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Les dessous de la guerre du tabac: Menaces sur 9,6 milliards de taxe

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La taille du marché n’ayant pas augmenté depuis une décennie, Philip Morris a profité de la stratégie fiscale de l’Etat pour baisser ses prix et s’aligner sur son concurrent direct pour lui grignoter des parts de marchés.Ainsi, au-delà du problème moral déduit de la baisse du prix des cigarettes Marlboro, se cache la guerre du tabac entre Philip Morris et Mtoa qui contrôlent à eux deux 99 % du marché sénégalais du tabac. 

La guerre du tabac aura bien lieu. Loin d’inciter les adultes à fumer davantage, la baisse du prix de la cigarette, constatée récemment sur la gamme commercialisée par Philip Morris Sénégal, cache mal la guerre du tabac entre cette dernière et son grand concurrent, la Manufacture des tabacs de l’ouest africain (Mtoa).

Jadis alliés lorsque la Mtoa commercialisait les cigarettes du second sous licence, leurs rapports se sont dégradés depuis que la multinationale a jugé nécessaire d’établir une usine au Sénégal, privant ainsi son partenaire d’une grosse part de marché. En effet, selon un document de la direction du Commerce intérieur, intitulé ‘Proposition d’évolution de la structure des droits d’accise sur les cigarettes au Sénégal’, trois marques de cigarettes produites localement (Marlboro, Excellence et Houston) se sont taillé 99 % du marché sénégalais. Et, jusqu’en octobre dernier, ces marques étaient groupées en deux catégories, à savoir celle Premium, où l’on retrouve les cigarettes de la gamme Marlboro de Philip Morris, et celle dite Economique avec les autres. La première, cataloguée cigarette de luxe, était taxée à 40 % tandis que la seconde, dite bas de gamme, l’était à 20 %.

Cette différentiation dans la taxation des cigarettes résulte d’une structuration des droits d’accises (impôt indirect perçu sur la consommation, Ndlr) appliqué depuis 2001. Laquelle est basée sur un système ‘multi-tiers’ selon lequel des taux d’imposition différents s’appliquent sur chaque catégorie de prix. Les augmentations successives de ces taux ont creusé l’écart d’imposition entre ces deux catégories, au désavantage de la classe Premium, au moment où le nombre de fumeurs est presque resté constant au Sénégal durant la dernière décennie. Ainsi, face à l’érosion des parts de marché de la marque Marlboro, résultant de l’écart de prix croissant rendu possible par le système de droits d’accises différenciés, Philip Morris Sénégal n’avait d’autre choix que de baisser le prix de vente au détail recommandé de cette marque de 650 à 400 francs Cfa en novembre dernier. Ce qui pourrait lui permettre d’accroître sa part de marché qui était, selon des chiffres officiels, de 39,9 % en 2010, avec 160 francs Cfa de droits d’accise sur chaque paquet de cigarettes, contre 45,8 % pour la gamme Excellence et 13,1 % pour Houston, tous de la catégorie Economique et avec des droits d’accises de 60 francs Cfa sur chaque paquet vendu.

Le nombre de fumeurs n’ayant presque pas augmenté en 10 ans, Philip Morris a ainsi préféré, avec la stratégie fiscale de l’Etat, s’aligner sur la concurrence pour être taxé à 20 % et grignoter sur les parts de marchés de son concurrent. Il espère ainsi faire adopter ses cigarettes aux fumeurs qui n’en avaient pas les moyens.

L’Etat, le grand perdant

Cependant, cette guerre du tabac entre la multinationale Philip Morris et la Mtoa pour le contrôle du marché sénégalais risque d’avoir des conséquences pour le Trésor public si l’Etat ne revoit pas sa politique de taxation de ce produit dont les effets néfastes sur la santé ne connaissent pas de gamme encore moins de catégories. Car, ce repositionnement de Philip Morris aura pour conséquence une baisse des droits de 100 francs par paquet sur l’ensemble des volumes de Marlboro. Et sachant que les volumes de vente d’octobre dernier de Philip Morris avaient, selon cette source, atteint 60,7 millions de cigarettes, c’est un manque à gagner pour l’Etat de 340 millions de francs Cfa par mois que ce changement de régime de taxation va induire. Ce qui va rendre incertaines les prévisions de collecte d’accises par l’Etat. Qui, selon des chiffres officiels, avait récolté 9,6 milliards de francs Cfa en 2010 sur l’ensemble des cigarettes vendues dans le pays.A noter qu’au Sénégal, le marché des cigarettes est soumis à une imposition globalement stable, avec une croissance moyenne des volumes annuels de 0,2 % entre 2002 et 2010.

Jusqu’en janvier 2002, la structure des droits d’accises sur les cigarettes au Sénégal était basée sur un système ‘ad valorem’ à un taux unique, c’est-à-dire un pourcentage appliqué sur la valeur des produits lors de leur première vente à la sortie de l’usine. Mais, depuis février 2002, cette structure a évolué vers un système ‘multi-tiers’ sur des taux ‘ad valorem’ différenciés selon les deux catégories de prix. Et selon le document, quand un gouvernement met en place un tel système, il subventionne indirectement les consommateurs qui choisissent les marques sur lesquelles le niveau de taxation est le plus bas. Ce qui fait que, entre 2002 et 2010, les revenus du gouvernement sont négativement impactés du fait des taux différenciés de taxation.

Seyni DIOP

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