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Les problèmes viennent de nous, les solutions sont en nous : pour un sursaut citoyen au Sénégal (Par Aly Guéye Niang)

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«Etre citoyen, ce n’est pas seulement exercer son droit de vote, c’est agir au quotidien et s’engager activement dans la vie en société, pour le bien-être de tous et le vivre-ensemble.»
La citoyenneté pourrait signifier le droit de participer aux décisions relatives à la communauté politique. Cependant, il est important de souligner qu’il n’existe pas une définition exhaustive de la notion de citoyenneté. Dans cet article, nous allons retenir trois caractéristiques essentielles.
La première est relative à la reconnaissance officielle de droits et de devoirs chez le citoyen. La seconde caractéristique renvoie à la capacité de l’individu de s’extraire de ses appartenances, sans les renier, pour embrasser une organisation plus large. Enfin, la dernière caractéristique est liée, d’une manière intrinsèque, à la liberté individuelle.
L’idée de la citoyenneté est inspirée de la cité antique, qui définit le citoyen comme celui qui participe à la communauté politique, notamment en exerçant son droit de vote, d’où la formule célèbre de Rousseau : «la loi exprime la volonté générale». Cependant, ce concept a beaucoup évolué. Il a été enrichi par des réformes constitutionnelles successives…, qui ont, en quelque sorte, renforcé les droits des citoyens. L’article 3 de la Constitution du Sénégal affirme que «la souveraineté appartient au Peuple sénégalais qui l’exerce par ses représentants ou par la voie du référendum». Par ailleurs, le principe d’égalité revêt, lui aussi, un caractère éminemment structurant, dans le statut de citoyen. «L’égalité des citoyens devant la loi, sans distinction d’origine, de race ou de religion.» Ce principe stipule d’autres points tels que l’égalité de la loi fiscale, l’accès à l’emploi, à l’éducation, etc. Autre­ment dit, il y a 3 grands principes de la citoyenneté. D’abord, la civilité : il s’agit de respecter les autres citoyens (politesse, etc.), mais également le matériel public (transports, bâtiments, etc.), afin de mieux vivre ensemble. Ensuite, le civisme : c’est, à titre individuel, le fait de respecter et faire respecter les lois et les règles et de reconnaître ses devoirs envers la société. C’est un comportement personnel qui va faire passer l’intérêt général avant son propre intérêt. Enfin, la solidarité : il s’agit de s’ouvrir aux autres, généralement les plus démunis et les plus fragiles, pour leur apporter de l’aide.
La citoyenneté est soumise à une dualité, à savoir un certain nombre de droits et de devoirs. Ces droits doivent être exercés avec liberté et responsabilité. En ce qui concerne les devoirs, ils doivent être tout d’abord compris et respectés. Le premier devoir d’un citoyen est de connaitre la loi. L’adage disait que «nul n’est censé ignorer la loi». Cette maxime doit être comprise comme la nécessité, pour tout citoyen, de connaître les règles de vie en société. Ces règles peuvent être des lois sociétales ou juridiques. Par ailleurs, un citoyen doit connaître et respecter les symboles républicains : l’emblème national, les institutions, le drapeau, etc.

Cette idée de citoyenneté est-elle compatible avec la sociologie socio-culturelle sénégalaise ?
La citoyenneté exige d’aligner les comportements socioculturels et religieux aux valeurs républicaines et la culture du travail. L’idée de développement exige forcément une citoyenneté active, responsable et rationnelle. Au Sénégal, la citoyenneté renvoie uniquement à une élection, en dehors des périodes de scrutins, le Sénégalais cesse d’être un citoyen pour redevenir un simple habitant. Ce dernier peut être défini comme : un être vivant qui peuple un lieu. Autrement dit, quelqu’un qui n’apporte rien de nouveau à son environnement et qui ne s’en préoccupe que très peu ; tout le contraire de ce que doit être un citoyen. Le concept de participation est au cœur de la citoyenneté et demande une exigence et une responsabilité personnelle, avant de pointer du doigt les manquements des gouvernants. Prenons quelques exemples de faits récurrents aux antipodes de la citoyenneté : les dépôts d’ordures sur la voirie, la destruction des biens publics, le gaspillage d’eau ou d’électricité, les réseaux clandestins de branchement d’électricité, etc. Tous ces actes relèvent de la responsabilité unique des populations, car ces dernières vivent dans un cadre sans se préoccuper de l’Etat et du devenir de celui-ci. «Le citoyen, c’est celui qui participe, de son plein gré, à la vie de la cité. Il partage, avec ses concitoyens, le pouvoir de faire la loi… le pouvoir d’élire et, le cas échéant, d’être élu. Si tu fais la loi, il est normal que tu lui obéisses. Cela s’appelle le «civisme». Et si tout le monde s’arrangeait pour ne pas payer d’impôts, il n’y aurait plus de gendarmes, ni de lycées, ni d’hôpitaux, ni d’éboueurs, ni d’éclairage public, parce qu’il faut de l’argent, à l’Etat ou à la ville, pour entretenir tous ces services.» Régis Debray – La République expliquée à ma fille, 1998. Cette citation résume bien les enjeux de la citoyenneté et de son importance dans une république. Elle sous-entend également l’importance du rôle que pourrait jouer l’éducation dans la citoyenneté.

L’éducation à la citoyenneté, une piste de solution face à la crise de la citoyenneté active au Sénégal
Le constat est sans équivoque ; l’éducation au Sénégal est en perte de vitesse constante. Frappée par une crise endémique, des grèves cycliques, l’Ecole sénégalaise a perdu de sa superbe. Or, aucun pays ne peut se développer sans une école performante, capable de former de bons citoyens, aptes à remplir leurs tâches dans leur futur poste.

