En Libye, les troupes qui ont pris le contrôle du pays sont à quelque 50 kilomètres de Syrte.
L’offensive vers Syrte, le fief de Kadhafi, a marqué lundi une pause. Lancée la veille, dimanche, par les troupes de l’ouest de Misrata placées sous le commandement d’Ibrahim Halbous, elle avait conduit ces dernières à quelque 50 km de cette ville portuaire. Des tirs nourris de roquettes Grad auraient convaincu les rebelles de stopper la sécurisation des abords de Syrte.
Depuis l’expiration, samedi, du dernier ultimatum lancé aux villes de Beni Oulid et Syrte, les troupes de Misrata, les plus puissantes de l’alliance anti-Kadhafi, ont décidé de jeter leur dévolu sur la ville de naissance du dictateur. «Notre mission, c’est Syrte », nous confirme Nor Adien Elmaiel, chef de «l’operation room» de Misrata. Les Misrati ont un vieux contentieux avec la tribu des Warfala qui règne sur Beni Oulid. Ce sont des Warfalas qui ont assassiné le Misrati Ramadan Swali, qui était venu convaincre les habitants de Beni Oulid de le rejoindre dans son combat héroïque contre le général italien Graziani, cruel pacificateur de la Libye entre les deux guerres mondiales. Laver cette tache dans un bain de sang n’est pas la meilleure manière de faire émerger la Libye future, expliquent les chefs militaires misratis. Ce qui les a conduits à laisser les troupes de Benghazi, Tripoli et du Djebel Nefousa se charger de Beni Oualid.
Ballet d’ambulances
Dimanche à l’aube, plusieurs centaines de pick-up misratis ont fondu, en trois colonnes, dans un mouvement en tenaille, vers Syrte. Stationnées jusqu’alors au sud de Beni Oulid, les troupes d’Ibrahim Halbous ont parcouru le désert jusqu’à Gaddahiya. Partie de leur base à l’entrée sud-ouest de Misrata, une autre colonne de pick-up a filé vers les localités de Zamzam et Ouichka, où elle a été rejointe par un autre groupe venu de Hicha, le long de la côte. Selon les témoignages recueillis auprès des rebelles ayant participé à cette offensive, celle-ci a connu des fortunes diverses. «Nous sommes arrivés à 9 heures à Zamzam sans problème, affirmait Mustapha Diab. Les anciens nous ont demandé de leur laisser jusqu’à mercredi pour désarmer une dizaine de leurs jeunes », prêts à mourir dans l’immeuble où ils s’étaient retranchés. La bataille de Ouichka a été plus sanglante. Avant d’être repoussées, les troupes de Kadhafi ont utilisé leur artillerie et tiré nombre de Grad. «On a tenu notre position, puis ils ont fui en laissant derrière eux deux lanceurs de roquettes Grad», racontait Icham Boutifa. Le ballet des ambulances remontant vers Misrata, dimanche en début après-midi, attestait de la violence des combats.
Camp de base pour l’offensive
Poussant leur avantage loin dans le désert, les rebelles sont arrivés sans encombre jusqu’à Ouaddan, 250 km juste au sud de Syrte. «À Ouaddan, affirmait Ali Salah, les gens sont venus nous serrer la main, nous encourager et ils nous ont donné leurs armes.» La route partant de Syrte vers le désert serait donc coupée. Jusqu’à 50 km à l’ouest de Syrte, l’opposition kadhafiste matée. Des informations difficiles à vérifier. Sur l’autoroute menant à Syrte, un check-point bloque le passage au kilomètre 66 à l’est de Misrata. Le responsable de ce barrage n’entendait, lundi matin, laisser passer personne. Il n’en démordait pas: «J’ai reçu des ordres, on n’a pas besoin de combattants aujourd’hui, des négociations sont en cours de l’autre côté.» Face à cet homme au demeurant obtus, il y avait une trentaine de pick-up bien armés, et de jeunes Thuwars (combattants révolutionnaires) tout aussi décidés. Ils venaient de l’est de Misrata, de la katiba Zarouk, nullement concernée par l’offensive des forces de l’ouest de Misrata sur Syrte. Mais se moquant des ordres, ils étaient venus, de leur propre initiative, pour se battre. Et comme ils avaient quelques arguments montés sur leurs pick-up cuirassés, ils ont fini par enfoncer le barrage.
En profitant de l’aubaine, on pensait les suivre jusqu’aux portes de Syrte. Environ 250 km séparent Misrata de la ville natale de Kadhafi, toujours contrôlée par ses fidèles et les membres de sa tribu, les Kadhafas. Las ! L’équipée s’est arrêtée 20 km plus loin ! Sous un pont l’enjambant, l’autoroute était barrée par des véhicules militaires. Une cinquantaine de pick-up étaient déjà stationnés sur les bas-côtés. Le camp de base de l’offensive vers Syrte commençait à prendre tournure. Des camions remorques avaient apporté des baraques de chantier, celles utilisées sur les plates-formes pétrolières ; avaient suivi un camion-citerne, des petits camions frigorifiques, des 4×4 remplis de plats en barquettes, de sandwichs au thon ou au foie d’agneau, quelques générateurs, des ambulances…
avec le figaro