« Les pyramides d’Egypte, symboles de l’échec de l’Afrique » Quand Madiambal se laisse « inspirer » par des musés borgnes. (Par Alassane K KITANE).

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« LES PYRAMIDES D’ÉGYPTE, SYMBOLES DE L’ÉCHEC DE L’AFRIQUE »
QUAND MADIAMBAL SE LAISSE « INSPIRER » PAR DES MUSES BORGNES
Monsieur Madiambal Diagne, dans une sorte d’archéologie du mal africain, a
accompli un véritable voyage dans le temps, remontant jusqu’à la civilisation
égyptienne antique pour ancrer ce mal dans une sorte d’insouciance politique et
culturelle qui caractériserait les chefs africains. Pour Monsieur Diagne, les chefs
d’Etat africains actuels, comme les pharaons, résument le destin de leur peuple
et de leurs Etats à leurs caprices et autres festivités liées à la couronne. En
somme, Madiambal reproche aux Africains d’avoir hérité de leurs ancêtres le
culte de la personnalité du roi, le primat accordé à la royauté sur le royaume,
l’incivisme des leaders et l’absence d’une culture de la planification dans leur
manière de gérer la cité. Le gigantisme des pyramides s’explique, selon le
journaliste, par le souci égotique des pharaons à réaliser leur rêve d’éternité :
« Chaque pharaon passait sa vie à édifier la plus grande pyramide, la plus majestueuse ou
la plus prestigieuse pour y reposer éternellement. Il ne se trouve pas dans l’histoire de
l’Egypte ancienne ou dans l’histoire du monde noir un souverain qui a laissé à sa suite une
infrastructure communautaire qui fasse encore rêver. Tout était centré et dévolu à la gloire
personnelle du souverain. Le postulat semblait être que la vie des Peuples africains
s’arrêtait avec la mort de leur souverain. »
Cette lecture superficielle de l’histoire n’est pas propre à Madiambal Diagne :
chaque fois que de grands hommes ont entrepris des grandes œuvres, ils ont été
critiqués et par leurs contemporains, et par les peuples qui sont venus après eux.
Mais ce que les tenants d’une telle posture semblent oublier, c’est que, pour
prendre l’exemple des pyramides, leur construction à elle seule nécessite ou
présuppose une organisation étatique (recrutement d’architectes et de
travailleurs, collectes d’impôts, administration etc.) très élaborée. Madiambal
devrait savoir que la construction de tels édifice requiert un savoir faire
accumulé durant des millénaires. Que de telles compétences fussent au service
d’un homme, c’est critiquable, mais ça n’a rien de particulier dans l’histoire de
l’humanité. Aussi longtemps qu’on remonte dans le temps, les grandes œuvres
ont été réalisées par de grands hommes qui ont tout ramené à leur pouvoir. La
critique contemporaine à ces œuvres gigantesques est normale, elle leur est
même consubstantielle. Mais là où le bât blesse, c’est quand on veut s’en servir
pour faire des généralisations et spéculer sur le sort des Africains.
Et le plus dramatique dans l’analyse du journaliste, c’est qu’il semble ne pas
comprendre qu’à côté des pyramides, il y a un système d’irrigation et
d’agriculture autour du Nil qui permettait à l’Egypte d’être à l’époque une
véritable puissance mondiale. Le plus faux dans l’analyse de Monsieur Diagne,
c’est qu’il semble réduire le règne des pharaons à la quête de gloire et

