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Les deux défis d’Alassane Ouattara

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Editorial. Alassane Ouattara aura finalement remporté son pari : se faire élire pour un second mandat, dès le premier tour, le 25 octobre, de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Il avait annoncé « un coup K.-O. ». Le président sortant l’a fait.
En Afrique, une victoire au premier tour n’est pas nécessairement un bon signe démocratique. Surtout avec un score « à la soviétique » de 83,6 %, tel que celui obtenu par Alassane Ouattara. Dans la Guinée voisine, la victoire au premier tour d’Alpha Condé, il y a peu, soulève ainsi de nombreuses interrogations quant à la transparence du scrutin. Sans parler des tripatouillages constitutionnels au Burundi, qui provoquèrent des violences ou de celles que l’on pourrait voir au Congo-Brazzaville, les présidents en place de ces deux pays ayant pour objectif d’obtenir à tout prix leur reconduction. Sans oublier, non plus, ces présidents à vie qui réduisent leur opposition au silence par la force ou grâce à des systèmes politiques viciés, comme au Tchad ou au Cameroun.
Rien de cela en Côte d’Ivoire. La réélection au premier tour du chef de l’Etat sortant intervient à l’issue d’un vote apaisé, reconnu, endossé par les observateurs sur place et l’ensemble de la communauté diplomatique internationale. Même si la logistique ne fut pas sans reproche le jour du vote. Mais l’on passe beaucoup de choses au président Ouattara, et personne n’insistera sur les manquements de ce scrutin. Fort de son score et d’un taux de participation honorable (près de 55 %), le président sort crédibilisé de ce scrutin. Il faut se rappeler, en effet, que la seule élection réellement pluraliste organisée en Côte d’Ivoire depuis l’indépendance fut celle de 2010 ; or elle se termina dans un bain de sang et une quasi-guerre civile.
Lire aussi : Alassane Ouattara face aux défis de son second mandat
Est-ce pour autant une véritable élection de sortie de crise ? Car l’autre gagnant de ce vote est le camp des pro-Gbagbo, l’ancien chef de l’Etat, qui dort aujourd’hui dans une prison de La Haye dans l’attente de son procès pour crimes contre l’humanité commis lors des violences, post-électorales justement, de 2010. Les radicaux du Front populaire ivoirien (FPI) aux yeux desquels c’est « Gbagbo ou rien » avaient appelé au boycott du scrutin. Il est difficile d’évaluer leur poids exact dans l’électorat, mais ils ne manqueront pas de s’attribuer les 46 % d’abstentionnistes. Et le fait est qu’ils représentent, jusqu’à présent, une part non négligeable de l’opinion publique, en rupture totale avec le pouvoir en place.
Ils incarnent le premier défi qu’Alassane Ouattara va désormais devoir relever : réconcilier le monde politique ivoirien, ce qu’il s’est refusé à faire durant son premier mandat, tout comme les pro-Gbagbo d’ailleurs. Cela doit passer, notamment, par la justice. Une justice qui ne soit pas seulement celle des vainqueurs par les armes de 2010, mais qui soit également capable de s’intéresser aux exactions commises, à cette époque, par les amis de M. Ouattara.
L’autre défi du prochain quinquennat est économique. La « locomotive d’Afrique de l’Ouest » est repartie sur de bons rails. Mais la population ne profite pas encore des fruits de la croissance retrouvée et attend que cette richesse soit mieux redistribuée. Sans quoi le risque est grand d’alimenter les frustrations, en particulier celles d’une jeunesse désœuvrée. Un nouveau mandat ne sera donc pas de trop. Mais Alassane Ouattara a dorénavant les cartes en main pour répondre à toutes ces attentes.

lemonde.fr/

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