Par Seydou Madani Sy, ancien Recteur de l’Université de Dakar, ancien ministre de la Justice et ancien Médiateur de la République.
Edition Iroko-Khartala-Crepos
369 pages
Le livre du recteur Seydou Madani Sy est venu deux ou trois ans avant son heure. Et c’est à peine faire une boutade que de présenter les choses ainsi.
Le passage en revue des différentes Constitutions que le Sénégal a connues depuis son indépendance, met le débat actuel sur la Constitution, ses motivations et interprétations dans une perspective à la fois historique et juridique. La Constitution est au cœur de cet ouvrage, même si elle ne figure pas dans le titre.
Toutes les Constitutions sont donc passées à la loupe, de celle du 29 août 1960, après l’éclatement de la Fédération du Mali à l’actuelle, qui date de 2001.
Le référendum sur la Constitution, le cas échéant, est relaté dans son déroulement, ainsi que les forces politiques en présence et leurs positions respectives. L’auteur veille également à dresser le contexte historique et politique qui est toujours un puissant déterminant à l’évolution des Constitutions sénégalaises, à leur réforme ou à leur abrogation.
Constitution du 29 août 1960
Elle est la conséquence de l’éclatement de la Fédération du Mali le 20 août. Elle est votée par l’Assemblée nationale le 26 août et promulguée trois jours après. Elle reste influencée par la IVème République française et son régime parlementaire, mais intègre les principes de base que sont la négritude et le socialisme africain, ce qui lui donne une personnalité particulière.
Constitution du 07 mars 1963
Là également c’est une crise – les événements de décembre 1962 – qui constitue le déterminant essentiel. La nouvelle Constitution valide, en quelque sorte, l’issue de la confrontation qui a été favorable au Président de la République, face au chef du gouvernement. C’est l’instauration du présidentialisme et la perte de prérogatives de l’Assemblée nationale au profit du Président de la République. Au point que l’on peut se demander si le Sénégal ne vit pas, encore aujourd’hui, l’issue de cette bataille des anciens.
L’auteur cite le Président Senghor qui déclarait que dans le conflit entre le chef du gouvernement et lui, les structures de l’Etat et la Constitution étaient plus responsables que les hommes.
La question à laquelle devaient répondre les votants était la suivante : « Approuvez-vous le projet de loi constitutionnelle proposé par le Président de la République après avis du Président de l’Assemblée Nationale et du conseil de ministres ?» Elle laisse perplexe si l’on a à l’esprit, que le taux d’analphabétisme était particulièrement élevé en 1963.
Les langues nationales n’étaient guère particulièrement valorisées, même si les politiciens ont dû faire un travail de terrain et d’explication.
Constitution du 26 février 1970
Cinq ans après le vote de la Constitution de 1963, éclate la grave crise de mai 1968 : agitation à l’université de Dakar, grève générale des syndicats ouvriers et proclamation de l’état d’urgence.
Ces événements auront une influence directe sur la réforme de la Loi fondamentale, réforme qui était elle-même un des mécanismes de gestion de l’après mai – 1968.
La Constitution de 1970 était aussi une réaction contre la concentration du pouvoir entre les mains du Président de la République et ses proches collaborateurs. L’idée de créer un poste de Premier ministre est agitée par les animateurs du club Nation et Développement créé en 1969, pour participer à un processus de résorption d’une crise dont les causes n’étaient pas toutes externes à la mouvance du pouvoir. Certaines causes de mécontentement étaient internes ou émanaient de milieux qui n’entretenaient pas nécessairement des relations d’opposition avec le pouvoir de l’époque.
Le poste de Premier ministre est restauré.
Cette Constitution va subir par la suite, une série réformes qui sont autant de concessions faites par le biais de réformes : restauration du pluralisme officiel même limité à trois puis quatre partis représentant chacun un courant de pensée, introduction de l’article 35 qui confie au Premier ministre, la suppléance de la Présidence de la République. La prérogative était jusque-là dévolue au Président de l’Assemblée Nationale.
L’impression qui se dégage de l’évolution de cette Constitution est qu’autant elle a subi les événements dont elle a été la conséquence logique, autant elle s’est voulu proactive en dessinant d’elle-même les contours de sa future évolution. L’histoire en a d’ailleurs attestée sur certains aspects, avec, notamment l’arrivée à la présidence de la République, d’un dauphin choisi par le Président démissionnaire.