d’immortalité alors que toutes les sciences sont nées dans cette partie du monde.
Il lui aurait suffi de lire le chapitre XVII de Civilisation ou Barbarie pour
comprendre que les anciens Egyptiens n’ont pas seulement légué à l’humanité
des pyramides. C’est archifaux ! Les religions révélées doivent beaucoup aux
cosmologies et aux anthropogenèses égyptiennes. Mieux, Cheikh Anta Diop a
démontré que l’essentiel de la cosmologue de Platon développée dans le Timée
est un plagiat de la cosmologie égyptienne. La philosophie, les mathématiques,
etc. nous sont léguées par les Egyptiens. Si les présocratiques ont séjourné, des
années durant en Egypte, ce n’était point pour s’extasier devant des pyramides,
c’était pour être initié aux différents savoirs que les Egyptiens avaient
développés sous l’autorité des pharaons. Monsieur Diagne gagnerait à méditer
cette phrase de Hegel : « Ces grands hommes semblent obéir uniquement à leur
passion, à leur caprice. Mais ce qu’ils veulent est l’universel ». Derrière la manie
des grandeurs se trouve une providence souterraine qui fait progresser le monde.
En s’activant pour leur propre destinée, les grands hommes réalisent des destins
qui dépassent parfois leur territoire ainsi que leur époque.
« Aucun acquis économique ou d’infrastructure n’aura à profiter aux générations
suivantes. Qui peut montrer une route, une école, une université ou même une maison
habitable laissée par un souverain africain à son successeur ? »
Monsieur Madiambal reproche aux Pharaons de ne pas avoir créé des écoles, des
ponts et des universités. Il faut d’abord rappeler que nous sommes entre 4000 et
3000 ans avant Jésus-Christ et qu’un système éducatif comme celui créé par
Napoléon au 19 e siècle n’était guère envisageable. Ensuite, remarquer que c’est
faire preuve d’ignorance manifeste que de dire que les pharaons n’avaient pas
légué d’école : les « prêtres » égyptiens enseignaient l’arithmétique, les fables,
la lecture et la religion aux enfants issus de classes hautes sociales, tandis que
les enfants du bas peuple étaient formés à devenir des fonctionnaires de l’Etat.
Comment d’ailleurs un Etat peut-il exister et se maintenir sans infrastructure ?
« L’Universel doit se réaliser par le particulier » aurait répondu Hegel à
Madiambal Diagne si jamais il appliquait sa réflexion à l’histoire occidentale.
Alexandre de Macédoine a été critiqué et présenté comme ayant une manie de la
conquête dans le seul but d’accroitre son empire, Bakary II comme un captif des
nuées… Pourtant leur « folie » a littéralement changé la face du monde.
Et comme pour absoudre les crimes que sont la traite négrière et la colonisation,
Madiambal nous sort cette réflexion qui a tout l’air d’être une porte dérobée de
l’esprit :
« Les Africains sont assez prompts pour se trouver des excuses, comme l’esclavage ou la
colonisation européenne. Force est de dire que quand la civilisation égyptienne déclinait, il
n’avait point encore été question de traite négrière ou de colonisation ».