Le parcours citoyen, un modèle intéressant pour le Sénégal ?
Le parcours citoyen s’adresse à des citoyens en devenir qui prennent conscience de leurs droits, leurs devoirs et responsabilités. Adossé aux enseignements, en particulier l’enseignement moral et civique (Emc), l’éducation aux médias et à l’information (Emi), il concourt à la transmission des valeurs et principes de la République, en abordant les grands champs de l’éducation à la citoyenneté. Ce modèle pourrait être renforcé en intégrant les principes religieux sur le comportement du citoyen modèle. Cependant, il appartiendra aux experts de l’éducation de définir le bon curriculum, afin de faire passer le message.

La vulgarisation du modèle «Touba ca kanam», un modèle sénégalais et citoyen.
Touba ca kanam est un modèle de développement communautaire initié par des jeunes habitants de la ville sainte de Touba. Un projet de développement communautaire peut être défini comme une action réalisée dans un objectif socio-économique, orienté vers la satisfaction d’un besoin collectif de base (alimentation, santé, éducation, travail, infrastructures de base, information, connaissances, etc.), d’une communauté d’hommes et de femmes, leur permettant de s’épanouir dignement. «Il tente d’en valoriser les qualités (ressources, atouts, valeurs), d’en minimiser les handicaps, d‘en contourner les contraintes.» (Daniel, 2003 : p.1). Il implique des groupes d’intérêts divers, notamment des membres de la communauté, autorités locales et agents externes d’appui technique et financier. Contrai­rement au principe du modèle communautaire qui, dans plusieurs cas veut que l’Etat national, à travers ses structures déconcentrées, intervienne en général par ses apports financier et technique, «Touba ca kanam» a lancé un système inédit d’un financement participatif communautaire (par les mourides). Le caractère innovant de ce modèle se situe sur la capacité exceptionnelle à mobiliser des fonds, mais aussi à capter l’attention de chacun autour de ce projet. Par ailleurs, ce modèle mobilise également l’expertise des sympathisants dans tous les domaines d’intervention du projet. Il fonctionne sur la base du volontariat et du bénévolat. Exemple : un ingénieur des travaux viendra offrir son expertise gratuitement, etc.
Plusieurs villes du Sénégal pourraient s’inspirer de ce modèle citoyen inédit au monde. Il garantit non seulement une efficacité et une efficience, mais aussi la participation de tout le monde autour de la construction de son quartier ou de sa ville. Cependant, la difficulté de ce type de modèle se situe sur la capacité à réunir les citoyens autour d’un objectif commun et à susciter l’intérêt de chacun, du fait des divergences de visions (par exemple). Pour ce faire, nous pensons qu’il est important de réunir les acteurs d’un quartier ou d’une ville autour de plusieurs thématiques ou problématiques, selon leurs centres d’intérêt. Exemple : créer des associations autour de la gestion des ordures en lien avec la commune ou une association autour de l’environnement, etc. L’idée est de regrouper les gens autour des thématiques qui les intéressent. Ainsi, la création de plusieurs pôles de thématiques pourrait déboucher sur la prise en charge complète de tous les problèmes liés au quartier ou à la ville. Ce type de démarche nous paraît beaucoup plus réalisable. Par ailleurs, ce modèle doit fonctionner sur la base du bénévolat. Ainsi, chaque pôle sera dirigé par un expert certifié en la matière qui aura la charge de coordonner les activités. Le financement sera également participatif.
Le Sénégal a beaucoup d’efforts à faire dans le domaine de l’éducation, notamment en ce qui concerne l’initiation et la formation des masses sur les principes de la citoyenneté. Il s’agit d’un enjeu crucial de développement. Seul un bon citoyen sera capable de porter, avec succès, les ambitions de développement d’un pays en développement, comme le Sénégal. Dans ce sens, il nous faut d’abord comprendre les principes de base de la citoyenneté, les apprendre, les appliquer sur tout ce que nous faisons, et qu’ils soient perceptibles à travers notre manière d’être, de faire, d’agir, etc. Pour cela, il semblerait pertinent de commencer par la base, à savoir les quartiers. Organisons-nous en association, mettons en place des projets, avec ou sans l’aide des élus, mettons-y rigueur et détermination ! Apprenons comment fonctionnent nos collectivités, quel doit être le rôle d’un maire, quelles sont ses prérogatives, missions, domaines de compétences. Bref faisons l’effort d’en connaître le plus possible ! D’un autre côté, exigeons la mise en place de dispositifs de participation qui sont à l’ère de la gouvernance actuelle : tels que le budget participatif dans nos communes1 ou l’enquête publique2. Le citoyen ne pourra être exigeant que lorsqu’il aura fait les efforts nécessaires afin de se former. Ainsi, il aura non seulement les capacités de comprendre son environnement, mais il pourra également le gérer avec intelligence.
La citoyenneté active et la citoyenneté de veille permettront non seulement de tendre vers un développement local, mais elles peuvent également être une solution pour mettre fin à la politique électoraliste de certains élus.
Aly Gueye NIANG
Chargé de développement local durable 
[email protected]

1 Le budget participatif est un processus de démocratie participative dans lequel des citoyens peuvent affecter une partie du budget de leur collectivité territoriale, généralement à des projets d’investissement
2 Est procédure d’enquête publique préalable aux opérations susceptibles d’affecter l’environnement

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