élection présidentielle de 2019, car les héritiers putatifs sont encore jeunes et bien dotés financièrement, avec une indéniable expérience des affaires gouvernementales et autres qui sera bien consolidée d’ici là La comparaison avec le système américain souffre de plusieurs insuffisances.

Dans ce grand pays, l’élection du président des Etats-Unis d’Amérique est un véritable parcours du combattant. Les primaires organisées dans tous les Etats de l’Union permettent de désigner le candidat qui aura reçu la majorité des suffrages dans chaque Etat et sur l’ensemble du territoire.

Et cela, seulement pour la «candidature à la candidature» au sein d’un même parti politique sur un échiquier dominé par deux formations majeures idéologiquement segmentées : le Parti Républicain (conservateur) et le Parti Démocratique (réputé libéral).
Le champion désigné de chaque camp choisit alors un co-listier sur la base de deux critères principaux, mais non exclusifs.

Le profil du Vice-président des Etats- Unis doit apporter au candidat à la présidence des Etats-Unis, ce qui peut lui faire défaut, en termes de pêche aux voix, de connaissance et d’expérience en matière de politique (étrangère surtout) ou économique, militaire, etc. Sa personnalité (character) sera celle qu’affectionnent les Américains, chevillés aux valeurs de la famille, du patriotisme et de la grandeur de l’Amérique. Un autre élément qui affaiblit la comparaison réside dans le projet. Aucun candidat à la présidence américaine n’envisage de faire moins de deux mandats au terme desquels le Président et le Vice-Président quittent en même temps leurs fonctions. Deux notables exceptions à cette règle concernent les Présidents John F. Kennedy et Richard Nixon. Le premier, assassiné en 1963, a été remplacé par le Vice-Président Lyndon B. Johnson.

Le second emporté en 1974 par le scandale du Watergate avait cédé le fauteuil au Vice-Président Gerald Ford.
Ce système américain, souvent cité en référence, procède de la culture politique et de l’histoire particulières à ce payscontinent, mosaïque de communautés, ayant connu plusieurs fois la guerre, dont une d’Indépendance et une autre de Sécession. Le présidentialisme est fortement tempéré par la toute puissance du Congrès, de la Cour Suprême et des autres institutions et instances fédérales. Ce qui est loin du micro-état du Sénégal, même si nos deux peuples revendiquent une égale dignité et une égale liberté.

Dans le cas présent, il nous faudrait sans doute appréhender différentes vérités avec toute notre raison alors que nous sommes envahis par l’émotion avec toute notre sensibilité, pour reprendre l’immense éditorialiste de l’hebdomadaire français, le Nouvel Observateur, Jean Daniel. Sans vouloir subir le diktat de la transparence absolue, il convient de se garder des risques majeurs qu’engendrent des combinaisons nées aux confluences de la volonté et du désir somme toute légitimes d’éviter que la fin d’un règne n’entraîne la fin d’un régime.

Notre démocratie connaitra cette semaine, les jours et les mois à venir, son heure de vérité. Les députés de la majorité et leurs alliés seront appelés à poser un acte inédit, je crois, dans les annales de la politique moderne. Il s’agit, ni plus, ni moins, de consacrer pour la première fois, dans notre pays et peut-être nulle part ailleurs en République, d’élire deux présidents d’une même République -la répétition est pédagogique- dans la perspective d’une réélection du président Wade. Celui-ci suggère par sa démarche, qu’il ne terminera pas son mandat qui arrivera à terme, à son 93ème anniversaire si l’électorat lui accorde ses suffrages. Il entend régler ainsi, le problème de sa succession. «Je n’organiserai pas d’élections pour mon successeur» a-t-il déclaré un jour. Conséquent et cohérent, il veut passer à l’acte. Wade, comme le Corbusier, peut s’exclamer : «le mouvement est ma loi ». Avec lui, les choses bougent et il fait se bouger les autres, à commencer par son propre parti, mais aussi opposition, gênée aux entournures par les querelles de positionnement et la perspective d’une retraite sans compensation, ni pension, que Wade entend réserver à certains ténors.
Différer, jamais renoncer

D’instinct, l’homme Wade qui ne lâche jamais rien, quant au fond, mais sait s’arrêter et même reculer -pour mieux sauter en bon mathématicien, met en oeuvre des théories fondamentales et des calculs de probabilités, en appliquant l’analyse mathématique aux lois du hasard à l’instar de LA PLACE (1749-1827), Vice-Président du Sénat, Marquis et Pair de France. La morale de l’histoire, c’est qu’il faut éviter que la critique de la raison pure ne se mue en chantre de la déraison absolue et que tous les acteurs, ceux d’aujourd’hui comme ceux de demain, se convainquent que nul ne peut servir deux maîtres. Avec, en prime, le risque d’allumer un brasier électoral, tant il est vrai « qu’une étincelle peut mettre le feu à la plaine » (Mao Tse Toung).

