Bachar Al-Assad a assuré au secrétaire général de l’ONU que les opérations militaires en Syrie avaient cessé. Une affirmation que ses opposants ont aussitôt démentie, jeudi 18 août. Par ailleurs, la pression diplomatique s’accentue et les Etats-Unis appellent officiellement à la démission du président syrien dans la journée de jeudi.
A quelques minutes d’intervalle, le président américain, Barack Obama, et la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, ont appelé Bachar Al-Assad àdémissionner. « L’Union européenne note que Bachar Al-Assad a perdu toute légitimité aux yeux du peuple syrien et qu’il est nécessaire pour lui de quitter le pouvoir », a déclaré Mme Ashton.
Bachar Al-Assad, le 17 août à Damas.AFP/-
« Nous avons à maintes reprises expliqué que le président Assad devait mener une transition démocratique ou démissionner. Il ne l’a pas menée. Dans l’intérêt du peuple syrien, le temps est venu pour le président Assad de se retirer », explique M. Obama dans un communiqué, ajoutant que les Etats-Unis respecteront la volonté de changement du peuple syrien.
Barack Obama a également annoncé l’interdiction de l’importation de pétrole et de produits pétroliers de Syrie aux Etats-Unis, ainsi que le gel de tous les avoirs que l’Etat syrien pourrait avoir dans les territoires sous sa juridiction. De leur côté,Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et David Cameron ont, dans une déclaration commune, appelé à de « nouvelles sanctions fermes ».
En revanche, la Maison Blanche « n’a pas l’intention » de rappeler son ambassadeur en Syrie, Robert Ford. « Nous avons besoin de lui sur place », a déclaré le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, Tommy Vietor.
- « Crimes contre l’humanité »
Les « graves violations des droits de l’homme » en Syrie contre les manifestants« pourraient relever de crimes contre l’humanité », a indiqué jeudi un rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU.
Ce document évoque « un ensemble de violations des droits de l’homme constituant une attaque généralisée ou systématique contre la population civile ». Il appelle le Conseil de sécurité de l’ONU à « envisager de saisir la Cour pénale internationale sur la situation en Syrie ».
Le rapport a été compilé par une mission de treize experts des droits de l’homme mandatée par la haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Navi Pillay.
Les membres de la mission ont enquêté entre le 15 mars et le 15 juillet. L’« absence de coopération du gouvernement » ne leur a pas permis d’entrer en Syrie.« Sérieusement gênée » de ce fait, la mission a dû travailler dans quatre pays frontaliers pour obtenir des « informations crédibles et dignes de foi » de diverses sources, dont des milliers de réfugiés ayant quitté le pays durant les semaines précédant l’enquête.
Le rapport fait notamment état « de tortures et d’autres traitements dégradants et inhumains de civils par les forces de sécurité et l’armée, violant les obligations internationales de la Syrie aux termes de la convention contre la torture ».
Il relève « une apparente volonté de tirer pour tuer, la plupart des blessures par balles des victimes ayant été localisées dans la tête, la poitrine et généralement la partie supérieure du corps ».
« Tant les forces armées que les forces de sécurité sont impliquées dans la répression des manifestations pacifiques » note le rapport, indiquant que celles-ci« ouvrent souvent le feu sans discernement sur des civils, sans sommation et à courte portée ».
Le Conseil des droits de l’homme tiendra, lundi, une session spéciale sur la situation dans le pays, à la demande de l’Union européenne, des pays arabes, et des Etats-Unis.
- « Les opérations militaires et policières ont cessé »
Lors d’une conversation téléphonique avec le président syrien, mercredi, Ban Ki-moon a exigé que « toutes les opérations militaires et arrestations de masse cessent immédiatement ». Selon le porte-parole de l’ONU Farhan Had, le président syrien a assuré que les « opérations militaires et policières avaient cessé ».
Bachar Al-Assad a également affirmé qu’une mission humanitaire de l’ONU « aurait accès à différents sites ». M. Ban s’est félicité de cette décision, exhortant les autorités à autoriser l’accès à « toutes les zones touchées par les violences ».
Il a également « exprimé son inquiétude face aux dernières informations faisant état de violations répandues et continues des droits de l’homme et de l’usage excessif de la force par les forces de sécurité syriennes contre les civils »
- La répression se poursuit, affirment les opposants
Selon de nombreux opposants syriens, les opérations militaires menées par lepouvoir n’ont pas été suspendues.
Des opposants habitant à Homs, Hama et à la frontière turque ont indiqué que l’armée était en activité dans ces villes. A Homs, des milices pro-Assad auraient ainsi abattu deux hommes après les prières du Ramadan.
Selon des habitants de Lattaquié, l’armée et la police ont lancé une offensive contre les quartiers sunnites depuis ce week-end. Elles auraient arrêté et conduit des centaines de personnes dans un stade de la ville mercredi.
« Assad essaie de convaincre la Turquie que les attaques sont terminées, a affirmé un diplomate occidental cité anonymement par l’AFP. Cela pourrait aussi l’aider àtranquilliser les Etats-Unis, en pensant qu’il est possible une fois encore d’empêcher Washington d’appeler à son départ. Mais les opérations n’ont même pas été arrêtées. »
Des soldats brandissent des photos de Bachar Al-Assad, à Deir el-Zour, lors d’une manifestation organisée par le gouvernement.AP/Bassem Tellawi
- Réunion du parti Baas sur les « réformes »
Le comité central du parti Baas – au pouvoir dans le pays depuis 1963 – s’est réuni mercredi pour la première fois depuis le début de la révolte. Le président Assad y a affirmé que « la Syrie restera forte, continuera de résister et ne renoncera pas à sa dignité ni à sa souveraineté ». Selon le quotidien Al Watan, proche du pouvoir, le parti Baas devait « prendre des décisions dans le but de renforcer le processus de réforme ».
M. Assad a d’autre part souligné la nécessité de faire participer « les différentes sections de la société » au processus de réformes. Le chef de l’Etat affirme qu’elles« ont été introduites non pas à la demande de la communauté internationale, mais parce que les Syriens étaient convaincus de leur nécessité », rapporte l’agence officielle d’information SANA. Selon cette agence, les participants à la réunion ont estimé que cela n’était « pas possible sans le rétablissement de la sécurité » dans le pays.
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