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Les OMD apres 2015: definir des indicateurs adaptes aux besoins de l’Afrique Par Moubarack LO

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Le 25 septembre dernier, le Secrétaire général des Nations Unies a convié les Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays membres a un Sommet spécial sur les OMD. Treize ans auparavant (en 2000), les dirigeants de la planète s’étaient mis d’accord pour adopter une stratégie commune sous forme d’une «Déclaration du Millénaire ».

Huit objectifs du Millénaire (OMD) furent alors adoptés, concluant toute une série de conférences et de sommets internationaux organisés dans les années 90, notamment:
le Sommet mondial de l’alimentation en 1996 (réduire de moitié la faim en 2015);
la Conférence internationale sur la population et le développement (Caire, 5-13 septembre 1994). Un plan sur la population et le développement a été établi pour être mis en œuvre par tous les pays lors de cette Conférence;
la quatrième conférence sur la femme (Beijing, 1995);
la Conférence internationale sur l’environnement: Copenhague (décembre 2009) et Afrique du Sud (décembre 2011).

Les sept premiers objectifs visent à éradiquer l’extrême pauvreté et la faim, assurer l’éducation primaire pour tous, promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle, combattre le VIH/Sida, le paludisme et autres maladies infectieuses et assurer un environnement durable. Le huitième objectif encourage et recommande la mise en place d’un partenariat global pour le développement, assorti d’objectifs spécifiques en matière d’aide internationale efficace, de relations commerciales et d’allègement des dettes.

Intérêt et limites des OMD

L’intérêt principal des OMD réside dans ce que la fixation de cibles précises à atteindre en 2015, et la définition de cibles intermédiaires, contribue à donner plus de cohérence et plus d’orientation vers les résultats aux politiques de développement des pays en développement et notamment africains. L’intégration des OMD dans les documents de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) a grandement facilité leur opérationnalisation dans les budgets des pays, à travers des allocations pour les secteurs prioritaires, en particulier sociaux, et l’engagement accru de la communauté internationale en faveur de l’Afrique à travers l’aide publique au développement. De fait, la plupart des pays ont pu améliorer certains de leurs indicateurs sociaux dans la décennie 2000-2010.

Toutefois, les premières évaluations de ces conférences (5 et 10 ans après) ont révélé que des progrès minimes ont été réalisés mais que les objectifs assignés ne sont pas atteints. De même, il ressort de l’évaluation générale des progrès accomplis en Afrique en 2012, sur le front des OMD, qu’en dépit des avancées positives dans l’ensemble, les résultats restent mitigés, selon l’indicateur utilisé et le pays concerné, tant et si bien que le rythme global de la progression ne suffira pas à garantir la réalisation des OMD avant la date cible de 2015. Sur 60 indicateurs, seuls deux (le taux net de scolarisation dans le primaire et le taux de scolarisation des orphelins par rapport aux non orphelins âgés de 10 à 14 ans) sont presque certains d’être réalisés.

Cette timide et modeste progression globale de l’Afrique sur la voie de la réalisation des OMD masque cependant de fortes disparités entre les divers groupes sociaux et les différentes régions. On constate en particulier que les gains obtenus au niveau de l’ensemble des indicateurs sont faussés, car ils ne concernent que certaines catégories de la population comme les couches les plus aisées et les populations urbaines. Les inégalités d’accès aux services publics (éducation, santé, eau et assainissement) aggravent davantage la marginalisation des groupes exclus de la société. Cet état de fait a été reconnu dans le Document final de la réunion de haut niveau sur les objectifs du Millénaire pour le développement, qui préconise de s’atteler aux inégalités comme un moyen efficace pour garantir que les progrès soient étendus à l’ensemble des segments de la population.

Cette situation, que d’aucuns peuvent caractériser de contre-performance de l’Afrique, s’explique par plusieurs facteurs: i) faiblesse des conditions initiales; ii) objectifs trop ambitieux; iii) fréquence des chocs exogènes; iv) capacités insuffisantes des gouvernements et des administrations publiques; v) déficiences dans les choix budgétaires et manque d’efficience dans les dépenses publiques, etc.

En vérité, la conception des OMD pose elle-même problème, en ne tenant pas compte des différences de situation entre pays, en se focalisant uniquement sur l’atteinte des cibles et en ne valorisant pas assez les progrès marginaux effectués par les pays.

L’après 2015

En perspective de l’après 2015, trois écoles de pensée se dégagent aujourd’hui:
L’école de ceux qui souhaitent prolonger, de quelques années, le délai de 2015, en gardant les mêmes indicateurs et les mêmes cibles;
L’école de ceux qui suggèrent d’ajuster légèrement les OMD existants, en introduisant de nouveaux indicateurs;
L’école de ceux qui prônent un changement profond d’approche, en repensant entièrement la problématique OMD.

