Entourés de près d’une bonne quinzaine de conseillers spéciaux, le président Macky Sall est pour autant critiqué sur bon nombre de décisions prises et actes posés. Est-il entouré de bons conseillers ? Ou jouent-ils simplement un rôle de figuration ? EnQuête les présente dans leurs profils bien »spéciaux ». Ils viennent de partout, avec des expériences totalement différentes…
Souleymane Jules Diop: »Le chroniqueur »
Journaliste et chroniqueur à la fois, Souleymane Jules Diop s’est fait un nom en s’opposant farouchement au défunt régime d’Abdoulaye Wade. Ses premières armes, il les fera au quotidien Wal Fadjiri. Un passage fort remarqué, surtout dans l’affaire Cosenam, qui l’opposera alors à Abdourahim Agne, au sommet de sa puissance, en 1997.
Mais Souleymane Jules Diop s’éloignera petit à petit du journalisme pour flirter avec la politique. Conseiller en communication et proche collaborateur d’Idrissa Seck, il fut contraint de s’exiler au Canada pendant de très longues années pour échapper aux Wade. C’était un des effets collatéraux de ce que la presse d’alors avait qualifié de…desseckisation. A Montreal, Souleymane Jules Diop, électron libre, mène une vie en solitaire, clavier en main. Sa popularité sur le net fait rapidement de lui le chouchou de beaucoup de Sénégalais.
Sauvagement agressé en 2008 à Chicago par la garde présidentielle, il ne s’est pour autant jamais plié. Ce n’est qu’à la chute de Wade et l’accession de Macky Sall à la tête du pays qu’il va rentrer au bercail. D’abord nommé Chef du bureau économique du Sénégal à Bruxelles, il héritera plus tard de la Cellule de Communication de la présidence de la République où il remplace le journaliste El Hadj Hamidou Kassé.
El Hadji Hamidou Kassé: »Le philosophe »
Conseiller spécial du président de la République avec rang de ministre, il a été auparavant chef de la cellule de communication de la présidence de la République où il a été destitué récemment. Mais il sera vite bombardé président du comité scientifique du 15e sommet de la Francophonie.
Journaliste doublé de philosophe et d’écrivain, El Hadji Hamidou Kassé a fait ses armes au groupe Sud-Communication, puis au magazine L’Espace avant d’atterrir au quotidien national le soleil qu’il a dirigé en tant directeur général, au tout début de l’alternance. Il a aussi été dans l’équipe de communication du président malien Amadou Toumani Touré avant d’intégrer le pool de communication du candidat Macky Sall. El Hadj Hamidou Kassé a réussi à installer une certaine opinion sur Macky Sall dont il a prédit la victoire, deux ans avant la présidentielle de 2012.
Ses débats dans les grands restaurants de Dakar où se retrouvait une certaine classe intellectuelle, raisonnent encore dans l’esprit de beaucoup de personnes qui ne croyaient pas en la victoire. Doté d’un bon flair, El Hadj Hamidou Kassé, également écrivain, a un côté rêveur qui semble le déconnecter de la réalité. Mais c’est juste une apparence.
Abou Abel Thiam: »le manœuvrier »
Cumulativement Conseiller spécial et porte-parole du président de la République Macky Sall, Abou Abel Thiam est sur tous les fronts pour défendre le président de la République. C’est à Wal Fadjiri qu’il peaufine ses armes. Son compagnonnage avec le président de la République date de longtemps. Il a été son chargé de communication à la Primature puis à la présidence de l’Assemblée nationale.
Le président Macky Sall éjecté du perchoir, il a atterri au quotidien Kocc avant de revenir à la présidence de la République dès l’élection de Macky Sall à la tête du pays. Il fait partie des fidèles de l’Apr. On lui reproche un déficit d’ouverture par rapport aux nouveaux venus. Mais Abou Abel Thiam reste redoutable en manœuvres ; le politique ayant pris le dessus sur le journaliste. Il a un sens de l’humour qui cache une ténacité hors pair.
Ibrahima Ndoye: »Un dur à cuire »
Né le 5 octobre 1971 à Déni Birame Ndao dans le département de Rufisque, le journaliste Ibrahima Ndoye est le conseiller spécial du président de la République qui a roulé sa bosse un peu partout dans l’administration sénégalaise. Diplômé de la Faculté des sciences juridiques et politiques, il a intégré en octobre 1992 le Centre d’études des sciences de l’information (CESTI) où il a obtenu son diplôme supérieur de journalisme.
