Il y a quelques jours, je discutais avec des jeunes de mon quartier à propos des prochaines élections municipales. Le constat était unanime : notre maire ne joue pas son rôle et sa présence ne se fait pas sentir par ses administrés. D’ailleurs, je ne saurais le reconnaître si je le croisais dans la rue. Je vois en cela des signes de la distance, de plus en plus grande qui existe entre les politiciens et les populations.
Il arrive des périodes où notre quartier ne dispose pas de lampadaires, ce qui contribue à augmenter le sentiment d’insécurité. Cela est plus prégnant au cours de la saison sèche, où il fait noir très tôt le soir et jusqu’à très tard le jour. J’entends souvent des personnes dire comment elles craignent de sortir durant ces moments. Que les rues soient éclairées est un minimum que les mairies doivent assurer à leurs administrés. Si une administration municipale ne peut réussir cela, pourrait-on décemment l’appeler ainsi ?
Ces élections locales (municipales) doivent être l’occasion d’encourager une véritable démocratie locale, créer les conditions pour que le maire soit à l’écoute des populations afin de satisfaire leurs doléances. Pour cela, les citoyens doivent bien le choisir, sur des critères comme la compétence, la vision, l’intégrité.
A l’occasion des fêtes religieuses, la mairie distribue des vivres aux populations démunies de la commune. Je ne suis pas contre cela, toutefois je doute de leur efficacité. Offrir 50?000 francs Cfa à une famille défavorisée une fois par an, ne contribue pas à éradiquer la misère, mais donne l’impression d’une figure politique toute-puissante, dont la population devrait dépendre. Guelewar, l’acteur principal de la célèbre pièce de théâtre de Ousmane Sembene, dénonçait les tares de la dépendance et montrait comment elle nuit, à terme, à la capacité d’une population de pouvoir s’autonomiser.
Plutôt que d’octroyer des aides ponctuelles aux couches démunies, il faut investir dans leur éducation, leur santé, les accompagner dans leur entrepreneuriat. Ces investissements permettront à terme, de développer sa capacitation. Les mairies disposent de moyens limités, mais qui, bien gérés, contribueraient à créer un avenir meilleur pour leurs administrés.
Beaucoup d’élèves au Sénégal vont à l’école sans disposer de fournitures, sans prendre de petit-déjeuner. Il leur est difficile dans ces conditions, de réussir leurs études. Comment les mairies pourraient-elles les aider ? En mettant en place des cantines scolaires qui permettraient à tous les enfants de la municipalité, de se restaurer gratuitement et en procédant à des distributions gratuites de fournitures.
Ces actions ne porteront pas leurs fruits aujourd’hui certainement, mais à terme, elles permettront une montée en compétence des populations. Ces enfants représentent le futur de la commune. S’ils étudient dans de bonnes conditions, ils auront plus de chance de réussir leur vie. En outre, ils grandiront avec une mentalité différente : ils auront à cœur d’améliorer la situation de leurs quartiers, ils y investiront demain, ils seront des mécènes plus tard. Cela créera un cercle vertueux : les quartiers deviendront plus propres, mieux entretenus, les entreprises s’y installeront, ce qui résorbera le taux de chômage.
J’écrivais plus haut sur l’insécurité. Elle est prégnante aujourd’hui au Sénégal, et parfois dans des quartiers qui disposent de commissariat de police. Un problème doit être résolu dès qu’il survient, ce qui est la méthode la plus efficace pour y mettre fin. Si on le laisse prendre de l’ampleur, il deviendra de plus en plus difficile d’y remédier. C’est l’impression que me donne le problème d’insécurité au Sénégal. Le paradoxe est que je vois plus de policiers sur les routes qu’en train d’effectuer des rondes dans les quartiers. Leur mission de garantir la sécurité des populations, n’est-elle pas plus importante et n’entraînera-t-elle pas des retours plus élevés demain ?
Nous avons engagé dans notre quartier, des vigiles pour assurer notre sécurité. Nous cotisons mensuellement pour les payer. Une mairie à l’écoute de sa population aurait pris pareille initiative ou aurait, en concertation avec le commissariat de police le plus proche, trouvé des solutions créatives afin d’assurer la sécurité de ses gouvernés.
Nous réclamons une approche innovante dans la gestion de la cité. Nous réclamons une administration municipale qui est constamment à l’écoute de la population, et pas uniquement à l’approche des élections. Nous réclamons une administration municipale qui participe à la montée en compétence de ses administrés, en investissant sur eux, car comprenant que demain, cela contribuera à augmenter ses ressources.
Si une administration répond à ces requêtes, elle verra à terme, comment la commune deviendra agréable à vivre, comment les entreprises voudront s’y implanter, comment les populations prendront plaisir à y habiter. Il est parfois arrivé que des mairies réussissent ces transformations et cela donne des résultats remarquables. La ville de Medellín, qui était hier le principal centre de la drogue en Colombie et réputée pour sa grande insécurité, est aujourd’hui classée parmi les cités les plus innovantes et les plus agréables à vivre dans le monde.
Un projet, qui me tient très à cœur et qui, si mis en place, participera à l’égalité des chances, est la création de bibliothèques de quartier. Le livre contribue à l’élévation d’une population, en permettant aux couches démunies d’accéder au savoir. En écrivant que nous vivons dans un monde de connaissance, je n’apprends rien aux lecteurs de cet article. Je déplore toujours que la bibliothèque de mon quartier soit fermée depuis des années, alors qu’elle aurait pu être tellement utile pour permettre aux couches démunies de disposer d’un lieu où se cultiver et trouver le calme qui fait parfois défaut dans leur maison.
Je souhaiterais que toutes les municipalités du Sénégal mettent en place des bibliothèques. Elles verront rapidement les résultats prodigieux que cela entraînera. Les livres accroissent l’ambition, détruisent les limites que pourrait nous faire croire notre milieu de naissance, et à la longue, donnent le sentiment que nous pourrons nous élever et briser le plafond de verre. Pour cela, ils doivent être à la portée de tout un chacun.
La municipalité étant le premier échelon de la démocratie, il est important que ses titulaires puissent être à l’écoute de leur population et prendre en compte leurs préoccupations. Cela requiert un maire présent, qui s’enquiert des besoins de ses administrés et s’évertue de les satisfaire. En résumé, un maire visionnaire qui comprend que s’il investit sur sa population, il créera les conditions pour accroître la prospérité de sa commune. Si cela devient la norme, le visage du Sénégal changera favorablement, car la médiocrité dans la scène politique, sera remplacée par l’excellence, la compétence et la vision.
Moussa Sylla