Ces lieux communs de l’histoire sont dangereux surtout lorsque cela vient d’un
africain : l’histoire a une dimension idéologique manifeste, ce qui n’enlève rien
à sa valeur en tant que science. Entre l’erreur et la vérité il y a souvent la
confusion et celle-ci est plus dangereuse que toutes les illusions. On entretient
une confusion en ponctionnant une partie des faits ou de la vérité qu’on
amalgame avec du faux pour lui donner l’apparence de sérieux. Les politiciens
sont les grands spécialistes de ce genre de mystification. Que des Africains aient
vendu leurs propres frères à des esclavagistes venus d’ailleurs, personne n’en
doute. Que tous les peuples aient pratiqué l’esclavage est une évidence. Que des
nations suffisamment armées eurent inventé la traite des esclaves de façon
industrielle, c’en est une autre. Que la colonisation eût été une déstructuration à
la fois politique, économique et culturelle de l’Afrique, c’est indéniable ! En
revanche mettre un quelconque rapport entre ces faits et le déclin de l’Egypte
relève de la prestidigitation intellectuelle.
Les causes de la régression politique et intellectuelle de l’Afrique sont en partie
connues : la question est moins cette régression que l’absence de continuité
historique visible entre l’ancienne Egypte et l’actuel Afrique. Or dans ce
domaine, il suffit de lire Nations nègres et Cultures pour comprendre : les
vestiges du passés sont parfois pris dans un réseau de connexions et
d’interconnexions tellement dense qu’il est difficile de démêler tous les rapports.
Et quand le traumatisme des crises et la négation de la mémoire viennent
s’ajouter à la difficile quête de la vérité historique, il y a des chances que le lien
entre le présent et le passé soit invisible pour les pressés et les paresseux.
Sans doute extasié par le plaisir de s’en prendre à la grandeur des pharaons,
Monsieur Diagne s’enfonce dans un dénigrement anachronique : « Pourtant,
l’histoire enseigne combien avait été rude la vie des Peuples égyptiens pendant que les
pharaons ne se privaient de rien ».
J’ai failli croire qu’il voulait subrepticement nous peindre la bamboula de la
famille présidentielle qui s’est emparé de notre pays depuis 2012. Non
Madiambal, ce que vous croyez décrire remonte à plus de trois mille ans avant J-
C : le scandale, ce n’est pas que des pharaons aient vécu de façon si
ostensiblement opulente, c’est plutôt que des chefs d’Etat africains du 21 e siècle
vivent comme des pharaons ! Alors parlez-en pour au moins donner du souffle à
ceux qui s’activent présentement pour que cela cesse.
« Au Sénégal par exemple, on nous conte toujours l’histoire emblématique de ce roi du
Kajoor qui faisait la fête à longueur de journée entre la bonne «chair et la boisson» qu’on
devine «alcoolisée». Il peut arriver de se vanter de ses origines «ceddos », qui sont
synonymes de libertinage, de prodigalité, de goût du lucre et de la bombance ».

Là encore Monsieur Diagne commet une imposture historique pyramidale. Les
Ceddo étaient plutôt des guerriers, des Gor, de braves gens fortement imbus du
sens de l’honneur, de la dignité et de l’amour passionnel du pays et de celui qui
le symbolise à savoir le roi. Reprocher aux Ceddo des fastes occasionnels pour
justifier le retard économique de l’Afrique c’est comme reprocher à toute la
population européenne les abus sexuels des colons en Afrique. Le butin des
guerriers a toujours été une cause d’abus dans l’histoire des guerres. La
prodigalité n’est pas exclusivement Ceddo, blanche, noire ou jaune : elle est
humaine.
« Qu’ils sont tristement célèbres nos rois ! Allons au royaume d’Abomey, actuel Bénin !
Depuis 1625, ils étaient douze rois sanguinaires à se succéder et qui avaient fini par ruiner
leurs Peuples. Comme s’ils rivalisaient de cruauté. Ils pratiquaient la traite des esclaves, le
culte du sang et se préoccupaient uniquement d‘entretenir leur cour avec faste et de faire la
guerre. Ils disposaient de la vie et des biens de leurs sujets. Ils héritaient des morts. Ils
dépouillaient leurs sujets pour mener leur train de vie. »
Ce qui est triste, c’est de se focaliser uniquement sur ces quelques rois
sanguinaires de l’Afrique alors qu’il y en avait d’autres bons et loyaux envers
leur peuple. Pourquoi Madiambal n’a pas pris l’exemple de la révolution du
Mandé qui a été la première révolution proclamant les droits humains, la bonne
gouvernance et le bon voisinage ? De toute façon, c’est suspect de reprocher aux
rois africains des fastes royaux universels. Partout dans le monde, d’Alexandre
de Macédoine à Hitler, le sol de l’histoire de l’humanité a été arrosé par le sang
des innocents et de la plèbe. Ce n’est point une spécificité africaine.

Alassane K KITANE

5 Commentaires

  1. Bref, Madiambal n’a pas lu Cheikh Anta Diop d’ou son inculture et ses conclusions loufoques… Pour vos répliques, Monsieur Kitane, veillez réservez votre plume à des interlocuteurs sérieux et ayant un minimum de savoir.