En tout état de cause, les réflexions menées dans le cadre de la plate-forme «RIO+20» devraient aboutir à la proposition d’un nouveau cadre de suivi du développement, à travers des indicateurs sociaux, environnementaux et institutionnels.
Il s’y ajoute que la démarche OMD n’accorde pas suffisamment d’importance à la dimension économique qui est à la base du progrès social. Il est donc crucial de dépasser le cadre strict des huit OMD définis et de penser le phénomène du développement comme un tout cohérent et indivisible. Car, l’adage dit qu’on ne gère pas ce qu’on ne mesure pas. Il est donc indispensable d’élargir la perspective des indicateurs du développement, en veillant à les mettre en cohérence avec les théories de la croissance et du développement des nations, et à prendre en compte l’ensemble des dimensions du développement. Telle est du reste la Vision du programme NEPAD (Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique) de l’Union africaine.

Le Nepad est basé sur les principes directeurs ci-après : (i) appropriation africaine et leadership ; (ii) promotion et protection des droits humains, de la bonne gouvernance et de la démocratie ; (iii) la fondation du développement de l’Afrique sur les ressources et l’ingéniosité des Africains, avec un développement centré sur l’homme ; (iv) la canalisation des ressources pour une exploitation de qualité comme quantifiée par les études sur l’impact de développement et aux objectifs des consommateurs ; (v) la promotion de l’égalité entre les sexes/genres ; (vi) l’accélération et le renforcement de l’intégration économique régionale et continentale ; (vi) la construction de nouvelles relations de partenariat entre les Africains, et entre les Africains et la Communauté internationale et plus particulièrement avec le monde industrialisé; (vii) la mise en œuvre des programmes de développement holistiques et intégrés pour l’Afrique.

Cette vision du Nepad est donc en phase avec la nécessité d’élargir les indicateurs et de les considérer dans une optique de développement à long terme. Elle pose également comme exigence que les Africains s’approprient eux-mêmes leur développement et conservent donc le choix initial des indicateurs à mesurer et à suivre.

Dans le cadre des discussions sur l’Après 2015, il est donc de la plus haute importance que les pays en développement (d’Afrique et d’ailleurs) proposent la première version des indicateurs du développement à suivre aux niveaux national, régional et mondial. Un dialogue pourra ensuite être ouvert pour améliorer cette première proposition et s’entendre sur la batterie d’indicateurs à considérer ainsi que sur leur niveau de suivi (national, régional ou mondial).

Choix des indicateurs

L’adage dit que l’on ne contrôle que ce que l’on mesure. Pour les pays pauvres, il est donc nécessaire de choisir une large gamme d’indicateurs pertinents, fondés sur leurs besoins de développement global. Du reste, c’est ainsi que tous les pays africains procèdent lorsqu’ils élaborent leurs stratégies de développement national et/ou de lutte contre la pauvreté. Tous ces documents déclinent en annexe un tableau d’indicateurs et, parfois, une liste restreinte d’indicateurs. Toutefois, on note une insuffisante convergence entre les pays africains dans le choix des indicateurs suivis, que les spécificités nationales n’expliquent que partiellement.

Les réalités et besoins de développement étant très voisins, il est envisageable de développer un cadre complet pouvant servir de référence pour le choix des indicateurs du développement en Afrique, que chaque pays pourra adopter et ajuster légèrement pour tenir compte des réalités nationales. L’Union africaine, la Commission Economique pour l’Afrique et la Banque Africaine de Développement, en relation avec d’autres partenaires intéressés, pourraient faciliter ce dialogue entre les pays africains qui pourra résulter, durant l’année 2013, d’une position africaine sur l’Après 2015 ainsi que sur le Cadre africain de référence pour les indicateurs de développement (CARID).

Les dimensions du développement en Afrique

Il est possible d’identifier sept dimensions groupant les principaux facteurs de développement des nations africaines:
La dimension humaine: i) l’accès au savoir pour tous; ii) la promotion du genre; iii) la gestion du dividende démographique.
La dimension infrastructurelle: iii) l’accès universel à l’eau potable, à l’assainissement, à l’électricité, aux TIC, à l’habitat et aux services de transport de qualité.
La dimension environnementale: la gestion du changement climatique, la lutte contre la pollution, l’efficience énergétique, la préservation de la biodiversité.
La dimension de l’intégration sous-régionale et régionale.
La dimension institutionnelle: le renforcement des institutions publiques et sociales.
La dimension économique: i) un cadre macroéconomique stable, ii) une croissance forte et régulière, iii) une capacité de diversification et de transformation.
La dimension sociale: i) une bonne alimentation de la population, ii) une bonne santé pour tous; iii) une bonne protection sociale des groupes vulnérables, iv) des emplois et des revenus décents pour tous; v) la protection de l’enfance; vi) la préservation et la valorisation du patrimoine culturel.

