Il y a quatre ans, après l’élection de Trump, je vous disais dans une chronique parue dans ce journal que «Trump était soluble dans l’Amérique», parce que l’Amérique a des institutions fortes. Lors de sa tournée africaine, le Président Obama disait à juste titre que «L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes». Cette leçon que Obama donnait à l’Afrique et l’arrivée de Trump au pouvoir démontrent ironiquement la sagesse du Grand Sénèque qui disait : «Long est le chemin des préceptes, court celui de l’exemple.» Mieux que les longs préceptes de Obama, l’Amérique découvrit le court exemple des institutions solides, car le pays a résisté à l’ouragan Trump, qui a désacralisé les fondamentaux de la vieille démocratie américaine, qui est en train de perdre son âme. L’âme de cette démocratie réside dans le fameux «Nous le Peuple», les premiers mots du texte constitutionnel américain.
Ce fameux Peuple qui, selon qu’on soit partisan du melting-pot ou du salad bowl, faisait que tout le monde se sentait américain malgré les diversités inhérentes à ce pays d’immigrants. En quatre ans, Trump a réveillé pour des raisons politiciennes toutes les vieilles fractures et blessures de l’Amérique, dont certaines remontent à l’esclavage et à la guerre de sécession. L’Amérique n’a jamais été aussi divisée et fracturée avec les Noirs contre les White supremacists, les élites de la côte Est et Ouest contre l’Amérique profonde, Wasp contre Hispaniques et Noirs. A posteriori, la résurgence de la question ethnique, raciale, montre que les années de Obama et le «Yes we can» relèvent plus d’une parenthèse miraculeuse que d’un vrai changement ou d’une victoire d’une Amérique ouverte sur une Amérique fermée. Le duel entre Trump et Biden est aussi un face-à-face entre les deux Amériques, entre celle ouverte de Biden qui promet de réintégrer l’accord de Paris sur le climat, de discuter avec l’Iran et renouer avec l’Oms, d’opter pour une patience stratégique avec la Corée du Nord, en lieu et place du bluff stratégique de Trump. Bref, renouer avec les vertus du multilatéralisme, et celle fermée de Trump, fondée sur l’unilatéralisme, les humeurs et les instincts de Trump.
La parenthèse Trump aura été dévastatrice pour le leadership américain dans le monde. Sous Trump, les Etats-Unis sont devenus une puissance relative dans les affaires internationales, et qui est tombé de son piédestal dans le monde occidental, alors que depuis 1945, les Etats-Unis ont toujours été le leader naturel du monde occidental. Tout l’Occident se mettait automatiquement derrière le champion du monde libre. Cette rupture entre les Etats-Unis et le monde occidental s’explique par l’égoïsme national de Trump, avec son «America first» qui fait perdre automatiquement à l’Amérique son leadership moral. Ce rôle et la place de l’Amérique seront l’un des enjeux de cette Présidentielle, même si les questions de politique extérieure n’ont jamais été déterminantes dans le choix d’un Président aux Etats-Unis, sinon Clinton ne l’aurait jamais remporté devant Georges Bush père.
Clinton l’avait emporté grâce à l’économie qui est toujours déterminante dans une élection américaine. Cette fois, le «virus chinois», comme aime à dire Trump, a mis l’économie à terre. Si Trump perd, ce sera en grande partie à cause du coronavirus qui montre aux Américains un pays si fragile, alors que Trump avait promis de redonner à l’Amérique sa grandeur. Le corona a montré que «Make America great again» aura été un fake news dans la téléréalité du Trump show qui aura duré 4 ans. Et après quatre ans de téléréalité, on n’est pas loin de l’overdose.
Yoro Dia
Journaliste et analyste politique