Abdou Diouf, parvenu à la tête de l’Etat en début 1981, n’a pas pris l’initiative de proposer une nouvelle Constitution comme l’ont fait son prédécesseur Léopold Sédar Senghor et, plus tard, son successeur Abdoulaye Wade.
L’organisation du livre du Pr Seydou Madani Sy réserve un chapitre à chacun des trois Présidents de la République que notre pays connus. Le chapitre de Diouf ne comporte aucune Constitution datée de son passage au pouvoir mais, à l’inverse, c’est dans cette période que l’on trouve le plus de lois constitutionnelles et de lois portant réformes de la Constitution.
Les nombreuses réformes auxquelles il a été procédé, et que M. Madani Sy rappelle point par point, ne sont-elles pas d’impact égal voire supérieur à celui d’une nouvelle Constitution ?
Constitution du 2001
En revanche Abdoulaye Wade propose une nouvelle constitution moins d’un an après son arrivée au pouvoir. Une constitution largement approuvée à l’issue d’un référendum.
L’opération était-elle nécessaire ou s’agissait-il d’un acte symbolique pour marquer les esprits et signifier qu’une page était tournée dans l’histoire du Sénégal ?
La question se pose de savoir si des déterminants particuliers obligent à modifier les constitutions, alors que d’autres permettent tout juste de les réformer. Ce qui laisse envisager que des réformes peuvent avoir plus d’effets que l’adoption d’une nouvelle constitution.
Le thème de la Constitution n’épuise pas cependant, tout le contenu du livre du recteur Seydou Madani Sy. Les partis politiques y sont présentés dans la période de 1960-2007.
Les organismes de supervision des élections (Observatoire national des élections-Onel, Commission électorale nationale autonome-Cena) et de régulation de l’audiovisuel (Haut Conseil de l’audiovisuel-Hca, Commission nationale de régulation de l’audiovisuel-Cnra) sont aussi passées en revue et classées sous la désignation d’organismes régulateurs de la vie politique. La Cour suprême et le Conseil constitutionnel sont placés sous le même chapeau avec une présentation de leurs domaines de compétence respectifs.
Le dernier chapitre du livre est consacré à la société civile : les syndicats qui balancent entre défense des intérêts des travailleurs et engagement dans l’action politique, les confréries, avec un aperçu des relations que Senghor, Diouf et Wade ont respectivement entretenues avec des chefs religieux. Diouf continue Senghor dans la recherche d’une complémentarité politiquement profitable avec la hiérarchie religieuse.
Mais avec Wade, l’auteur signale une nouvelle tournure avec l’allégeance du chef de l’Etat à une confrérie. Cela inaugure une ère nouvelle dans les relations entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux.
L’auteur jette un regard sur les organisations classiques de la Société civile avec, comme illustration : la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho), le Conseil sénégalais des femmes (Cosef) et le Réseau africain pour la promotion de la Femme travailleuse (Rafet).
A propos de la Raddho, l’auteur considère qu’elle joue en matière d’observation des élections, un rôle d’une importance telle qu’elle est désormais un élément incontournable du système électoral sénégalais.
Seydou Madani Sy se demande, dans la conclusion de son ouvrage, si le meilleur régime pour le Sénégal devrait être présidentiel ou parlementaire. Il opte pour une position intermédiaire qui serait le renforcement des pouvoirs du Premier ministre, de manière à répondre, au moins en partie, aux impératifs de modernisation de l’Etat. Dans la même logique, le chef du gouvernement pourrait aussi diriger le parti du président, ce qui donnerait à ce dernier la possibilité de prendre du recul.
Mame Less Camara
Merci Pr SY. Une trés belle leçon pour tous les sénégalais et particulièrement les jeunes intéllo. Ceci montre que le SENEGAL ne compte que des farba ou jules ndéndé ou serigne mbacké des cancres qui ne font font que verbiager.
Merci Pr Seydou Madani SY, vrai Torodo, tellement que je suis fière, g les larmes au yeux. Que DIEU te donne longue vie, santé . Encore une fois MERCI