S’il est vrai qu’en Afrique, un chef d’Etat en fonction peut capitaliser, avec ou sans colistier, vingt cinq pour cent, voire bien plus, la question de la légitimité du président et celle de son ombre portée, en l’occurrence le Vice -Président, n’en demeure pas moins cruciale. Déjà, avec les Socialistes, les citoyens, Me Wade et son parti en tête, s’étaient dressés résolument contre le quart bloquant qui concernait les électeurs inscrits.

Aujourd’hui ce fameux quart se réduit aux seuls suffrages exprimés. Il est une chose de battre son opposition, même à plate couture, c’en est une autre de faire face à la majorité de son peuple en colère et en défiance, en faisant la courte échelle à un président indésiré, sinon par
la seule volonté du partant.
Privilégier la paix civile

Pour bon nombre de nos compatriotes, dont il faut grandement tenir compte, une évolution politique et institutionnelle d’une telle nature convoque l’impératif recours à une consultation populaire sous forme de référendum, avec au préalable, l’instauration d’un débat national et la possibilité d’amendements, voire de la substitution de l’objet de la loi référendaire. Cette approche s’inspirerait des termes de référence d’un dialogue national sincère, pouvant déboucher sur une sorte de constituante accoucheuse d’une nouvelle architecture institutionnelle refondatrice d’un Etat moderne, régulateur et arbitral.

La conséquence, a priori d’une telle approche serait d’éviter aux partisans du régime présidentiel renforcé avec un ticket un probable acte assimilable à un coup de force du régime, comme elle épargnerait aux tenants d’une transition incapacitante, l’imbroglio consistant à vouloir écourter, en cas de victoire de leur camp, un mandat de sept ans consacré à la fois par la Constitution et par le suffrage universel.
Est-il déjà trop tard pour bien faire, en ayant en vue seul l’intérêt du pays, la paix civile, le renforcement de notre démocratie et de nos institutions républicaines ?

Les exemples de la Côte d’Ivoire et dans une moindre mesure, la Guinée, démontrent à satiété, que les conditions de tenue d’élections apaisées et pacificatrices importent bien plus que l’unilatéralisme, l’autisme ou le passage en force dans un contexte de déficit abyssal de confiance et de déficience organisationnelle, de nature à déstabiliser durablement un pays.

La fatalité n’existe pas et le Sénégal n’a que faire de toutes les crises présentes et à venir simplement, parce que l’heure de la retraite a sonné pour les uns, tandis que d’autres, disqualifiés refusent, de ce fait, de battre en retraite.
La politique, c’est comme l’argent. Elle peut, comme dit l’adage, faire du plus généreux, un ladre. «Vous êtes maîtres de refuser», s’exprimait Honoré de Balzac- Aux hommes et femmes politiques, citoyens et acteurs de tous bords, amis et hôtes étrangers qui vivez parmi nous, cette exhortation du philosophe Emmanuel Kant, pour rappeler l’éthique, la bienséance et le sens de l’intérêt général : «Agis de manière à ce que la maxime de ton action puisse être érigée en loi universelle»

*Un éditorial portant sur la question de la succession du président Wade a déjà été publié dans l’édition du mardi 30 août 2005 dans les colonnes de Sud Quotidien sous ce titre.

sudonline.sn

2 Commentaires

  1. BABACAR TOURE NGANDA LEU PATRIOTE LEU KO BAKH NA SAMA NDIDJAYLEU JE LUI SOUHAITE CENT ANS IL N’Y PAS QUE « LES CLEFS DU ROYAUME DE WADE VICE VERSA’ MAIS IL YA AUSSI DU TEMPS DE DIOUF ; « WADE PERD ET GAGNE » il Y AAUSSI « NON MONSIEUR LE PRESIDENT » . BABACAR LA PROBITE ET LA CONSTANCE QUELQUE SOIT LES ENJEUX SAMBA LINGUERE!!!RESPECT!!!!!

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