  2. Le bavard se réjouit et se contente des mots creux et souvent railleurs par ignorance abyssale. Il blasphème ironiquement à priori sans étudier, sans rien savoir du sujet grave qu’il aborde Quant au disciple tel Hippocrate, un doigt sur la bouche, se tait, cherche, apprend. Son œuvre intellectuelle comme chez nous, Ch Anta Diop, montrera sa compréhension et sa connaissance. La Pyramide de Khéops et de Gizeh entre autres intriguent le monde entier qui cherche encore, encore et encore à creuser, à bêcher, à analyser pour comprendre Kepler et Pythagore, entre autres, ne cachent pas avoir dérobé la vase d’or des Égyptiens. SCH. De Lubicz s’enthousiasme du Miracle Égyptien (Flammarion) dont la lecture de son ouvrage, magistral, nous éblouit par la quintessence du Savoir gigantesque enfoui dans ce passé et ses vestiges bien africains de chez nous Peut être la clef de notre renaissance, nul doute à cet effet. Nous sommes si ignorants et si éloignés de la spiritualité qui a inspiré l’Olympe des Grecs, le Parthénon et tant d’ouvrages dans le monde. Il est communément admis par les érudits que les Pyramides servaient à d’autres fins que de recevoir des sépultures Un monde accessible aux seuls assoiffés de connaissance. C’est par l’approche d’un examen attentif et symbolique des aspects structurels, intérieurs et extérieurs qu’on pourrait peut-être esquisser de comprendre les pyramides, un symbole parmi tant d’autres. Avec humilité, revenons à Socrate : Nous ne savons rien parce que toutes nos connaissances sont résiduelles et tout savoir, une ignorance qui s’ignore. Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers Soyons sérieux, graves et de grâce cessons de blasphémer le Sacré universel

  3. J’ai été choqué par l’inculture de Madiambal. Je l’avais toujours pris comme un des hypocrites qui prennent des légèretès avec les faits, pour des raisons abjectes, comme recevoir sa part du gateau ou du dessert (pour reprendrendre un fantasme de notre badolo au palais). Jamais je ne me suis douté, que ses postures sont et avant tout un probléme de culture intellectuelle.
    @ Kitane, je pense que vous avez manqué d’expliquer(peut être dû à la nécessité de condenser les pensées pour rester dans les limites d’une contributions), les raisons de la discontinuité du leg scientifique Africain de Kémit sur le reste de l’Afrique. En tout cas le lecteur curieux, peut lire Nations Nègres et/ou l’unité culturelle de l’Afrique Noire se Cheikh Anta Diop, pour être édifié. Merci pour cette analyse. J’avais arrêté de lire Madiambal depuis un certain temps, à cause de ses nombreuses inconsistences et le caractère superficiel de ses analyses. Maintenant, au moins nous en connaissons les raisons profondes.

  4. Aujourd hui , c est seulement dans l espace francophone que ces impertinences fruits du manque d informations scientifiques serieuses , nos intellectuels sont a la traine . La politique et le gain facile ont pris la place de la recherche de sorte que celui qui devrait jouer le role mediatique se trompe toujours mais de bonne foi .
    Ne blamez les pas les tenebres ,
    Allumez seulement ne serait ce que une petite bougie .
    Philosophie de la lumiere qui a une origine egyptienne : Hiro -so-fi
    Hiro = ce qui vient de la lumiere Hou-ra et So est cette flamme du coeur assimilee a la joie fi est un determinant . Et Hir-( reflet de la lumiere ) et la lettre Se = homme donc Hir-se ( homme de la lumiere ou sage )est le nom egyptien du pharaon depuis Na-mer en -3150 jc , sa suivante la reine Meritneith etait appellee Bat -ir ou Batili car r originel=l semitique
    reine = bat -hir ou bat -ir-se -ta , la seconde hiera-chique (en remarque Hiera vient de hir-) et la 3e hierachie c est le prince heritier = hir -pat ou hiri-ye ou aspirant a la sagesse .
    En Egypte antique la sagesse etait le fondement ideologique du pouvoir

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