D’abord journaliste au journal hebdomadaire Le Témoin, puis au groupe COM 7 où il a occupé les postes de chef du desk politique à la radio 7 Fm et grand-reporter au quotidien INFO 7, Ibrahima Ndoye s’envolera en France où il a suivi une formation à l’École internationale de création audiovisuelle et de réalisation (EICAR) de Paris. Après un détour aux États-unis, il rentre en 2001 au bercail pour intégrer la Radiodiffusion télévision sénégalaise (RTS) comme reporter, puis rédacteur en chef, chargé des relations avec les institutions, conseiller du directeur général, rédacteur en chef chargé des rubriques Culture, Santé et Éducation, chef de la cellule Communication et Relations publiques, chef de département.
De là, il atterrit à l’Assemblée nationale comme chargé de la cellule audiovisuelle. Cumulativement à ces fonctions, il a été nommé direction de la Communication au niveau de la Coordination générale de la troisième édition du Festival mondial des Arts nègres. Entre 2004 et 2005 il a été conseiller en communication puis conseiller aux arts et à la culture du Premier ministre de l’époque. Conseiller rural à Diender, il a également exercé les fonctions de directeur de la communication et de l’information, chargé des relations publiques au Conseil économique et social du Sénégal. Ibrahima Ndoye fréquente activement Macky Sall depuis une dizaine d’années.
Abdoul Aziz Diop: »le politologue »
Néo-apériste, Abdoul Aziz Diop est diplômé de l’École doctorale régionale africaine (EDRA) de droit et de la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Enseignant doublé d’un analyste de contenu du discours politique, il s’est révélé au grand public par ses chroniques au Magazine »La Gazette ». Mais aussi de par son engagement au sein du Mouvement du 23 juin (M23) qui a beaucoup contribué à la destitution du président Abdoulaye Wade.
Nommé ministre-conseiller auprès du président de la République le 9 juillet dernier, il a aussitôt intégré l’Alliance pour la République (Apr) du président Macky Sall et devient de moins en moins critique sur la gouvernance du pays. Féru de Sciences politiques, il a enseigné à l’Institut supérieur des sciences de l’information et de la communication (Issic), du groupe Sud-Communication. Il fait aujourd’hui partie des plus grands défenseurs de la mouvance présidentielle, essaimant la presse privée de contributions plutôt bien tournées.
Pr Ismaïla Madior Fall: »le constitutionnaliste »
Nommé le 18 avril dernier, ministre-conseiller spécial du président de la République, chargé des affaires juridiques, le professeur Ismaïla Madior Fall est l’un des rares constitutionnalistes qui avait défendu bec et ongles que le président Abdoulaye Wade n’avait pas le droit de se présenter pour un troisième mandat présidentiel.
Sa présence auprès du président de la République en tant que conseiller peut se comprendre dans la mesure où le nouveau pouvoir est très attendu sur les réformes institutionnelles qu’exige le peuple pour éradiquer le tripatouillage constitutionnel vécu sous l’ère Wade. Président du comité de pilotage de la réforme sur l’acte III de la décentralisation composé de 20 membres, son avis peut beaucoup servir à la Commission de réforme des institutions dirigée par Amadou Makhtar Mbow.
Chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, il est l’auteur d’ouvrages comme »Les révisions constitutionnelles au Sénégal: Révisions consolidantes et révisions déconsolidantes de la démocratie sénégalaise (2011) », et »Evolution constitutionnelle du Sénégal : de la veille de l’indépendance aux élections de 2007 (2009) ».
Hamidou Dia, »le littéraire »
Conseiller spécial chargé des questions de la littérature et d’intégration africaine, Hamidou Dia est à la fois philosophe, romancier, essayiste, réalisateur, chroniqueur et critique littéraire. Professeur hors classe de philosophie, il a dispensé des cours pendant 36 longues années en France et au Canada. Titulaire d’un DEA en Sociologie de la culture, de la connaissance et des idéologies en 1980 à Paris, il a pour tâche d’aider à réorienter la politique du régime de Macky Sall pour l’intégration africaine. Très connu du milieu artistique et culturel, il est chercheur sur la tradition orale et la philosophie africaine et vice-président de l’association des écrivains du Sénégal. Ndiaga Mbaye à qui il a consacré un Mémoire de maîtrise est son chanteur préféré.
Youssou Touré : »le syndicaliste »
Enseignant doublé d’un syndicaliste, Youssou Touré a été en premier lieu bombardé président du Conseil d’administration de la Banque de l’habitat du Sénégal. Cette nomination ayant soulevé beaucoup de contestations, il a été muté à la présidence de la République où il a été casé comme ministre-conseiller spécial du président de la République. Militant de première heure au sein du parti présidentiel, il a été l’un des plus grands pourfendeurs du régime d’Abdoulaye Wade. C’est avec la même hargne qu’il défend Macky Sall. Souvent jusqu’à l’excès…
Zahra Iyane Thiam, la proximité
Sa nomination à la présidence de la République comme conseiller spécial du président de la République est plus perçue comme une récompense. Secrétaire général de l’Union pour le développement du Sénégal/Innovation (Uds/Innovation), Zahra Iyane Thiam est membre de la coalition électoraliste qui a porté le candidat Macky Sall au second tour de l’élection présidentielle de février 2012. Définissant elle-même sa fonction comme celle de conseil, d’alerte, d’anticipation et d’écoute, elle se veut »les yeux, les oreilles, les pieds ou la main » du président de la République. »Partout où lui ne peut pas accéder, nous nous devons d’y être, de voir les difficultés des populations pour l’alerter sur certains sujets », avait-elle déclaré dans un récent entretien accordé à EnQuête.