Ces dimensions peuvent également être présentées dans une optique de gestion stratégique du développement. A la base et aux racines du développement de l’Afrique, il y a la paix, la sécurité et la bonne gouvernance. Il s’agit d’un préalable qui conditionne la réussite de toute œuvre de développement véritable. Constituent également des bases fondamentales et des leviers du développement, d’autres facteurs comme la protection de l’environnement, le développement du capital humain, de la technologie et des infrastructures, ainsi que le cadre réglementaire des activités économiques, l’intégration régionale et le partenariat. La mise en place de ces leviers permet au pays considéré de satisfaire les conditions initiales lui permettant de converger avec les pays émergents, et donc de réussir à obtenir une croissance économique rapide, un tissu économique diversifié et intégré dans les réseaux mondiaux, tout ceci dans un cadre macroéconomique sain. C’est le tronc de l’arbre de la qualité de vie et le pilier fondamental du développement.
Les richesses ainsi créées permettront ensuite au pays concerné de créer des emplois décents et des revenus pour ces populations, sur toute l’étendue du territoire, et de satisfaire leur demande en services sociaux et, in fine, de leur garantir un bien-être social et une bonne qualité de vie..

Démarche pour le choix des indicateurs de l’après 2015

Pour le choix des futurs indicateurs, il conviendrait d’intégrer les indicateurs OMD au niveau des sept dimensions mentionnées ci-dessus. Ensuite, il faudrait identifier de nouveaux indicateurs, en exploitant notamment les données disponibles au niveau international. Ceci constituerait une bonne base de discussion. Les services statistiques, les universitaires et les praticiens du développement pourront l’enrichir et obtenir un consensus constitutif du Cadre Africain de Référence pour les Indicateurs du Développement (CARID).

Suivi des indicateurs

Le suivi des indicateurs du développement, identifiés dans le Cadre Africain de Référence pour les Indicateurs du Développement CARID , devrait être graduellement effectué à différents niveaux: international, régional ou national. Le nombre d’indicateurs suivis augmenterait au fur et à mesure qu’on s’approche des populations qui sont les buts ultimes du développement.
Le niveau international ne devrait être concerné que par une liste très restreinte d’indicateurs de base que chaque pays doit suivre pour assurer une vie digne à l’ensemble de ses citoyens. Il s’agit d’un minimum standard à laquelle la communauté internationale doit veiller pour que chaque citoyen puisse y avoir accès. Telle était du reste l’idée de base des OMD, avant qu’ils ne soient progressivement élargis pour inclure une large gamme d’indicateurs et à pertinence inégale et peu difficile à réaliser par l’ensemble des pays dans le délai fixé. Ainsi, plutôt que d’augmenter le nombre d’indicateurs, pour mieux prendre en compte les autres facteurs de développement, le niveau international devrait plutôt faire un meilleur tri des indicateurs existants, pour ne conserver comme indicateurs de base des OMD qu’une dizaine d’indicateurs clés d’intérêt universel, dont la réalisation permettrait de réduire la pauvreté et de mettre les pays sur la voie du développement. Les huit OMD actuels demeurent pertinents en tant que tels, mais il faudrait mieux sélectionner leurs cibles et les indicateurs qui leur sont liés.
Au niveau régional et sous-régional, le suivi concernerait, en plus des indicateurs identifiés au niveau international, une seconde catégorie d’indicateurs dont la réalisation favoriserait, à travers la mise en œuvre de politiques structurelles, l’amélioration des facteurs de compétitivité globale des pays et les préparerait au stade de pré-émergence (ce sont les OMD +). Ces politiques structurelles concernent notamment: l’enseignement secondaire, technique et supérieur, les infrastructures, le cadre macroéconomique, les marchés financiers régionaux, les politiques d’intégration régionale, la bonne gouvernance, le transfert de technologie et la mise en valeur des savoirs endogènes.
C’est au niveau national que les politiques ciblées de soutien à la croissance et à l’emploi peuvent être efficacement menées. C’est donc à ce niveau que les indicateurs de l’émergence devront être suivis (ce sont les OMD ++). Les régions les plus avancées dans le domaine de l’intégration régionale (comme la CEDEAO en Afrique de l’Ouest) pourraient envisager d’intégrer également ces politiques dans leur système de suivi des indicateurs. Enfin, le soutien à l’innovation participe de la recherche du développement total. Du fait de son caractère de long terme, il s’agit également d’une ambition purement nationale.

En vérité, la gestion de ces paliers de développement n’est pas linéaire. Au contraire ils s’imbriquent. Il ne s’agit pas pour le pays de ne se préoccuper dans un premier temps que la lutte contre la pauvreté, avant de ne pouvoir prendre en charge les politiques de croissance et de création d’emplois ou le renforcement des capacités d’innovation. De fait, un dosage politique approprié dans tout pays, même pauvre, doit inclure des éléments compris dans chacun des paliers du développement. Seul change le degré de hiérarchisation des différents éléments (notamment dans les arbitrages budgétaires).

Par Moubarack LO
Président
Institut de l’Emergence

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