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Les éclairages de Me Khoureysi Bâ sur l’annulation de la liberté provisoire accordée à Pape Ale Niang.

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« Par un communiqué qui se veut offensif, rédigé avec soin mais malheureusement non daté, le Parquet de Dakar a essayé tant bien que mal de donner une base légale et factuelle aux derniers développements ayant débouché sur :

-l’interpellation de PAPE ALLÉ NIANG,

-sa conduite devant le juge MAMADOU SECK du 2ème Cabinet chargé de l’instruction de son dossier

-la notification à lui faite par ce dernier de l’ordonnance de révocation du contrôle judiciaire sollicitée par le Procureur de la République

-et enfin le mandat de dépôt, sollicité également par le Procureur, le ramenant à la case départ.

Au début et à la fin de ce processus, on retrouve donc la figure centrale du parquet. En réalité la seule grille de lecture qu’offre ce communiqué aux allures de célébration d’un trophée acquis de haute lutte est qu’il met en exergue le souci obsidional de se laver à grande eau.

Tout cela participe en fait de la claire conscience qu’ont les rédacteurs de ce communiqué que le Parquet est sorti délibérément du chemin de la légalité et a erré en droit, emportant dans ses errements le juge d’instruction, lequel lui a rendu finalement un mauvais service en accédant à une demande nullement adossée sur le droit.

La seule vérité qui ne pourra jamais être occultée dans cette affaire est bien celle-ci : seul le juge d’instruction a le droit, la possibilité, la force, l’imperium de révoquer un contrôle judiciaire. Il le fait de sa propre initiative, sans aucune intervention extérieure des parties opposées : l’inculpé et le ministère public. La seule possibilité, le seul droit, la seule faveur dont disposent ces deux parties dans la phase d’instruction est de demander au juge la prise des mesures pour, soit l’adoucir et même pour le lever, soit pour le durcir. Cela résulte de la lettre et de l’esprit de l’article 127-ter.

Il est bon de rappeler que cet article a subi une nouvelle modification avec la loi 2020- 29 du 7 juillet 2020 introduisant l’assignation à résidence avec surveillance électronique comme alternative à la détention provisoire et le placement sous surveillance électronique comme mode d’aménagement des peines.

Dans sa mouture actuelle les mesures du contrôle judiciaire ont été portées à 16, le juge ayant la latitude d’ordonner l’observation de l’une ou plusieurs de ces mesures, étant entendu que « le contrôle judiciaire consiste pour l’inculpé à se présenter à intervalles réguliers fixés par le juge, soit à lui, soit à l’officier de police judiciaire qu’il désigne ».

Après le passage en revue des 16 mesures prescrites « pour empêcher que l’inculpé se soustrait à l’action de la justice ou éviter qu’il continue à commettre l’infraction pour laquelle il est poursuivi », le législateur sénégalais martèle la possibilité pour le juge « à tout moment de l’information, d’office ou sur réquisitions du Procureur de la République ou à la demande de l’inculpé, de prescrire de nouvelles mesures de contrôle judiciaire, modifier ou supprimer tout ou partie des obligations imposées à l’inculpé ».

127-ter précise que « la violation de l’une des mesures prescrites peut entraîner l’arrestation immédiate de l’inculpé suivie de son assignation à résidence avec surveillance électronique ou sa mise sous mandat de dépôt ».

Il n’est indiqué nulle part dans le texte dont se prévaut le communiqué que le Procureur de la République a la possibilité de requérir du juge qu’il révoque un contrôle judiciaire, qui est par essence l’affaire de ce juge. Et c’est le lieu de préciser à l’endroit de tous et de chacun afin que nul n’en ignore que le juge d’instruction est de facto le juge le plus indépendant et le plus puissant de tous dans un système qui fonctionne comme il se doit. A condition bien sûr de prouver son aptitude à pouvoir sans aucun mal se situer à l’exacte articulation du flic, du juge, du régulateur social et du dernier rempart pour le citoyen suspecté d’être en conflit avec la loi et qui attend d’être édifié sur son sort : être innocenté ou faire l’objet d’un renvoi en jugement.

Le seul cas de figure dans lequel le Parquet a la possibilité d’interférer dans la révocation d’un contrôle judiciaire est le suivant, prévu par l’article 127-ter du Code de Procédure Pénale. Ce cas, comme il est aisé de le constater, ne concerne pas le magistrat instructeur dans la mesure où ce dernier, son office terminé, serait depuis lors dessaisi du dossier :

« Si l’inculpé renvoyé devant une juridiction de jugement se soustrait, avant l’audience, aux obligations du contrôle judiciaire, le Procureur de la République peut saisir la Chambre d’Accusation qui peut appliquer les dispositions de l’alinéa précédent « …

In concreto cela induit que le Procureur a ici et ici seulement le droit de dresser un réquisitoire aux fins de révoquer un contrôle judiciaire et de solliciter la mise sous mandat de dépôt. Et que cette mesure est l’apanage du triumvirat de hauts juges composant la Chambre d’Accusation?, qui est la juridiction d’appel des cabinets d’instruction.

Le parquet aura beau se réfugier derrière toutes sortes de considérations, ce sera peine perdue, il ne convaincra personne. Il n’avait pas à dresser un réquisitoire pour exiger du juge qu’il ramène PAN en prison. Cela n’atténue en rien, soit dit en passant, l’attitude de refus du juge de prendre en compte les vives objections des conseils. Au demeurant la victime de ces errements va puiser dans cette injustice des forces supplémentaires pour y résister.

Le rôle prééminent de l’Etat, de tout Etat, est de rendre la justice. Au nom du Peuple. Et le procureur,le juge,hauts fonctionnaires et bras séculiers de l’Etat, doivent aider à y contribuer puissamment. Voilà la principale raison de vivre de l’Etat. Du coup cet Etat ne peut mettre en avant sa raison ou justifier comme qui dirait l’usage de la mitrailleuse pour annihiler les intentions d’un moucheron… Parce que la tentation serait grande d’invoquer la raison d’Etat. Et c’est ce que fait souvent l’Etat quand il n’a pas raison.

S’égosiller à tenter de convaincre après cela le Sénégalais lambda que la justice est rendue en son nom semble un exercice assez difficile. Quand les palais de justice sont bunkérisés, une ligne Maginot érigée sur les voies y menant, avec des barricades partout, les justiciables confinés, les troupes armées jusqu’aux dents mobilisées et déployées autour des axes stratégiques, qu’on lui permette d’en douter …

Par Me Khoureysi Bâ.

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