Magatte Ngom, »baay faal »
À l’image de Zahra Iyane Thiam, Magatte Ngom est également un allié de Macky Sall dans la coalition Macky 2012. Leader d’un parti politique peu familier des Sénégalais à savoir la Nouvelle intelligence pour le développement de l’Afrique (NIDA), sa nomination comme conseiller spécial du président de la République est également perçue comme une récompense politique. Il fait parti des défenseurs les plus acharnés de Macky Sall. Plusieurs fois il est monté au créneau pour s’attaquer à Benno Bokk Yaakaar (BBY), une coalition qu’il juge hétéroclite. Sa position s’arrime sur une légitimité qu’il réclame par rapport à ceux qui sont venus après le premier tour de la présidentielle de 2012.
Abdourahmane Ndiaye, le bon flair
Militant libéral de première heure, Abdourahmane Ndiaye a suivi Macky Sall, alors défenestré non seulement du perchoir de l’Assemblée nationale mais aussi du Parti démocratique sénégalais (Pds). Secrétaire administratif de l’Alliance pour la République (APR) depuis sa création, Abdourahmane Ndiaye est casé à la présidence de la République comme conseiller spécial en charge des questions politiques. Il est connu pour ses prises de position pour défendre les intérêts de son parti et du président de la République. Très discret, il est considéré comme un homme politique lucide qui analyse froidement les situations.
Dans une des rares interview accordée à la presse, au Quotidien précisément, il livre les clefs du succès de Macky Sall : »l’Apr a fait un travail réaliste, stratégique et ciblé. Nous avions deux avantages au départ. Nous avions été humiliés à l’Assemblée nationale. C’est vrai que ce n’était pas agréable, mais, stratégiquement, nous avions accepté de faire durer le supplice. C’est comme si quelqu’un te poursuivait et t’insulter publiquement, il ne manquerait pas qu’un passant le retienne pour qu’il cesse ses insultes. Donc, le fait qu’on te «victimise» en public suscite de la sympathie. Et plus ça dure, plus la sympathie s’installe et s’accroît. Il s’agissait maintenant en trois ans de transformer cette sympathie en suffrages ». Tout un programme…
Baaba Diaw »Itoc », le milliardaire
Il est plus célèbre dans le milieu des affaires que chez les populations. ITOC sa, dénommée International Trading Oil and Commodities Corporation qu’il a créée en 1987, est une société multinationale qui a su s’imposer dans le négoce. Le pétrole, gaz butane, le fuel, Diaw Itoc est connu dans l’affaire très étriquée de l’Energie. Natif de Thiès, il est membre fondateur d’Oryx.
Féroce en affaire, sa nomination comme conseiller spécial avait été mal vu par l’opinion du fait des collusions d’intérêts que cela peut créer. Baaba Diaw qui connaît l’essentiel des hommes politiques du Sénégal est d’une grande discrétion. Baaba Diaw pèse plus de 200 milliards de francs Cfa.
Jacques Diouf, l’expérienté
Son nom avait été cité comme possible Premier ministre dès les premières heures de la victoire de Macky Sall en mars 2012. Mais Jacques Diouf, ancien Directeur général de l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao) est non seulement le plus âgé des conseillers spéciaux de Macky Sall mais aussi celui qui a le meilleur curriculum. Né en 1938 à Saint-Louis, il est diplômé de l’École nationale supérieure d’agronomie de Grignon en France et de l’École nationale d’application d’agronomie tropicale à Nogent-Paris. Jacques Diouf étrenne une longue expérience professionnelle depuis 1963 qu’il est dans le milieu de l’Agriculture…
S’il a occupé plusieurs postes prestigieux au niveau des Nations-Unies, il a aussi été, de 1985 à 1990, le secrétaire général de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (BCEAO) alors dirigé par Alassane Ouattara. Puis de 1990 et 1991, il est conseiller spécial de Charles Konan Banny, Gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’ouest. Mais bien avant cela, Jacques Diouf a été secrétaire d’État à la recherche scientifique dans le gouvernement du Premier ministre Abdou Diouf (De 1978 à 1983). Auteur de plusieurs publications, Jacques Diouf est titulaire d’un doctorat ès sciences sociales du monde rural (Économie rurale) de la Faculté de droit et de sciences économiques de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
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