Les paysans sénégalais ne sont-ils pas en danger? (Par Dr Ahmed Khalifa Niasse)

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La Loi Foncière, telle qu’elle existe actuellement au Sénégal et telle qu’elle est appliquée par l’ Administration, fait des paysans ( 70% de la population du pays) des parias sur leurs terres. Des SDF, des homeless, comme le disent les Américains.
Ils sont sans abri. Parce que la loi permet à l’ Administration de leur enlever leurs abris et les terres desquelles ils vivent pour les donner, les attribuer à qui elle veut. Que ce soit par Décret, Arrêté, Délibération. Toutes ces « diableries » sous lesquelles le paysan n’a aucun droit. Aujourd’hui on est en train de chasser les Sérères de leurs terres ancestrales. Par la simple volonté de celui qui a le pouvoir de signer un de ces actes.
Ce pouvoir là doit disparaître à jamais. Il n’y aura d’indépendance réelle que le jour où les personnes physiques auront un droit de propriété inaliénable sur les terres ancestrales. D’ailleurs, des années avant que la loi sur le Domaine National ne couvre la région de Dakar les Lebous( habitants de la dite région) avaient un droit ancestral sur les terres de la presqu’île. Moi-même, il y a de cela quarante cinq ans, j’ai eu à acquérir des terrains par ce biais au niveau des notables Lebous. Ces notables étaient les propriétaires de ces terres. Ils les avaient héritées de leurs ancêtres. Avec des papiers sous seing privé. Avec l’accord pour me céder, à titre onéreux, ces terrains. Cela ne fait l’objet d’aucun doute. L’historique de ces acquisitions( qui ont duré des dizaines d’années ( morceau par morceau)) circule sur internet. Mais rien que pour régulariser ces papiers il a fallu trente ans pour obtenir un bail.
Ce qui est vraiment extraordinaire dans ce processus c’est qu’un papier puisse faire vingt cinq ans entre la Direction des Domaines ( rue Carnot) et le Ministère des Finances( à quelques centaines de mètres).
Les gens peuvent se réveiller un jour et qu’on leur dise qu’il y a un Décret qui leur enlève leurs terres pour les donner à d’autres. Quels que soient ces autres là.
Voici mon point de vue sur la question.
Si les paysans pouvaient avoir des titres de propriété sur leurs terres ancestrales ou même des permis d’exploitation cela les protégerait. Et obligerait les éventuels investisseurs à payer à ces gens pour occuper une partie de ces terres ancestrales. Mais ils ne seraient pas chassés comme des malpropres. Avec des bulldozers et la force publique comme soutien. Cela ne devrait pas se produire.
Je propose même un référendum pour régler cette question. Sinon aucun paysan ne sera plus en sécurité dans ce pays. Que ce soit au Saloum, au Sine, au Fouladou, au Walo, au Baol, au Cayor…… On ne serait même pas en sécurité sur les terres de ses ancêtres. Qui ont vu naître nos ascendants, qui nous ont vu naître et qui verront nos enfants et petits-enfants naître.
Les motivations pour céder les terres d’autrui ne répondent à aucune norme. Ne sont encadrées par aucune loi. Car n’est pas une loi un écrit qui est flou et qui ne précise rien.
Il ne faudrait pas, dorénavant, pour l’État, quelle que soit l’importance du projet, que les dix millions de Sénégalais chassés de leurs terres en payent le prix. Même si ledit projet pourrait créer un million d’emplois.
Le prix à payer pour le développement du Sénégal ne doit pas être la perte des terres ancestrales.
L’heure est grave.
Mon ami, le Président, a déjà, depuis longtemps, organisé son « injoignabilité ».
Ce qui vient d’être dit est aussi une lettre ouverte. Pour lui dire qu’on ne fait pas tout ce qu’on veut lorsqu’on est à la tête de la République. Mais, au moins, ce qui est sensé.
On a assez créé d’injustice comme ça.
Les terres de la zone de Diamniadio sont les meilleures du Sénégal. Ce sont des terres argileuses qui ont nourri ce pays pendant des années. Pendant des siècles , je dirais même. On les attribue à d’autres personnes aujourd’hui à la place des vrais propriétaires. Leurs propriétaires à titre ancestral.
Pourquoi ne dirait-on pas aux éventuels investisseurs : » Si voulez des terres à Diamniadio mettez-vous d’accord avec les propriétaires traditionnels de la zone et fixez une base. Cinq mille, six mille francs le mètre carré, par exemple. Et si vous êtes d’accord l’acte produit pourra être authentique ».
Ce, avant que l’État ne passe à la régularisation de certaines situations.
Personnellement je crois au dicton qui dit qu’on ne fait pas le bonheur des gens malgré eux.
Aujourd’hui il y a une résurgence de la volonté de nuire pour le compte de ses amis. Ou de ceux qu’on considère comme tels. Si ce n’est pour ceux qui sont dans les bonnes grâces des compétences décisionnelles.
Même les bénéficiaires de cette spoliation, pour des raisons morales, ne devraient pas accepter d’acquérir ces terres.
Je suis aujourd’hui à ma soixante quatorzième année. Mais je n’ai jamais accepté d’être le bénéficiaire d’un Décret qui m’attribue les terres d’autrui. Les terres que je possède je les ai d’abord acquises à titre coutumier. À ceux qui les exploitaient. Parce que je ne pouvais pas forcer les gens à me les donner. Je suis ensuite passé à la phase de régulation administrative.
Aujourd’hui j’ai un terrain dans la zone du Lac Rose pour lequel j’ai déjà payé des centaines de millions. Je paye annuellement des dizaines de millions à titre locatif.
Un politicien que je ne nommerai pas( mais que tout le monde connaît) en avait déjà parlé lors d’un meeting électoral. Par manque d’honnêteté il n’a pas dit que lui-même faisait partie des signataires du bail qui m’a été attribué. Pour la bonne raison que les inspecteurs des Impôts et Domaines du secteur sont cosignataires des dossiers qui passent à la CCOD. Dont il était.
Aujourd’hui la population du Sénégal est en danger. Lorsque vous habitez dans ce qu’on appelait les Quatre Communes et leur extension vous êtes sécurisés. Personne n’y viendra exproprier des dizaines de propriétaires, des quartier entiers parce qu’il y a un investisseur. Ce dernier pouvant être de n’importe quelle nationalité. Si cela se réalisait un Polonais, un Américain ou autre pourrait racheter la société qui y serait érigée ou en être l’actionnaire principal. Et par là devenir le propriétaire de nos terres à notre place.
C’est gravissime.
La première propriété de l’homme c’est la terre sur laquelle il est né.
Ce point doit être étudié par les politiques parce qu’ils sont censés être la conscience du peuple. Aucune entité de ce pays ne doit occulter ce problème. Administration, Société Civile, familles religieuses……
Sinon habiter au Sénégal, y exploiter ses terres équivaudrait à s’installer sur un volcan éteint. À tout moment il peut se réveiller.
Déjà les millions de paysans vivent la réalité de la pauvreté. Semi famine permanente, insécurité sanitaire, inaccessibilité à l’eau potable, à l’électricité, aux routes. Ajoutez-y un chômage de huit mois par an. Sans oublier l’insécurité domaniale.
Les lois quand elles deviennent folles on en fait ce qu’on fait des personnes qui le deviennent. On les attache.
Ouvrons un débat sur les vrais problèmes du pays.

De Ahmed Khalifa Niasse

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